Le sommeil, le rêve et l'enfant
Challamel M.J., Thirion M.
TABLE DES MATIERES
Comment étudie-t-on le sommeil ?
Les cinq stades du sommeil d'une nuit normale
L'agenda de sommeil
Nous sommes des êtres cycliques
Pour commencer, quelques définitions
Les trois états de vigilance
Que se passe-t-il au cours d'une nuit de sommeil?
Les besoins de sommeil
Chronobiologie et rythmes circadiens
Les rythmes circadiens de vigilance
Comment interpréter cette courbe?
Les expériences "hors du temps"
Les horloges biologiques
Les altérations de rythme
Ce qu'il faut retenir
De la vie foetale à l'adolescence, le sommeil se construit et s'organise
Les états de vigilance du nouveau né
Le sommeil calme (stade I)
Le sommeil agité (stade II)
L'état de veille calme (stade III)
Les états de veille agitée (stades IV et V)
Le sommeil du foetus
Le sommeil du nouveau-né prématuré
Les états de vigilance pendant l'accouchement
Le sommeil du nouveau-né et du premier mois de vie
L'enfant de 1 à 6 mois
L'enfant entre 6 mois et 4 ans
L'enfant de 4 à 12 ans
Le sommeil de l'adolescent
FIGURES

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Les trois états de vigilance

Encore quelques définitions, mais plus connues et beaucoup plus simples. Notre vie d'adultes est faite de la succession de trois états de vigilance, totalement différents les uns des autres, aussi bien dans notre comportement extérieur, visible, que dans leur traduction électroencéphalographique: l'éveil, le sommeil lent et le sommeil paradoxal.

- L'EVEIL, OU ÉTAT DE VEILLE, caractérise tous les moments conscients de notre vie, et représente chez l'adulte près des deux tiers du temps. Cet état oscille de façon plus ou moins rapide entre des temps d'éveil actif et des temps d'éveil passif.

  • Au cours de l'éveil actif, nos yeux sont grands ouverts, brillants, très mobiles, nos gestes fréquents, rapides, précis, notre temps de réaction à toutes les stimulations qui nous entourent est très court, les réflexes sont vifs, notre envie de communiquer et notre facilité pour apprendre sont importantes. Notre cerveau est en alerte et l'activité électrique cérébrale recueillie sur l'EEG est rapide, peu ample. Il nous sera difficile de nous endormir au cours de cette période de veille active.
  • A ces états actifs succèdent de façon périodique des états de veille passifs. Éveils au cours desquels nos gestes sont plus lents, nos yeux moins vifs, notre temps de réaction à ce qui nous entoure beaucoup plus long. Nous sommes moins bavards, plus distants, plus rêveurs, souvent plus frileux. A ce stade, nous avons envie de nous relaxer, de nous détendre, et il nous est facile de nous "laisser aller", de fermer les yeux et de nous endormir. Nos ondes électriques corticales, lorsque nous avons les yeux fermés, sont régulières, un peu plus amples et plus lentes que lors des états de veille actifs, de 8 à 12 ondes par seconde (activité type "alpha"). Cet état de veille relaxé est une porte ouverte sur le sommeil.

- LE SOMMEIL LENT est ainsi appelé car il est caractérisé par un ralentissement et une augmentation d'amplitude progressive des ondes électriques corticales. Il est dit aussi sommeil classique, sommeil orthodoxe.

Un adulte s'endort presque toujours en sommeil lent et ce sommeil représente chaque nuit environ 75 % à 80 % du sommeil total, soit environ 6 heures de sommeil lent pour une nuit de 8 heures. Ce sommeil peut être décomposé en quatre stades de profondeur croissante:

  • Le stade I correspond à l'endormissement ou à un état de pré-réveil, périodes au cours desquelles nous sommes "entre deux eaux", pas tout à fait endormis, ni complètement réveillés. Les mouvements corporels se font rares.
  • En stade II, nous dormons, mais ce sommeil est léger. Une porte qui claque chez le voisin nous réveillera. Il persiste une certaine activité mentale: rêves flous, plus proches d'une pensée d'éveil que d'images, rêves plus logiques, plus cohérents que ceux du sommeil paradoxal. L'activité électrique est de plus en plus lente. Les stades I et II représentent 50 % du sommeil total, soit 4 heures par nuit.
  • Les stades III et IV correspondent à un sommeil très profond. La réactivité aux stimulations extérieures est très faible, l'immobilité à peu près totale. Le visage est inexpressif, l'activité mentale probablement très faible. Les yeux sous les paupières fermées sont immobiles (sommeil sans mouvement oculaire des Anglo-Saxons: non rapid eyes movement sleep: NREMS). Le pouls et le rythme respiratoire sont lents et réguliers. Par contre, le tonus musculaire est conservé, les muscles restent fermes, le corps à demi plié, les doigts serrés (dormir à poings fermés). S'il nous arrive de nous endormir debout, nous ne nous effondrerons pas. L'activité électrique cérébrale est lente et ample. Ces stades III et IV représentent environ 25 % du sommeil total, soit 2 heures par nuit.

- LE SOMMEIL PARADOXAL, OU SOMMEIL DE REVE, succède au sommeil lent. Il en est aussi différent que le sommeil lent est différent de l'éveil. Il a été nommé "paradoxal" par Michel Jouvet, devant le contraste entre un sujet complètement endormi, détendu, et l'enregistrement EEG d'une activité électrique corticale intense, avec des ondes rapides, peu amples, très proches de celles de l'éveil actif. Ce sommeil représente 20 à 25 % du sommeil total, soit, lui aussi, près de 2 heures par nuit.

L'activité électrique est le reflet d'une activité mentale intense, d'un véritable éveil cérébral, qui correspond au rêve. Si l'on réveille un dormeur pendant cette période, dans 80 % des cas il raconte une histoire de rêve très précise, très détaillée. Ces rêves sont fugaces, vite effacés de notre mémoire, ce qui peut nous faire croire que nous n'avons pas rêvé. Les rêves dont l'on se souvient au matin sont ceux des dernières minutes du sommeil paradoxal, juste avant notre réveil ssif. En effet, l'éveil spontané du matin survient souvent à la fin d'une phase de sommeil paradoxal.

En sommeil paradoxal, notre visage est le reflet de l'activité onirique. Il est mobile, expressif, plus "social" qu'en sommeil lent. Les paupières sont fermées, mais les yeux bougent très rapidement et ces mouvements sont visibles au travers des paupières (sommeil à mouvements oculaires rapides des Anglo-Saxons: REMS). Le pouls et la respiration sont aussi rapides qu'en phase d'éveil, mais plus irréguliers. Il peut de temps à autre exister quelques brefs mouvements corporels, mais, en pratique, la caractéristique de ce sommeil paradoxal est une hypotonie musculaire intense. Nous sommes complètement détendus, étalés, muscles relâchés, doigts ouverts. Endormi en position instable, la tête s'écroule, le corps se laisse tomber. Il existe une véritable paralysie transitoire qui, bien sûr, disparaît dès que nous sommes réveillés ou dans une nouvelle période de sommeil lent. Cette paralysie nous empêche peut-être de "passer à l'acte" au cours de nos rêves.

Deux tableaux peuvent résumer ces caractéristiques:

SOMMEIL LENT SOMMEIL PARADOXAL
visage inexpressif
respiration lente et régulière
pouls lent et régulier
pas de mouvements oculaires
tonus musculaire conservé
activité électrique cérébrale de plus en plus lente et ample
visage expressif
respiration rapide et irrégulière
pouls rapide
mouvements oculaires rapides verticaux et horizontaux
tonus musculaire aboli
paralysie
activité électrique cérébrale rapide, intense

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