Le bonheur par le rêve
Un des premiers ouvrages musulmans consacrés
aux rêves s'intitulait :
Pour rendre le monde plus heureux par l'interprétation
des rêves.
Dans les années cinquante, l'ethnologue Bohumil Holas
étudia " quelques recettes employées au
Sénégal pour provoquer les rêves ", recettes
qui seraient encore utilisées aujourd'hui. Holas montre
qu'une tradition s'est installée très tôt
dans le monde musulman pour " domestiquer " les rêves
des croyants. Pour provoquer les rêves au Sénégal,
il faut d'abord trouver le " bon lieu ". Comme pour
la prière, il est essentiel que l'endroit où l'on
se couche soit propre. La nuit, la proximité des tombes
est recommandée, et pour les femmes celles des grands marabouts.
Si tous les mois du calendrier lunaire sont favorables au rêve,
nisan (avril) est, semble-t-il, le plus propice. Bien sûr,
rêver sur commande est le résultat de techniques
préparatoires. Il est recommandé de citer des versets
du Coran avant de se coucher, notamment ceux du premier livre
saint, le Fatiha, qu'il faudra dire sept fois, ou de prononcer
cent fois " Que Dieu me pardonne " ou encore
d'égrener vingt et une fois de suite les neuf noms de Dieu.
Aux récitations s'ajoute la gestuelle suivante: chuchoter
son désir particulier en cachant la bouche de la main droite,
puis de se coucher sur le côté droit, cette même
main sous l'oreiller. Si cela ne suffit pas à entrer dans
le rêve, certaines plantes communes au Sénégal
peuvent y aider: la racine de bakis ou le sindiégne. Dents
serrées au moment ou l'on s'endort, une solution d'eau
salée ou quelques fumigations de miel et d'encens donneront
des visions de terreur: démons, morts et êtres surnaturels
assurés. On peut aussi se couvrir le visage de kaoulane
(kaolin), de myrrhe liquide ou s'enduire de toute autre potion
opiacée pour rejoindre et résister aux mauvais djou
(esprits), à condition bien sûr de s'être protégé
par quelques talismans que l'on aura pris soin de placer dans
et sous sa couche, pour que tous ces voyages nocturnes restent
favorables au croyant.
P. D.
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