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IntroductionSommeil-Esprit ! Ces deux phénomènes sont en apparence contradictoires. D'une part, la ressemblance du Sommeil et de la Mort illustrée par Hypnos et Thanatos, les deux frères jumeaux de la mythologie grecque, d'autre part, l'Esprit, ce témoin de l'activité nerveuse supérieure au cours de l'éveil. Il est vraisemblable que cette contradiction est à l'origine du concept d'Esprit. Imaginons les premiers Hominiens réfugiés dans une grotte de l'Afrique Orientale. Ils possèdent déjà un langage rudimentaire et ils pensent mais ils ne pensent pas encore qu'ils pensent... Un rêveur se réveille et raconte qu'au cours de la nuit, il était sorti de la grotte et avait volé comme un oiseau. Ses compagnons le regardent, stupéfaits et incrédules. Le même phénomène se reproduit encore, et encore. Combien de temps a-t-il fallu pour que jaillisse alors, un jour, l'interrogation capItal.e qui est à l'aube de l'humanité: il doit exister quelque chose d'immatériel, "l'Esprit ou l'Ame", qui est fondamentalement différente du corps matériel. L'Esprit infatigable et invisible peut en effet demeurer éveillé pendant le Sommeil. Il voyage où il veut, dans l'espace et dans le temps, le passé ou le futur, et peut délivrer au cerveau les images fantastiques de son périple, ou de son dialogue avec dieux et démons, pendant que le corps, immobile et fatigué, est écrasé par le Sommeil. Certes, la pensée humaine dut hésiter entre deux aspects de l'individualisation du rêve, le mouvement de l'âme errante quittant son corps pour se livrer à un vagabondage nocturne, ou le mouvement des dieux et des démons venant visiter l'homme endormi et lui octroyer ses révélations... Mais il apparaît vraisemblable que le rêve a été, selon Spencer et Malinovski, à la base de la croyance dans l'âme, l'esprit, les dieux et les démons que l'on retrouve sous de nombreux avatars à la naissance de toutes les civilisations et de toutes les religions. Il en est ainsi des rêves prophétiques. Les songes de Jacob, de Pharaon et de Nabuchodonosor dans l'Ancien Testament, le songe de Joseph, des Mages et de la fuite en Égypte dans les Évangiles de Matthieu. Ainsi, les songes du Bouddhisme, de Maya la Mère du Bouddha, de Cudhodana, son Père ou de Gôpa, sa femme. Ainsi les songes de l'Islam dont le plus célèbre est le voyage de Mahomet sur sa jument Elborak. Plus tard, les fondateurs d'ordres religieux entrèrent en relation privilégiée avec Dieu par l'intermédiaire du rêve comme Macaire, François d'Assise, Don Bosco, saint Bruno. Ce courant métaphysique du rêve persiste encore aujourd'hui. Les fellahs du Delta du Nil s'enveloppent la tête avec un turban pour empêcher leur âme de quitter leur tête au cours du sommeil et, chez les tribus Masaï du Kenya, il est interdit de réveiller brusquement un dormeur de peur que l'Esprit qui vagabonde n'ait le temps de réintégrer le corps (voir références in [1]). Bien sûr, ce n'est pas au neurobiologiste de retracer l'histoire du rêve, ce premier aspect de l'inconscient découvert bien avant les concepts de conscience et d'inconscient au niveau cognitif et affectif. Au neurobiologiste, la tâche encore impossible d'essayer d'expliquer avec nos connaissances actuelles, les machinations de la nuit au niveau de l'Esprit. Il nous faut d'abord nous situer parmi les différentes "écoles" qui étudient la conscience, car cette situation est responsable de notre définition de l'Esprit. Ni le behaviorisme (qui évacue le problème de l'Esprit ou de la conscience), ni le fonctionnalisme qui ne s'intéresse qu'aux performances et qui peut fort bien admettre qu'un ordinateur soit conscient, ni le panpsychisme ne sont appropriés à notre étude. En l'absence de preuves permettant de concevoir des influences externes immatérielles pouvant agir sur le cerveau en violation des lois de la thermodynamique, nous nous situons donc, pour le moment, au sein de l'école dite de "l'identité psychoneurale" et donc en opposition avec le dualisme cartésien, dans son acception originale ou dans ses développements plus récents. Par Esprit, nous entendons le fonctionnement de l'activité nerveuse supérieure: la perception ou l'aperception de l'environnement, la représentation d'êtres absents (imagerie mentale) permettant la prévision de certaines réponses complexes, la communication avec les congénères. En bref, chez l'homme, la conscience réflexive: "Je pense que je pense", la conscience: "Je pense", l'inconscient: "J'ai fait cet acte complexe sans y penser". Nous admettons que certains aspects de la conscience peuvent exister chez tous les homéothermes, des oiseaux (le perroquet gris du Gabon est capable de retenir 1 200 mots, plus qu'un enfant de 5 ans) aux mammifères [ 2]. La conscience de soi (reconnaissance de sa face dans un miroir) apparaît avec le chimpanzé, mais n'existe pas chez le gorille. La conscience réflexive est sans doute réservée à l'homme éveillé (je suis conscient d'être conscient) et au rêveur. Dans ce dernier cas, comme nous le verrons plus bas, la conscience réflexive peut être sujette à d'étranges distorsions. Les différents modes opérationnels synchroniques de la conscience sont prolongés par un sillage diachronique en rapport avec la mémoire. Nous pouvons en général nous souvenir facilement de nos pensées ou de nos actes conscients alors que des associations d'idées nous permettent de retrouver l'origine de certains actes inconscients. |
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