Le rêve : Histoire naturelle
Par Michel Jouvet Médecine et Hygiène 35 : 1203-1242
TABLE DES MATIERES

Sommaire

I. Les limites temporelles du rêve

II. Neurophysiologie expérimentale

III. L'histoire naturelle du rêve

IV. La privation de SP

V. Les fonctions du sommeil paradoxal

Figure 1

Tableau 1


IMPRESSION
Version imprimable
(Tout l'article dans une seule page)

IV. La privation de SP

Chez l'animal adulte, il est relativement aisé de supprimer sélectivement le SP avec des méthodes instrumentales (22) (en réveillant par exemple l'animal au début de chaque épisode de SP). Ce procédé entraîne cependant une diminution relativement importante du sommeil et produit une agression non spécifique de l'organisme. Aux privations instrumentales ont ainsi succédé les privations pharmacologiques. Dans ce domaine également, il reste à prouver que les diverses drogues qui suppriment le SP n'ont pas d'autres actions sur d'autres systèmes. Enfin, l'hétérogénéité des structures qui déclenchent le SP rend illusoire une approche purement lésionnelle. Si l'on peut supprimer " sélectivement " le SP par une lésion assez extensive du tegmentum pontique, il est illusoire de penser que d'autres systèmes n'aient pas été également lésés. Cependant, le bilan des privations instrumentales est positif puisqu'elles ont démontré l'existence d'un besoin spécifique en SP. Par exemple, la privation de SP de 4 jours, chez le chat, est suivie d'une dette théorique de 200 mn x 4 - soit 800 mn de SP. Lors de la récupération qui fait suite à la privation, on assiste a une augmentation importante (un rebond) de SP qui peut atteindre jusqu'à 60% de la durée du sommeil (au lieu de 25%). Grâce à ce rebond, la " dette " de S P peut ainsi être presque entièrement remboursée. Ces notions de " besoin ", de " dette ", de " remboursement " orientent vers l'existence d'une fonction importante, mais les quelques altérations comportementales qui ont été observées chez le chat ou le rat après privation de SP: hyperexcitabilité nerveuse, diminution du seuil épileptogène, augmentation de l'agressivité, parfois diminution de l'acquisition au cours de l'apprentissage, ne peuvent pas de façon convaincante être attribuées à la privation de SP plus qu'au stress non spécifique qui l'accompagne. L'arsenal pharmacologique (qui agit sur le métabolisme des amines cérébrales) s'est modifié considérablement depuis la découverte que les inhibiteurs des monoamine- oxydases (MAO) pouvaient supprimer sélectivement le SP. Des suppressions de longue durée (semaines ou mois) du SP ont ainsi pu être obtenues aussi bien chez l'animal que chez l'homme (chez qui ces drogues sont employées à titre thérapeutique dans le cas de narcolepsie-cataplexie ou de dépression). Il n'a pas été constaté de troubles de la mémoire, ni de troubles du comportement évidents, mis à part cependant des changements notables de la personnalité et de l'humeur chez l'homme. Dans certains cas, en effet, la suppression de SP peut avoir un effet très favorable sur l'état thymique en améliorant certains états dépressifs (23).

page suivante

BIBLIOGRAPHIE
  • 1. T. Allison, H. Van Twyver et W. R. Goff
    Arch. ltal. Biol., 110, 145-184,1972.
  • 2. J. Bert
    Brain res., 88, 362-366,1975.
  • 3. R. Cespuglio, R. Musolino, G. Debilly, M. Jouvet et J. L. Valatx
    Comptes rendus Acad. Sciences, Paris, 280, série D, 2681 2684,1975.
  • 4. W. C. Dement
    Electroencephalogr. Clin. Neurophysiol., 10, 291-296, 1958.
  • 5. W. C. Dement et N. Kleitman
    Electroencephalogr. Clin. Neurophysiol., 9, 673-690, 1957.
  • 6. M. Jouvet
    Arch. Ital. Biol., 100, 125-206,1962.
    Consultez l'article en texte intégral
  • 7. M. Jouvet
    Physiological Rev., 47,117-177, 1967.
  • 8. M. Jouvet
    Science, 163, 32-41, 1969.
    Consultez l'article en texte intégral
  • 9. M. Jouvet
    Ergebnisse der Physiol., 64,166-307,1972.
  • 10. M. Jouvet et J. F. Pujol
    Rev. Neurol., 127,115-138,1972.
  • 11. M. Jouvet
    in Handbook of Psychobiology, M. S. Gazzaniga and C. Blakemore, eds., Academic Press, Londres, 499-527, 1975.
  • 12. M. Jouvet et D. Jouvet
    in Psychiatrie Animale, H. Ey ed., Desclée de Brouwers, Paris 1964.
  • 13. M, Jouvet et F. Michel
    C. R. Sc. Biol., 153, 422-425, 1959
    Consultez l'article en texte intégral
  • 14. D. Jouvet-Mounier
    Thèse de Sciences, J. Tixier, Lyon, 231, 1968.
  • 15. D. Jouvet-Mounier, L. Astic et D. Lacote
    Developmental Psychobiol., 2, 216-239,1970.
  • 16. K. Kitahama, J. L. Valatx et M. Jouvet
    Brain res., 108 75-86 1976.
  • 17. J. Mouret E. Balzamo G. Verchere M. Gessain R. Gessain et M. Jouvet
    Sleep Res. (in press).
  • 18. J. Shields
    Oxford University Press London 1962.
  • 19. J. L. Valatx
    Rev. E.E.G. Neurophysiol. 5, 319-329, 1975.
  • 20. J. L. Valatx, R. Bugat et M. Jouvet
    Nature, 238, 226, 1972.
  • 21. J. L. Valatx, D. Jouvet et M. Jouvet
    Electroencephalogr. Clin. Neurophysiol. 17, 218-233 1964.
  • 22. P. Vimont, D. Jouvet- Mounier et F. Delorme
    Electroencephalogr. Clin. Neurophysiol, 20,439-449 1966.
  • 23. G. W. Vogel A. Thurmond, P. Gibbons, K. Sloan, M. Beyd et M. Walker
    Arch. Gen. Psychiat., 32, 765-777, 1975.
  • 24. J.-P. Laurent, R. Cespuglio et M. Jouvet
    Brain res., 65, 29-52, 1974.
  • 25. R. Cespuglio, J.P. Laurent et M. Jouvet
    Brain res., 83, 319-335,1975