Le rêve : Histoire naturelle
Par Michel Jouvet Médecine et Hygiène 35 : 1203-1242
TABLE DES MATIERES

Sommaire

I. Les limites temporelles du rêve

II. Neurophysiologie expérimentale

III. L'histoire naturelle du rêve

IV. La privation de SP

V. Les fonctions du sommeil paradoxal

Figure 1

Tableau 1


IMPRESSION
Version imprimable
(Tout l'article dans une seule page)

I. Les limites temporelles du rêve

Il nous apparaît naturel que notre cerveau passe alternativement de l'état d'éveil à l'état de sommeil. A quel moment situer alors le rêve au cours du sommeil? A la fin du siècle dernier, Maury, professeur au Collège de France, renversa la conception idéaliste d'une âme perpétuellement éveillée au cours du sommeil en démontrant que le rêve était un phénomène épisodique ou aléatoire. Peu de réveils au cours du sommeil sont en effet suivis d'un souvenir précis de rêve. Maury émit alors l'hypothèse que le rêve apparaissait lors d'un stade intermédiaire entre l'éveil et le sommeil, soit lors de l'endormissement et avant le réveil, soit lorsque le sommeil est allégé par une stimulation externe ou interne. Cette conception devait imprégner les premiers expérimentateurs du rêve avec des techniques polygraphiques:

Entre 1953 et 1958, les travaux de l'Ecole de Chicago, avec Dement et Kleitman, démontrèrent l'existence de périodes de mouvements oculaires rapides au cours du sommeil (5). Ces périodes, d'une durée moyenne de 20 mn, surviennent environ toutes les 90 mn. Elles s'accompagnent d'un tracé électroencéphalographique similaire au sommeil léger de l'endormissement (Descending stage one). Le réveil des sujets à ce moment permet d'obtenir avec beaucoup de précision des souvenirs de rêve alors que ceux-ci sont moins fréquents et beaucoup plus estompés lorsque le réveil a lieu en dehors de ces phases. Ainsi le rêve fit son entrée en psychophysiologie. D'épisodique (ou aléatoire), le rêve devenait un phénomène rythmique doué d'une périodicité ultradienne. Pour l'Ecole de Chicago, cependant, le rêve survenait au cours d'un stade de sommeil léger. Ce concept de stade semi vigil s'exprime alors dans la terminologie de l'époque: ascending ou emerging stage one. En fait grâce aux travaux de neurophysiologie animale que devait découvrir cet état (que nous avons baptisé sommeil paradoxal), chez le chat (13), il apparu que le rêve n'était pas un stade de sommeil léger (4), mais bien un nouvel état de fonctionnement du cerveau, aussi différent du sommeil que celui-ci l'est de l'éveil (tableau). La découverte de ce nouvel état fonctionnel du cerveau devait nous entraîner vers deux voies de recherche, celle réductioniste et synchronique de la neurophysiologie expérimentale et celle holistique et diachronique.

page suivante

BIBLIOGRAPHIE
  • 1. T. Allison, H. Van Twyver et W. R. Goff
    Arch. ltal. Biol., 110, 145-184,1972.
  • 2. J. Bert
    Brain res., 88, 362-366,1975.
  • 3. R. Cespuglio, R. Musolino, G. Debilly, M. Jouvet et J. L. Valatx
    Comptes rendus Acad. Sciences, Paris, 280, série D, 2681 2684,1975.
  • 4. W. C. Dement
    Electroencephalogr. Clin. Neurophysiol., 10, 291-296, 1958.
  • 5. W. C. Dement et N. Kleitman
    Electroencephalogr. Clin. Neurophysiol., 9, 673-690, 1957.
  • 6. M. Jouvet
    Arch. Ital. Biol., 100, 125-206,1962.
    Consultez l'article en texte intégral
  • 7. M. Jouvet
    Physiological Rev., 47,117-177, 1967.
  • 8. M. Jouvet
    Science, 163, 32-41, 1969.
    Consultez l'article en texte intégral
  • 9. M. Jouvet
    Ergebnisse der Physiol., 64,166-307,1972.
  • 10. M. Jouvet et J. F. Pujol
    Rev. Neurol., 127,115-138,1972.
  • 11. M. Jouvet
    in Handbook of Psychobiology, M. S. Gazzaniga and C. Blakemore, eds., Academic Press, Londres, 499-527, 1975.
  • 12. M. Jouvet et D. Jouvet
    in Psychiatrie Animale, H. Ey ed., Desclée de Brouwers, Paris 1964.
  • 13. M, Jouvet et F. Michel
    C. R. Sc. Biol., 153, 422-425, 1959
    Consultez l'article en texte intégral
  • 14. D. Jouvet-Mounier
    Thèse de Sciences, J. Tixier, Lyon, 231, 1968.
  • 15. D. Jouvet-Mounier, L. Astic et D. Lacote
    Developmental Psychobiol., 2, 216-239,1970.
  • 16. K. Kitahama, J. L. Valatx et M. Jouvet
    Brain res., 108 75-86 1976.
  • 17. J. Mouret E. Balzamo G. Verchere M. Gessain R. Gessain et M. Jouvet
    Sleep Res. (in press).
  • 18. J. Shields
    Oxford University Press London 1962.
  • 19. J. L. Valatx
    Rev. E.E.G. Neurophysiol. 5, 319-329, 1975.
  • 20. J. L. Valatx, R. Bugat et M. Jouvet
    Nature, 238, 226, 1972.
  • 21. J. L. Valatx, D. Jouvet et M. Jouvet
    Electroencephalogr. Clin. Neurophysiol. 17, 218-233 1964.
  • 22. P. Vimont, D. Jouvet- Mounier et F. Delorme
    Electroencephalogr. Clin. Neurophysiol, 20,439-449 1966.
  • 23. G. W. Vogel A. Thurmond, P. Gibbons, K. Sloan, M. Beyd et M. Walker
    Arch. Gen. Psychiat., 32, 765-777, 1975.
  • 24. J.-P. Laurent, R. Cespuglio et M. Jouvet
    Brain res., 65, 29-52, 1974.
  • 25. R. Cespuglio, J.P. Laurent et M. Jouvet
    Brain res., 83, 319-335,1975