La privation du sommeil
Jean-Louis Valatx
Médecine et Hygiène (1988)

TABLE DES MATIERES

Sommaire
Introduction
Rappel de la physiologie du sommeil
Privation de sommeil
Méthodes de privation
Effets de la privation de sommeil
Résistance à la privation de sommeil
A quels signes peut-on reconnaître une personne privée de sommeil ?
Zones à risques de privation de sommeil

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Effets de la privation de sommeil

Les effets sont variables selon les individus. L'étude génétique et les notions de "petits" ou "gros" dormeurs sont trop récentes pour qu'elles aient été prises en compte dans l'étude des effets de la privation. Les effets se manifestent des 24 heures de privation.

A. Privation totale du sommeil

La durée des expériences contrôlées varie de 1 a 11 jours (264 h). Les effets sont multiples et leur intensité est fonction de la durée de privation et de l'état de stress du sujet.

1. Les troubles de l'humeur sont les premiers à se manifester.

On observe:

  • une irritabilité et une irascibilité croissantes;
  • une alternance rapide (quelques minutes) d'euphorie et de dépression;
  • parfois une indifférence à l'environnement avec le désir de rester seul.

2. Instabilité psychomotrice. La personne ne peut rester immobile. Elle éprouve le besoin de se déplacer, de changer de place, de position (debout, assis). De ce fait, elle a des difficultés à fixer son attention.

3. Les troubles de la sphère visuelle sont multiples et variés

  • sensation de brulure, de picotements oculaires. L'observation montre une hyperhémie conjonctivale (yeux rouges);
  • le sujet voit du brouillard autour des lumières. Parfois, diplopie. La lecture est alors difficile;
  • changement de forme des objets. Le sujet a l'impression que le sol ondule, que les lumières clignotent, que les objets bougent rapidement dans le champ visuel latéral;
  • hallucinations vraies. Elles peuvent survenir dès le 3e jour de privation. Au début, le sujet critique ces hallucinations puis il y croit de plus en plus. Ces hallucinations sont particulières: le sujet voit des fils, des cheveux qu'il cherche à enlever; il croit voir des fourmis, des vers sur sa peau (témoins des dysesthesies ressenties).

4. Troubles somesthésiques. Dysesthésies: la personne perçoit des fourmillements des extrémités (mains, pieds). Au niveau de la face, elle a l'impression d'avoir un chapeau très serré. Des trémulations des paupières et au niveau des membres sont observables. Les tests mettent en évidence une augmentation de la sensibilité à la douleur.

5. Les troubles auditifs sont très inconstants. Le sujet entend des bruits paraissant lointains (sifflements, cloches).

6. Désorganisation de la pensée. Les troubles se caractérisent par:

  • un ralentissement de l'idéation entraînant une parole lente et basse. Aux questions posées, la réponse est longue à venir comme si le délai de reflexion était augmenté;
  • des difficultés à trouver le mot correct. Les phrases restent inachevées. Le sujet a des difficultés à garder un raisonnement logique. Il perd "le fil" logique du discours;
  • une suggestibilité accrue;
  • des oublis des faits récents: il existe une cenaine amnésie antérograde. De plus, les personnes privées de sommeil éprouvent des difficultés à se projeter dans le futur (amnésie du futur). Cela est d'autant plus perceptible que ces personnes exercent des responsabilités importantes. Elles se préoccupent essentiellement de la routine quotidienne;
  • une confusion et une désorientation temporo-spatiale après 5 a 6 jours de privation.

7. Syndrome végétatif (inconstant). Il est possible d'observer une tachycardie modérée et une hyperthermie (38°-38°5). De plus, l'augmentation de la sensation de faim entraîne une hyperphagie. Des céphalées, des gastralgies, une augmentation de la libido peuvent être observées.

8. La perception temporelle est modifiée. Tantôt le sujet croit que le temps passe vite, tantôt il le croit ralenti. Ce fait est objectivé par le test du "tapping"; on demande au sujet de battre la seconde: il tape plus vite ou plus lentement que le temps réel.

B. Privation partielle

La privation partielle est réalisée avec les mêmes méthodes que la privation totale mais elle est limitée à 2, 3 ou 5 heures chaque jour. Les changements de rythmes de travail peuvent entraîner des privations de sommeil.

Les mêmes troubles sont observés mais leur apparition est plus progressive et peut s'étaler sur plusieurs semaines.

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BIBLIOGRAPHIE

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