Alors que dans le romantisme, le rêve est une expérience
psychique privilégiée, il est pour Freud un moyen
d'investigation psychologique. Tel est l'apport fondamental inauguré
par ce livre achevé et paru en novembre 1899 (bien que l'éditeur
est daté la parution de 1900), traduit pour la première
fois en français par Ignace Meyerson en 1926).
Sur la base de son expérience clinique avec les névrosés,
Freud analyse ses propres rêves et va fonder sur cette étude
sa conception de l'inconscient. Pour Freud, l'inconscient est constitué
des contenus de la sexualité infantile refoulés sous
la pression de la censure sociale; ces contenus refoulés,
investis d'énergie pulsionnelle, tentent d'émerger
mais, en raison des exigences de la conscience, ils ne peuvent le
faire que sous forme déguisée, après avoir
" formé des compromis ".
Le rêve résulte de l'un de ces compromis, quotidien
et normal le seul que l'homme sain puisse former. Il est une voie
royale d'accès à l'inconscient puisqu'en démontant
les déformations que le psychisme imprime sur les contenus
inconscients, le psychanalyste peut espérer approcher ces
contenus et connaître l'inconscient. Ces déformations
constituent le " travail de rêve ", qui permet de
passer du contenu latent au contenu manifeste, grâce à
des mécanismes tels le déplacement et la condensation.
L'étude minutieuse de ces procédures de travail du
rêve constitue la partie la plus conséquente de L'Interprétation
des rêves, dans laquelle Freud élabore une véritable
logique de l'imaginaire, qu'il étend d'ailleurs à
d'autres formes symboliques que le rêve.
Après un exposé très complet et précieux
de l'ensemble de la littérature sur le rêve, le père
de la psychanalyse en vient à la description des matériaux
de ces déguisements : les souvenirs récents (restes
diurnes) ; le matériel somatique, parmi lesquels le désir
de dormir; les souvenirs du passé d'enfant et un ensemble
de symboles plus ou moins universels (qui représentent surtout
des contenus sexuels) sur lequel la vulgate freudienne, contrairement
à Freud, a mis l'accent.
Le rêve est donc ici un message envoyé au dormeur
par une force intérieure à celui-ci. Comme chez les
romantiques, le rêve est l'occasion de renouer avec la totalité
de l'être, mais cet être est uniquement l'auteur de
lui-même et tout se joue au-dedans de lui.
Cet ouvrage est un véritable monument dans l'histoire des
conceptions du rêve, très agréable à
lire parce qu'il comporte de nombreux récits de songes à
côté de considérations assez ardues. Mais mieux
vaut lire l'oeuvre elle-même que ses commentateurs qui, bien
souvent, n'y ont trouvé que ce qu'ils y ont mis.
Ce livre peut donner envie de lire : tous les autres livres
de Freud, et de très nombreux ouvrages comme celui
par exemple de Géza Roheim, anthropologue freudien,
Les Portes du rêve, Payot, Lausanne, 1973.
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