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Françoise Parot Science et Avenir Hors-Série Le Rêve Dec. 96
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Science et Avenir
Hors-Série Le Rêve
Sommaire général

Par Françoise Parot,
maître de conférences à l'université Paris-V.

Philosophie, neurophysiologie, psychanalyse, ethnologie...
Le rêve a suscité l'intérêt des courants de pensée les plus divers. Voici quelques ouvrages de référence pour se repérer dans l'éventail des interprétations.

Françoise Parot est l'auteur de L'Homme qui rêve aux Presses Universitaires de France.

HOMERE, FREUD, LE GOFF, ELIADE, JOUVET..

" Quand on rêve on ne tombe pas hors du monde. " La neurophysiologie moderne semble confirmer cette formule freudienne. L'hypothèse de J. Allan Hobson, dite " activation-synthèse ", présente le rêve comme un état particulier au cours duquel des neurones sont " allumés " comme s'ils recevaient réellement des informations sensorielles alors que le " cerveau-esprit " (le cortex) doit, à partir de ces fausses informations, structurer un scénario qui se tienne tant bien que mal. Le cerveau-esprit ferait en quelque sorte son travail, avec le peu dont il dispose, pour donner du sens à ce qui n'en a pas : des salves électriques, des " allumages " plus ou moins anarchiques de neurones.

Cette hypothèse peut paraître étrange: elle fait du cerveau un double de l'organisme qui obéit à sa propre nature, donner du sens. Malgré cette conception philosophiquement problématique, l'hypothèse de Hobson a un très grand mérite : elle permet de mieux comprendre pourquoi Pénélope, dans les rêves rapportés par Homère, ne se voit pas sortir de son corps ou courir nue sur la place publique. Pénélope rêve " comme " une Grecque du XIIIe siècle, avec ce que son cortex " a sous la main " quand des salves électriques lui parviennent pendant le sommeil. Or, qu'y a-t-il dans sa boîte à outils pour fabriquer ses rêves ? Des informations stockées dans des neurones, agencées en réseaux qui correspondent aux structures du monde dans lequel elle vit. Ces informations comprennent ce que Freud présente dans son Interprétation des rêves, à savoir le matériel somatique (les informations venant du corps) et des souvenirs divers: restes diurnes (ce que Pénélope a vécu dans la journée), souvenirs d'enfance, mythes, contes, légendes, croyances religieuses, modes de rapports sociaux, etc., bref tout ce qui fait lí " acculturation " d'un individu à une société donnée.

C'est ce qu'enseignent les approches anthropologiques des rêves : un roi grec rêve des oracles qui parlent du pouvoir qu'il assume. Un Indien d'Amérique rêve que son âme part rejoindre le royaume des ancêtres et des morts, le monde du totem. Parce que les romantiques sont baignés dans les croyances piétistes et l'ésotérisme qui a persisté en Allemagne, ils rêvent de l'âme du monde, et leur cortex leur permet la nuit de renouer avec l'harmonie qui les obsède.

L'étude des rêves doit donc tenir compte du caractère des cultures dans lesquelles on rêve. Mais cette approche mène inévitablement à s'interroger sur l'ensemble de nos convictions contemporaines sur les songes. Dans chaque culture, en effet, on rêve du monde qu'on a dans la tête; et quand on rêve on ne tombe pas hors du monde. Pour comprendre le sens profond de cette formule, il convient chaque fois de situer les rêves dans le cadre culturel global dans lequel ils surviennent. C'est à ce voyage que convie la bibliographie qui suit.

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