L'esprit et le cerveau
Elisabeth Pacherie, Science et Avenir Hors-Série Le Rêve Dec. 96
Sommaire
L'esprit et le cerveau
La fantasia des rêves
Les rêves de "l'animal-machine"
Jeu de l'oie mental
Freud, fonctionnaliste avant la lettre ?
La querelle des causes et des raisons
Schéma fonctionnaliste du rêve
L'union du corps et de l'âme

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Science et Avenir
Hors-Série Le Rêve
Sommaire général

L'union du corps et de l'âme

Avec la naissance de la physique moderne et les débuts de la mathématisation du réel, s'institue entre la matière et la pensée, l'âme et le corps, une coupure ontologique qui sera au coeur des interrogations philosophiques du XVIIe siècle. Si la dualité de nature des substances pensante et étendue apparaît comme une évidence, l'union de l'âme et du corps ne semble pas moins irréfutable. Comment en rendre compte? Le philosophe allemand Leibniz, dans une comparaison célèbre, définit les trois options possibles: cartésienne, malebranchiste et la sienne propre:

" Figurez-vous deux horloges ou deux montres, qui s'accordent parfaitement. Or cela se peut faire de trois façons. La première consiste dans l'influence mutuelle d'une horloge sur l'autre; la seconde dans le soin d'un homme qui y prend garde; la troisième dans leur propre exactitude [...] Mettez maintenant l'âme et le corps à la place de ces deux horloges. Leur accord ou sympathie arrivera aussi par l'une de ces trois façons. La voie de l'influence est celle de la Philosophie vulgaire; mais comme on ne saurait concevoir des particules matérielles, ni des espèces ou substances immatérielles, qui puissent passer de l'une de ces substances dans l'autre, on est obligé d'abandonner ce sentiment. La voie de l'assistance est celle du système des causes occasionnelles; mais je tiens que c'est faire venir Deum ex machina, dans une chose naturelle et ordinaire où selon la raison il ne doit intervenir que de la manière qu'il concourt à toutes les autres choses de la nature. Ainsi il ne reste que mon Hypothèse, c'est-à-dire que la voie de l'harmonie préétablie par un artifice divin prévenant, lequel dès le commencement a formé chacune de ces substances d'une manière si parfaite et réglée avec tant d'exactitude, qu'en ne suivant que ses propres lois, qu'elles a reçues avec son être, elle s'accorde pourtant avec l'autre. " (" Système nouveau de la nature. ")

A ces trois options, il en faut pourtant ajouter une quatrième, moniste celle-là: la thèse spinoziste d'une substance unique dotée d'une infinité d'attributs parallèles dont la pensée et l'étendue, attributs qui sont comme autant de cadrans d'une même horloge.

E. P.