L'esprit et le cerveau
CRITIQUE DU PARALLELISME PSYCHOPHYSIQUE
Nos rêves ont un contenu: nous rêvons que nous volons dans
les airs ou que nous sommes traqués par un assassin dans les
rues d'une ville inconnue. Certains d'entre eux renferment une forte
charge émotionnelle. L'angoisse ressentie quand nous rêvons
qu'un criminel est à nos trousses peut être si vive qu'elle
nous arrache au sommeil. Enfin, les rêves entraînent de
nombreuses impressions sensorielles, visuelles, tactiles, auditives
ou motrices, parfois très intenses.
Les rêves possèdent ainsi trois propriétés
qui sont autant de marques caractéristiques des phénomènes
mentaux. Ce sont des états intentionnels au même titre
que nos croyances, désirs, souvenirs ou intentions. A l'instar
de nos expériences perceptives, ils ont un caractère qualitatif
particulier. Comme nombre de nos états mentaux, ils peuvent être
chargés d'affect. A première vue, les états oniriques
apparaissent comme des états mentaux de plein droit, relevant
ainsi d'un mode d'explication psychologique.
Toutefois, la découverte, dans les années cinquante,
du sommeil paradoxal a permis d'associer le rêve à une
activité cérébrale spécifique, en ouvrant
la voie à une approche neurophysiologique des phénomènes
oniriques. Qu'une telle approche soit possible et féconde rend-elle
superflue toute explication psychologique ?
Le rêve n'est pas un cas isolé.
L'essor des sciences cognitives, et en particulier des neurosciences,
pose de manière tout à fait générale la
question du statut de l'explication psychologique. Si les états
et processus mentaux sont sous-tendus ou réalisés par
des états ou processus cérébraux, les explications
psychologiques doivent-elles n'être considérées
que comme des explications d'attente, destinées à s'effacer
devant les modèles neurophysiologiques à venir?
Le débat contemporain sur les rapports entre l'esprit et le
cerveau se distingue du débat philosophique classique sur l'union
de l'âme et du corps; la plupart de ses protagonistes souscrivent
en effet à une forme de monisme matérialiste. Autrement
dit, ils considèrent que les états et processus mentaux
sont des états et processus physiques. Nos explications psychologiques
ordinaires supposent toutefois que nos croyances, désirs, intentions
et autres états mentaux sont des causes de nos comportements
et entretiennent les uns avec les autres des relations causales. Il
en va de même des explications de la psychologie freudienne. Dans
la théorie du rêve énoncée dans L'Interprétation
des Rêves, Freud soutient que nos rêves sont causalement
motivés par des désirs inconscients et que leur contenu
manifeste est une représentation déguisée de la
satisfaction du désir qui l'a suscité. De telles explications
ne sont-elles pas appelées à disparaître ou à
devenir redondantes, dès lors qu'on admet que nos états
mentaux sont cérébraux?
On considère généralement qu'une explication causale
fait intervenir des lois causales, strictes ou susceptibles d'exceptions,
reliant certaines propriétés de la cause à certaines
propriétés de l'effet. Ainsi, ne suffit-il pas pour expliquer
un effet d'en mentionner la cause, encore faut-il mentionner la ou les
propriétés de la cause qui sont causalement efficaces
dans la production de l'effet. Le philosophe américain Fred Dretske
en donne l'illustration suivante. Le chant d'une soprano peut avoir
une signification (" Ah, que je suis belle en ce miroir!
"), il peut aussi briser un verre en cristal, mais ce sont les
propriétés acoustiques du chant et non ses propriétés
sémantiques qui expliquent le bris du verre.
Il découle d'une telle conception que l'autonomie d'un niveau
d'explication psychologique n'est directement menacée que pour
autant qu'il y ait identité entre propriétés mentales
et physiques. C'est ce que soutenaient, dans les années soixante,
les avocats de la théorie de l'identité des types en affirmant
que chaque propriété mentale était identique à
une propriété physique. Dans une telle perspective, l'explication
psychologique peut être considérée comme scientifiquement
redondante par rapport à l'explication physique, même si
elle est commode en pratique.
La thèse de l'identité des types se heurte toutefois
à l'objection de la multi-réalisabilité des états
mentaux. On peut concevoir que, de même qu'un programme informatique
donné peut être réalisé par des systèmes
matériels très différents, un état mental
puisse avoir diverses réalisations physiques. Pourquoi devrait-on
penser en effet que parce que l'on a pu définir chez une certaine
espèce animale la caractérisation neurophysiologique d'un
état mental, celle-ci soit transposable à toutes les créatures
de toutes les autres espèces, réelles ou concevables,
susceptibles d'occuper cet état? S'opposant à ce chauvinisme
biologique, le fonctionnalisme s'est efforcé de défendre
une forme de matérialisme non réductionniste.
Le fonctionnalisme est un matérialisme car il admet que chaque
état ou processus mental particulier est identique à un
état ou processus physique, mais c'est un matérialisme
non réductionniste : les types d'états mentaux sont définis
fonctionnellement. Autrement dit, la nature des relations qu'un état
mental entretient avec les entrées sensorielles, les sorties
motrices et les autres états mentaux détermine le type
d'état mental dont il s'agit. A la thèse de l'identité
des types, le fonctionnalisme substitue ainsi la thèse dite de
la survenance du mental par rapport au physique. Dans sa formulation
la plus simple, cette thèse énonce qu'il ne peut y avoir
de changement dans les propriétés mentales sans changement
dans les propriétés physiques, mais laisse ouverte la
possibilité que les mêmes propriétés mentales
aient des réalisations physiques différentes selon les
individus ou les espèces.
Dans la mesure où les propriétés mentales auxquelles
font référence les généralisations psychologiques
ne sont pas réductibles à des propriétés
physiques, le fonctionnalisme préserve la possibilité
de principe d'un niveau autonome d'explication psychologique. Explications
psychologiques et physiques opèrent à des niveaux de généralité
différents. En défendant l'idée d'un niveau autonome
d'explication psychologique, le fonctionnalisme ne prétend toutefois
pas exempter la psychologie des exigences méthodologiques qui
régissent la théorisation dans d'autres domaines.
En premier lieu, si la psychologie se veut science empirique, les généralisations
explicatives proposées par le psychologue doivent en principe
être falsifiables. Ainsi, la théorie freudienne du rêve
comme satisfaction substitutive d'un désir inconscient est falsifiable
puisque des contre exemples à cette thèse sont concevables.
Comme l'a montré Adolf Grünbaum, Freud en personne a reconnu
que les rêves des victimes de névroses traumatiques, qui
revivent ainsi le choc qu'elles ont subi, constituaient des contre-exemples
à sa thèse. Il a alors révisé sa théorie
des rêves en conséquence.
En second lieu, le fait que les explications psychologiques ne puissent
pas être éliminées en faveur d'explications de type
neurophysiologique ne signifie pas que les découvertes de la
neurobiologie n'exercent aucune contrainte sur la théorisation
psychologique. En particulier, l'adhésion au monisme matérialiste
, fût-il non réductionniste, va de pair avec l'acceptation
du principe selon lequel seules des entités physiques peuvent
exercer une action causale. Les propriétés mentales qui
interviennent dans les explications causales que le psychologue donne
des comportements doivent être considérées comme
des propriétés de second ordre et ainsi tenir leur efficacité
causale des propriétés physiques de premier ordre qui
les réalisent. Une explication causale formulée en termes
psychologiques ne saurait être acceptable que s'il est possible
de lui faire correspondre chez un individu ou dans une espèce
donnée une explication causale en termes de mécanismes
et processus cérébraux.
Enfin, l'explication psychologique n'est pas hermétiquement
refermée sur elle-même: on aurait tort de penser que des
propriétés mentales puissent seules expliquer des propriétés
mentales et n'expliquer qu'elles. Lorsque nous percevons un objet situé
devant nous, notre état mental, la perception de l'objet, a une
cause physique, un pattern lumineux sur la rétine. Dans
cet exemple, une cause physique externe provoque un effet mental interne,
mais il est aussi possible que des causes neurophysiologiques internes
entraînent des effets mentaux.
Cette dernière possibilité est importante pour une théorie
du rêve car elle suggère une approche des phénomènes
oniriques distincte de l'approche psychanalytique traditionnelle. La
théorie freudienne vise à expliquer les phénomènes
oniriques, qu'elle considère à bon droit comme mentaux,
par des causes mentales, des désirs inconscients. Ce type d'approche
n'est pas irrecevable, mais on aurait tort de penser qu'il soit le seul
possible. Que les phénomènes oniriques soient des phénomènes
mentaux n'implique pas que seule une explication par des causes mentales
puisse en rendre compte. Le modèle d'activationsynthèse
développé par le neurobiologiste américain J. Allan
Hobson illustre la possibilité d'explications alternatives. Selon
le premier volet de ce modèle (la phase d'activation), le tronc
cérébral joue un rôle clé dans le déclenchement
du rêve. Il commande le blocage des entrées sensorielles
et des efférences motrices, coupant ainsi le cerveau du monde
extérieur; il provoque également une activation des centres
visuels, des aires associatives et des centres émotionnels en
substituant aux signaux d'origine externe des signaux endogènes.
Hobson impute donc une origine causale neurophysiologique et non mentale
aux phénomènes oniriques, mais son modèle n'est
pas pour cela plus réductionniste qu'une théorie de la
perception qui soutient que nos états perceptifs sont engendrés
par des signaux physiques externes. En outre, que les phénomènes
oniriques soient déclenchés par des processus neurophysiologiques
ne signifie en aucune manière qu'il n'y pas de place pour des
explications psychologiques dans une théorie du rêve.
Le second volet du modèle de Hobson, qui concerne la manière
dont les signaux sensoriels, émotionnels et moteurs engendrés
par les processus d'auto-activation sont synthétisés,
intégrés et interprétés, est largement ouvert
à l'investigation psychologique. A la psychologie cognitive tout
d'abord, qui vise à dégager les principes qui gouvernent
les différents modes de traitement de l'information et à
laquelle le rêve offre un objet d'étude spécifique
puisque les processus d'interprétation fonctionnent en l'absence
de certaines contraintes externes et internes qui opèrent à
l'état vigile. A une psychologie des profondeurs ensuite, car
il n'est pas exclu que les processus interprétatifs qui régissent
la synthèse onirique portent la marque de l'histoire et des traumatismes
affectifs des individus.
Mais quelle qu'en soit l'orientation, une théorie psychologique
doit se soumettre à la double contrainte de la testabilité
et de la compatibilité avec les données des neurosciences,
faute de quoi l'autonomie de l'explication psychologique ne rimerait
plus qu'avec spéculation anarchique.
Pour en savoir plus
- Philosophie et psychologie, de Pascal Engel, Folio Essais, 1996,
Paris.
- The Foundations of Psychoanalysis, d'Adolf Grünbaum, Berkeley
University of California Press;
- Les Fondements de la psychanalyse, trad. fr. de J. -C. Dumoncel,
PUF, déc. 1996, Paris.
- Fonctionnalismes, dossier coordonné par Elisabeth Pacherie,
Intellectica, n°21,1995.
La fantasia des rêves

Cette représentation schématique s'inspire de la conception
endogène du rêve chez Aristote. Pendant le sommeil, l'imagination
(fantasia) agit librement et conçoit souvent des formes
étranges, étonnantes ou absurdes. On note sur ce diagramme
le sens du processus de cognition (A), le sens du processus du rêve
(B), l'influence venant du corps (C) et les influences provenant des
étoiles (D) qui n'agissent que par le corps et enfin les influences
de l'âme rationnelle (E). D'après Gregor Reisch, Margarita
mundi, Strasbourg, 1504, Bibliotheca Nazionale Centrale, Florence.
Les rêves de " l'animal-machine " selon Descartes

" Premièrement, il ne faut que jeter les yeux
sur cette figure (schéma du haut), et voir comment les petits
filets D qui vont se rendre dans les nerfs y sont lâches et
pressés, pour entendre comment lorsque cette machine représente
le corps d'une homme qui dort, les actions des objets extérieurs
sont pour la plupart empêchées de passer jusqu'à
son cerveau, pour y être senties; et les esprits qui sont dans
le cerveau empêchés de passer jusqu'au membres extérieurs,
pour les mouvoir: qui sont les deux principaux effets du sommeil.
Pour ce qui est des songes, ils dépendent de l'inégale
force que peuvent avoir les esprits qui sortent de la glande H, et
en partie des impressions qui se rencontrent dans la mémoire:
en sorte qu'ils ne diffèrent pas de ces idées dont j'ai
dit ci-dessus se former quelquefois dans l'imagination de ceux qui
rêvent étant éveillés, si ce n'est que
les images qui se forment pendant le sommeil, peuvent être beaucoup
plus distinctes et plus vives, que celles qui se forment pendant la
veille. Dont la raison est, qu'une même ,force peut ouvrir davantage
les petits tuyaux, comme 2, 4, 6, et les pores comme a, b, c qui servent
à former ces images, lorsque les parties du cerveau qui les
environnement sont lâches et détendues, ainsi que vous
le voyez en cette figure (schéma du bas), que lorsqu'elles
sont toutes tendues, ainsi que vous le pouvez voir en celles qui la
précédent. "
" L'homme ", de Descartes, AT, XI, pp. 198-199. Textes
établis et annotés par Annie Bitbol-Hespériès
et Jean-Pierre Verdet, coll. Sources du savoir, Seuil, 1996.
Jeu de l'oie mental
Si la théorie de la phrénologie de l'anatomiste allemand
Franz Josef Gall a pu inspirer une géographie du cerveau aussi
fantasmatique que celle qui figure ci-dessus, où chaque situation
de la vie se voit associée à une aire cérébrale,
il n'en reste pas moins que l'étude des troubles créés
par des lésions cérébrales circonscrites a mit
en évidence l'existence d'une spécialisation cérébrale
fonctionnelle. Toutefois, les capacités cognitives complexes,
par exemple le langage, font intervenir tout un ensemble de sous-systèmes
distincts. Comprendre le fonctionnement cognitif exige donc non seulement
l'identification des fonctions de composantes locales, mais aussi
la caractérisation de leurs modes d'organisation et d'interaction.
E. P.
Freud, fonctionnaliste avant la lettre
Certains défenseurs d'une conception herméneutique
de la psychanalyse ont reproché à Freud son scientisme
réductionniste. A l'inverse, Karl Popper, dénonçant
le côté infalsifiable de la psychologie freudienne, a
vu dans celle-ci une forme de mythologie et non une théorie
scientifique. Quel est donc le statut de la psychologie freudienne
? Dans The foundations of psychoanalysis (traduction française
au PUF), Adolf Grünbaun montre que, si Freud a bien flirté
avec le réductionnisme dans son Projet de psychologie scientifique,
où il expose en 1895 sa conception de la base neurophysiologique
des processus psychiques, il a, dès l'année suivante,
renoncé à sa conception réductionniste de la
scientificité en faveur d'une conception méthodologique
et épistémique. S'il continue à revendiquer pour
la psychanalyse le statut de science de la nature, c'est avant tout
parce qu'il considère que ses observations cliniques constituent
des éléments de preuve en faveur de sa théorie
du refoulement. Contrairement à ce que soutient Popper, la
théorie psychanalytique, fondée sur une démarche
inductive, n'est pas en principe infalsifiable. Des données
cliniques contraires aux hypothèses freudiennes constitueraient
des falsifications de la théorie. Freud lui-même, dans
sa Révision de la théorie des rêves parue
en 1933, prendra acte de la falsification de ses hypothèses
initiales. Dans la mesure où les explications qu'il
propose font intervenir des lois causales psychiques. Sans ignorer
la valeur heuristique des modèles neurobiologiques, il ne cherche
pas à réduire ces explications à des explications
causales neurophysiologiques. C'est pourquoi Freud ne peut être
considéré comme un fonctionnaliste avant la lettre.
On peut néanmoins s'interroger sur la validation scientifique
des hypothèses psychanalytiques au regard des normes inductives
que Freud lui-même acceptait. A cet égard, comme le montre
Grünbaum, les raisonnements de Freud sont parfois fort critiquables.
E. P.
Freud, neurobiologiste

Dans son Esquisse d'une psychologie scientifique, Freud dépeint
un circuit neuronal qui peut transmettre l'énergie d'un stimulus
imposé selon deux voies différentes : la voie alpha-gamma
qui conduit à une décharge de l'énergie imposée
sous la forme d'un mouvement et le " raccourci " (de a à
b) qui met l'énergie en réserve pour une décharge
ultérieure, par exemple, lors d'un rêve.
La querelle des causes et des raisons
L'ambition d'une psychologie scientifique naturaliste est
de proposer des explications causales des comportements. Cette objectif
est dénoncé par les partisans d'une approche herméneutique
de l'esprit, pour qui une conception causaliste de l'explication psychologique
méconnaît ce qui fait l'essence du mental. Selon leurs arguments,
une explication psychologique a pour objet de rendre intelligible les
comportements d'un agent. Rendre intelligible une action, c'est énoncer
les raisons qui la motivent, en donner la signification aux yeux de l'agent
et de ceux qui cherchent à la comprendre. Or la connexion entre
les raisons et les actions ne saurait être causale; elle est d'ordre
logique. Cette objection s'adresse aussi bien à Freud - qui aurait,
selon Jean-Paul Sartre, commis l'erreur de traiter la signification des
états mentaux sur le modèle de la relation cause-effet qu'à
la psychologie cognitive contemporaine, accusée d'ignorer la dimension
normative de l'explication psychologique. Comme le montre Pascal Engel
dans Philosophie et Psychologie, la plupart des naturalistes répondent
à ces objections non pas en niant que les explications psychologiques
soient des explications par des raisons, mais en soutenant que les explications
par les causes et les explications par les raisons sont compatibles et
complémentaires. Donald Davidson, l'un des plus fervents défenseurs
de cette compatibilité, souligne notamment que, s'il y a toujours
plusieurs raisons possibles d'une action, expliquer une action, c'est
identifier parmi ces raisons celle pour laquelle l'agent a agi. Or, qu'est-ce
qui distingue cette raison effective d'autres raisons possibles, si ce
n'est l'existence d'une connexion causale entre elle et l'action ? L'argument
herméneutique repose de surcroît sur l'idée qu'une
explication psychologique causale est nécessairement réductionniste,
ce que nie précisément le fonctionnalisme dont se réclame
aujourd'hui la psychologie scientifique.
E. P.
La causalité onirique

Selon le modèle d'activationsynthèse de
Hobson, le rêve est le produit du traitement de signaux endogènes,
chaotiques et disparates, qui doivent être assemblés en
l'absence des structures externes d'espace et de temps, et des contraintes
internes de cohérence logique qui opèrent à l'état
vigile.
Schéma fonctionnaliste du rêve

Ce schéma inspiré du modèle d'activationsynthèse
de J. Allan Hobson, illustre le mode spécifique de traitement
de l'information pendant le rêve. On notera qu'ici les boîtes
représentent des fonctions cognitives et non des structures
neurologiques. Il s'agit donc d'un modèle psychologique et
non d'un modèle neurophysiologique comme celui de Hobson.
E.P.
L'union du corps et de l'âme



Avec la naissance de la physique moderne et les débuts de
la mathématisation du réel, s'institue entre la matière
et la pensée, l'âme et le corps, une coupure ontologique
qui sera au coeur des interrogations philosophiques du XVIIe siècle.
Si la dualité de nature des substances pensante et étendue
apparaît comme une évidence, l'union de l'âme et
du corps ne semble pas moins irréfutable. Comment en rendre
compte? Le philosophe allemand Leibniz, dans une comparaison célèbre,
définit les trois options possibles: cartésienne, malebranchiste
et la sienne propre:
" Figurez-vous deux horloges ou deux montres, qui s'accordent
parfaitement. Or cela se peut faire de trois façons. La première
consiste dans l'influence mutuelle d'une horloge sur l'autre; la seconde
dans le soin d'un homme qui y prend garde; la troisième dans
leur propre exactitude [...] Mettez maintenant l'âme
et le corps à la place de ces deux horloges. Leur accord ou
sympathie arrivera aussi par l'une de ces trois façons. La
voie de l'influence est celle de la Philosophie vulgaire; mais comme
on ne saurait concevoir des particules matérielles, ni des
espèces ou substances immatérielles, qui puissent passer
de l'une de ces substances dans l'autre, on est obligé d'abandonner
ce sentiment. La voie de l'assistance est celle du système
des causes occasionnelles; mais je tiens que c'est faire venir Deum
ex machina, dans une chose naturelle et ordinaire où selon
la raison il ne doit intervenir que de la manière qu'il concourt
à toutes les autres choses de la nature. Ainsi il ne reste
que mon Hypothèse, c'est-à-dire que la voie de l'harmonie
préétablie par un artifice divin prévenant, lequel
dès le commencement a formé chacune de ces substances
d'une manière si parfaite et réglée avec tant
d'exactitude, qu'en ne suivant que ses propres lois, qu'elles a reçues
avec son être, elle s'accorde pourtant avec l'autre. "
(" Système nouveau de la nature. ")
A ces trois options, il en faut pourtant ajouter une quatrième,
moniste celle-là: la thèse spinoziste d'une substance
unique dotée d'une infinité d'attributs parallèles
dont la pensée et l'étendue, attributs qui sont comme
autant de cadrans d'une même horloge.
E. P.
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