L'électricité des songes
Pierre Etévenon
Science et Avenir Hors-Série Le Rêve Dec. 96
Sommaire

L'électricité des songes

De l'analyse à la cartographie EEG

Les états électriques du cerveau

Classement des états de veille et de sommeil

Carte d'un rêve

Rêve tridimensionnel

Principe de la cartographie EEG

EEG d'un cauchemar

Tomographie par émission de positons

Tranches de cerveau

L'activité des structures profondes

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Science et Avenir
Hors-Série Le Rêve
Sommaire général
L'activité des structures profondes

Contrairement à l'EEG qui mesure les différences de potentiel en surface, la tomographie à émission de positons (TEP) révèle l'activité électrique dans les couches cérébrales profondes. Elle consiste à injecter dans le corps, par voie intraveineuse, des composes marques par isotopes émetteurs de positons, dont la distribution est ensuite mesurée dans le cerveau. L'injection d'eau marquée à l'oxygène-15 permet l'estimation du débit sanguin cérébral régional. Comme celui-ci augmente dans les aires cérébrales actives, il est un marqueur indirect de l'activité neuronale. En outre, l'oxygène-15 se désintégrant rapidement, il est possible de répéter les injections chez le même sujet dans différents stades de sommeil, et de localiser les régions cérébrales activées. Chacune des figures ci-dessous montre une coupe dans le plan horizontal du cerveau, repérée en millimètres par rapport à un plan horizontal de référence. La coupe située 28 mm en dessous du plan de référence (noté -28 mm) montre la forte activité de la protubérance. L'activation des amygdales apparaît dans les coupes à - 16 mm et -12 mm. On observe l'activation du thalamus à 4 mm au-dessus du plan de référence (notée 4 mm). Le sommeil paradoxal est généré par certains noyaux de la protubérance, qui stimule ensuite le thalamus. Les amygdales, ensemble de noyaux en forme d'amande à la face interne des lobes temporaux, semblent jouer un rôle tout aussi important durant le sommeil paradoxal. En effet, les régions corticales, très activées pendant le sommeil paradoxal (dont le cortex cingulaire antérieur et une partie du cortex sensitif, respectivement situés à 40 mm et 16 mm au-dessus du plan de référence) reçoivent beaucoup de projections amygdaliennes, alors que les régions du cortex qui en recueillent peu sont moins actives que le reste du cerveau. Il semble donc s'établir, durant le sommeil paradoxal, des relations particulières entre les amygdales et le cortex. L'amygdale intervient dans la perception et l'expression des émotions. Elle permet également d'associer émotions et perceptions sensorielles, participant ainsi à une certaine forme de mémoire. D'autre part, le sommeil paradoxal a été impliqué dans la consolidation de certains types de mémoire, en tous cas chez l'animal de laboratoire. Les résultats obtenus en TEP apportent chez l'homme un argument supplémentaire en faveur de cette hypothèse et suggèrent le rôle des interactions entre amygdales et cortex dans la consolidation de certains aspects de la mémoire. Par ailleurs, tous deux sont impliqués dans la perception des émotions. Leur activation durant le sommeil paradoxal pourrait rendre compte des aspects émotionnels des rêves. Les interactions entre amygdales et cortex sensitifs pourraient expliquer les aspects sensoriels multiples de l'activité onirique. Enfin, la moindre activité du cortex préfrontal, qui joue un rôle important dans la mémoire et l'organisation de la pensée et du comportement, fournirait une explication plausible à certains aspects bien connus du rêve: la distorsion de la notion du temps, la perte du sens critique (rendant crédible des situations absurdes) et la difficulté de s'en souvenir au réveil.

Pierre Maquet,
chercheur FNRS à l'université de Liège