Contrairement à l'EEG qui mesure les différences
de potentiel en surface, la tomographie à émission
de positons (TEP) révèle l'activité électrique
dans les couches cérébrales profondes. Elle consiste
à injecter dans le corps, par voie intraveineuse, des
composes marques par isotopes émetteurs de positons,
dont la distribution est ensuite mesurée dans le cerveau.
L'injection d'eau marquée à l'oxygène-15
permet l'estimation du débit sanguin cérébral
régional. Comme celui-ci augmente dans les aires cérébrales
actives, il est un marqueur indirect de l'activité neuronale.
En outre, l'oxygène-15 se désintégrant
rapidement, il est possible de répéter les injections
chez le même sujet dans différents stades de sommeil,
et de localiser les régions cérébrales
activées. Chacune des figures ci-dessous montre une coupe
dans le plan horizontal du cerveau, repérée en
millimètres par rapport à un plan horizontal de
référence. La coupe située 28 mm en dessous
du plan de référence (noté -28 mm) montre
la forte activité de la protubérance. L'activation
des amygdales apparaît dans les coupes à - 16 mm
et -12 mm. On observe l'activation du thalamus à 4 mm
au-dessus du plan de référence (notée 4
mm). Le sommeil paradoxal est généré par
certains noyaux de la protubérance, qui stimule ensuite
le thalamus. Les amygdales, ensemble de noyaux en forme d'amande
à la face interne des lobes temporaux, semblent jouer
un rôle tout aussi important durant le sommeil paradoxal.
En effet, les régions corticales, très activées
pendant le sommeil paradoxal (dont le cortex cingulaire antérieur
et une partie du cortex sensitif, respectivement situés
à 40 mm et 16 mm au-dessus du plan de référence)
reçoivent beaucoup de projections amygdaliennes, alors
que les régions du cortex qui en recueillent peu sont
moins actives que le reste du cerveau. Il semble donc s'établir,
durant le sommeil paradoxal, des relations particulières
entre les amygdales et le cortex. L'amygdale intervient dans
la perception et l'expression des émotions. Elle permet
également d'associer émotions et perceptions sensorielles,
participant ainsi à une certaine forme de mémoire.
D'autre part, le sommeil paradoxal a été impliqué
dans la consolidation de certains types de mémoire, en
tous cas chez l'animal de laboratoire. Les résultats
obtenus en TEP apportent chez l'homme un argument supplémentaire
en faveur de cette hypothèse et suggèrent le rôle
des interactions entre amygdales et cortex dans la consolidation
de certains aspects de la mémoire. Par ailleurs, tous
deux sont impliqués dans la perception des émotions.
Leur activation durant le sommeil paradoxal pourrait rendre
compte des aspects émotionnels des rêves. Les interactions
entre amygdales et cortex sensitifs pourraient expliquer les
aspects sensoriels multiples de l'activité onirique.
Enfin, la moindre activité du cortex préfrontal,
qui joue un rôle important dans la mémoire et l'organisation
de la pensée et du comportement, fournirait une explication
plausible à certains aspects bien connus du rêve:
la distorsion de la notion du temps, la perte du sens critique
(rendant crédible des situations absurdes) et la difficulté
de s'en souvenir au réveil.
Pierre Maquet,
chercheur FNRS à l'université de Liège
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