L'échidné est l'un des deux représentants
des monotrèmes encore vivants, l'autre étant l'ornithorynque.
Ce sont les mammifères les plus anciens qui ont divergé
des autres il y a environ 150 millions d'années. De ce fait, ils
sont considérés comme des fossiles vivants. La première
particularité de l'échidné est qu'il est ovipare,
la seconde qu'il est un homéotherme imparfait: sa température
cérébrale ne dépasse pas les 33°C et il peut
hiberner. L'intérêt électrophysiologique qui lui est
porté réside dans le fait qu'en 1972, Truett Allison a démontré
l'existence du sommeil lent (S.L.) mais pas celle du sommeil paradoxal
(S.P.). Or, s'agissant d'un mammifère fossile, on pense que l'étude
de son sommeil doit nous renseigner sur les origines mêmes des différents
types de sommeil. En fait, dès la première étude,
un doute s'est installé sur l'existence du S.P. chez l'échidné
car il présente des périodes de veille calme, sans tonus
musculaire, accompagnées de mouvements oculaires semblables à
ceux du S.P. Toutefois, la quasi-totalité des indices physiologiques,
caractéristiques du S.P. des mammifères, est absente pendant
ces périodes: le seuil d'éveil par stimulation est largement
inférieur à celui du S.L., l'activité thêta
hippocampique est absente, et le rythme cardiaque ne présente pas
les irrégularités typiques du S.P.
L'échidné est devenu le point de référence
de la phylogenèse du S.P. et, au cours des récentes années,
de beaucoup de théories sur la fonction du S.P. Son absence chez
l'échidné ne peut pas être expliquée par ses
particularités physiologiques comme sa température basse,
car d'autres animaux avec des températures semblables ont du S.P.,
notamment le tatou qui est probablement l'animal en présentant
le plus. L'échidné contredit aussi les corrélations
qu'on trouve chez l'ensemble des mammifères pour expliquer la quantité
de S.P., à savoir: plus un animal est petit et léger plus
il a de S.P., or l'échidné est relativement petit; plus
le refuge d'un animal est sûr plus il a du S.P., or l'échidné
s'enfouit dans la terre et dort en totale sécurité; plus
un animal est immature à la naissance plus il a du S.P., même
à l'âge adulte, or le petit échidné est extrêmement
immature à l'éclosion de l'uf.
Le mystère du sommeil de l'échidné commence peut-être
à trouver un début de réponse, grâce aux travaux
récents du professeur Siegel, aux États-Unis. Nous savons
que l'activité électrique de certains neurones change de
rythmicité et d'intensité, selon qu'un animal se trouve
éveillé, en S.L. ou en S.P. Or, certains neurones, enregistrés
directement dans le cerveau des échidnés, ont une activité
électrique qui ne ressemble ni à celle du S.L. ni à
celle du S.P. Pendant le sommeil de l'échidné, l'activité
de ces neurones diminue comme pendant le S.L., mais sa variabilité
augmente comme durant le S.P. Ainsi, il semble que l'échidné
ne soit pas seulement dépourvu de S.P. mais également de
S.L., comme celui défini chez les mammifères. Autre interprétation,
le sommeil de l'échidné serait la forme primitive à
partir de laquelle les deux sommeils ont évolué chez les
mammifères. Si cette hypothèse s'avère exacte, nous
aurons enfin trouvé un critère pour traquer les origines
du sommeil et ses fonctions. Toutefois, il manque une dernière
donnée à cette énigme. Nous savons que la quantité
de S.P. diminue dramatiquement au cours de l'ontogenèse, les animaux
adultes ayant environ cinq fois moins de S.P. que leurs nouveau-nés.
Si des jeunes échidnés présentent très peu
de S.P., ceci pourrait expliquer sa disparition chez les adultes. Des
études sont encore nécessaires avant de se prononcer sur
l'absence de S.P. chez cette espèce.
M. T.
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