Documents neurophysiologiques relatifs aux mécanismes de l'attention chez l'homme
Par M. Jouvet *, B. Schott, J. Courjon Et G. Allegre
Revue Neurologique Tome 100 N°5 1959 (pp. 437-450)
TABLE DES MATIERES

Sommaire

I. - Les réponses visuelles sous-corticales chez l'homme

II. - Les réponses thalamiques somesthésiques

III. - Exploration portant sur des sujets atteints de troubles de la conscience

Discussion

Conclusions


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III. - EXPLORATION PORTANT SUR DES SUJETS ATTEINTS DE TROUBLES DE LA CONSCIENCE

Résumé des observations :

Obs. 1.

- Andrée P.... 30 ans, pas d'antécédent pathologique. Début de l'histoire clinique en novembre 1956, par des céphalées, des douleurs diffuses, de la fièvre, bientôt suivies d'un état de mai comitial, et d'un coma. Trachéotomie. Réaction cellulaire du L. C.-R. Depuis cette date, c'est-à-dire pendant 900 jours environ cette femme est restée hospItal.isée dans la clinique dans un état particulier de conscience caractérisé par :

  • Une absence totale de perceptivité visuelle ou auditive.
  • L'absence de clignement à la menace, de fixation des objets mouvants.
  • Une réactivité à la douleur caractérisée par une mimique très riche, lors des stimulations nociceptives, une réaction d'orientation conservée lors de l'état de veille tourne la tête du côté d'une stimulation auditive forte.
  • Absence totale de troubles végétatifs - état général excellent, aucune escarre.

Au point de vue moteur :

Membres inférieurs en hyperextension, membres supérieurs en hyperflexion. Réflexe de Magnus et de Kleijn (cf. fig. 5).
Des investigations sous-corticales furent pratiquées sur cette malade, respectivement au 200e et au 500e jour de son état pathologique. La ventriculographie concomitante mit en évidence une importante et progressive dilatation ventriculaire, sans hypertension liquidienne.

Résultats.

- Les réponses visuelles sous-corticales étaient identiques en tout point à celles des sujets normaux. La seule différence notable étant la présence de pointes rapides accompagnant les mouvements oculaires comparables aux ondes lambda.

Aucune variation d'amplitude ne put être constatée, malgré les stimulations nociceptives importantes entraînant des mimiques douloureuses (fig. 6).

Il semble donc que dans ce cas la fonction de transmission rétino-corticale soit intacte, mais que la lésion probable du tronc cérébral rende impossible tout blocage.

Obs. 2.

- Odette P.... 39 ans. Pas d'antécédents pathologiques notables. Début Subit de l'affection en a), ri! 1957 par un coma qui persiste trois jours, laissant place à un tableau d'atteinte du tronc cérébral, caractérisé par des troubles de la conscience évoquant le mutisme akinétique - absence totale de mouvements spontanés - mutisme, mais possibilité de réponse après des sollicitations longuement répétées.

Un syndrome neurologique associant une paralysie de l'élévation des yeux vers le haut, des spasmes de convergence, un nystagmus disjonctif, une aréflexie pupillaire à la lumière. Ces troubles persistent pendant quatre mois puis régressent ensuite lentement, laissant place à l'évolution d'une paraparégie spasmodique.

L'exploration sous-corticale fut pratiquée un mois après le début des troubles la ventriculographie montra une dilatation importante des ventricules.

Résultats.

Chez cette malade, les questions de l'expérimentateur (essai d'interprétation d'une odeur) n'entraînèrent pas de diminution des réponses. Par contre, des stimulations nociceptives entraînèrent un blocage fugace mais indéniable (fig. 7-8). Il semble donc que dans ce cas de mutisme akinétique, les troubles de la conscience portent surtout sur l'étape efférente des réponses puisque l'on peut objectiver l'un des aspects majeurs de l'attention c'est-à-dire le blocage.

 

Fig. 5. - Malade de l'observation 1. Réflexe de Magnus et Kleijn.

Fig. 6. - Absence de blocage des réponses visuelles sous-corticales lors d'une stimulation nociceptive. Malade de l'observation 1.

Obs. 3.

- Monique P..., 22 ans. Présente depuis l'âge de 16 ans de nombreuses manifestations de nature pithiatique : grande crise avec manifestations théâtrales, rétention d'urine durable, crises douloureuses abdominales ayant cédé chaque fois à la psychothérapie.

Rentre dans le service en juin 1957 en se plaignant de céphalées intolérables. L'examen révèle une anesthésie globale de tout le corps. La malade ne réagissant à aucune stimulation somesthésique, même la plus douloureuse, et déclarant ne rien sentir.

L'intensité des céphalées, l'aspect dysmorphique du crâne font poser l'indication d'une ventriculographie qui objective des ventricules normaux et symétriques. L'exploration sous-corticale a lieu à cette occasion. Cette malade quitte le service en juillet 1957 guérie de son dernier épisode, avec une sensibilité normale.

Résultats.

- Chez cette malade, aucune stimulation nociceptive : piqûre de la cuisse, torsion du gros orteil, n'entraîna de réaction clinique ou mimique. Elle déclarait ne ressentir aucune douleur. Parallèlement il ne fut observé observé aucune diminution de l'amplitude des réponses sous-corticales visuelles (voir fig. 9).

Par contre, à un certain moment, l'évocation d'un récent voyage qu'elle fit à Lourdes, et qui l'avait particulièrement impressionnée, entraîne un blocage fugace mais indéniable (voir fig. 10).

Cette malade fut ensuite guérie par psychothérapie aidée par des narcoses à l'Eunoctal.

Il semble donc, chez cette grande hystérique, que son anesthésie totale s'accompagnât d'un trouble fonctionnel portant sur l'attention à la douleur responsable du défaut de blocage observé.

Fig. 7. - Malade de l'observation 2. Absence de blocage lors de l'attention auditive: question de l'expérimentateur. Remarquer l'aspect pathologique du tracé E.E.G.

Fig. 8. - Malade de l'observation 2. Blocage discret, mais certain, au cours d'une stimulation nociceptive (piqûre de la cuisse).

Fig. 9. - Malade de l'observation 3. Absence de blocage par stimulation nociceptive chez une hystérique atteinte d'anesthésie globale.

Fig. 10. - Malade de l'observation 3. Blocage discret lors de l'évocation d'un voyage récent à Lourdes.

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