Le rêve
Michel Jouvet
La Recherche
TABLE DES MATIERES
Sommaire
Un troisième état de vigilance
Les frontières objectives du rêve
A la recherche d'un "centre" du rêve
La régulation biochimique du cycle veille-sommeil
Trois clés pour le rêve dans la théorie monoaminergique
Un orage cérébral
L'histoire naturelle du rêve
Les fonctions du rêve
Le rêve, programmation génétique des instincts ?
Rêve et plasticité
La privation de rêve
Pour en savoir plus
FIGURES

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Le rêve - Les frontières objectives du rêve

Mais comment a-t-on été conduit à assimiler sommeil paradoxal et rêve ? Et que sait, aujourd'hui, le neurophysiologiste sur cette activité, ses conditions d'apparition et ses mécanismes intrinsèques ? Etablir les critères qui permettent de délimiter objectivement les frontières des trois états de vigilance constituait. bien entendu, un préalable sine qua non à leur étude. Ainsi, chez le chat, l'état d'éveil est caractérisé par une activité corticale rapide, une activité sous-corticale de bas voltage et un tonus musculaire important. L'endormissement et le sommeil "classique" quant à eux se reconnaissent au ralentissement des activités corticale et sous-corticale, avec apparition de fuseaux (stade I) bientôt accompagnés d'ondes lentes de haut voltage à une fréquence caractéristique de 3 a 5 cycles par seconde (stade II, elles ont valu à cet etat la dénomination désormais classique de "sommeil lent". Le tonus musculaire est conservé au cours du sommeil lent. Le sommeil paradoxal est toujours precédé par une période de sommeil lent. Il survient assez régulièrement, toutes les 30 minutes, et dure 6 minutes environ. Il se signale à l'expérimentateur par l'apparition de deux types de phénomènes nouveaux, les uns toniques, les autres phasiques. Au niveau cérébral, le principal signe tonique est caracterisé par une activité corticale et sous-corticale rapide continue et de bas voltage presque identique à celle de l'état d'eveil. Elle est accompagnée d'une élévation importante de la température cérébrale qui témoigne d'une augmentation du métabolisme. Nous nous trouvons donc en présence d'un phénomène très actif. Autre signe tonique: la disparition totale du tonus musculaire. Quant aux signes phasiques. ils ne sont pas moins importants. Ils sont représentés par des pointes de haut voltage que l'on enregistre au niveau du pont (vers les noyaux oculo-moteurs), du noyau genouillé latéral et du cortex occipItal., ce qui leur a valu le nom d'activité PGO. Ces phénomènes phasique centraux sont responsables des phénomènes phasiques périphériques tel que mouvements oculaires.

Chez l'homme, des dizaines de milliers d'enregistrements de sommeil nocturne ont permis d'établir le profil typique d'une nuit de sommeil En général, un sujet adulte qui s'endort passe successivement par quatre stades de sommeil, du plus léger (l'endormissement) au plus profond (IV) pendant les deux premières heures de sommeil. La première phase de sommeil paradoxal apparaît en moyenne 120 minutes après l'endormissement et dure 15 minutes environ. Elle marque l'achèvement du premier cycle de sommeil. Ensuite un deuxième cycle va survenir qui va durer 90 minutes envlron et se terminer par une phase de sommeil paradoxal de 15 à 20 minutes. Ainsi au cours d'une nuit, 4 ou 5 cycles de sommeil et de rêve vont se succéder si bien qu'à la fin de la nuit le sommeil paradoxal aura constitué 20 % de la durée totale du sommeil, soit environ 100 minutes. Les arguments permettant d'assimiler l'activité onirique au sommeil paradoxal sont solides: des sujets réveillés au cours ou immédiatement après une phase de sommeil paradoxal se souviennent avec beaucoup de détail de leur rêve, tandis que des éveils au cours des autres stades du sommeil n'entraînent que des souvenirs flous ou pas de souvenir du tout. Il existe également une certaine corrélation entre l'intensité des phénomènes phasiques au cours du sommeil paradoxal (mouvements oculaires, pause respiratoire, accélération cardiaque) et l'intensité dramatique du rêve. Enfin, dans certains cas exceptionnels, il est possible de repérer des séquences caractéristiques de mouvements oculaires au cours du rêve correspondant au spectacle onirique (par exemple des mouvements de droite à gauche répétés correspondant au rêve d'assister à une partie de tennis).

Nous verrons que l'assimilation rêve sommeil paradoxal est également justifiée chez l'animal, mais il fallut attendre un stade avancé de nos connaissances pour en acquérir la certitude définitive.

Les critères objectifs du rêve

Même sans le secours de l'électroencéphalogramme, il est possible de reconnaitre l'apparition des périodes de rêve au cours du sommeil grace aux signes périphériques suivants :

  sommeil rêve
réflexes tendineux présents absents
tonus musculaire présent absent (*)
yeux immobiles ou mouvements pendulaires très lents animés de mouvements rapides verticaux ou horizontaux
pupilles toujours en myosis myosis; parfois dilatation très fugitive
respiration lente et régulière irrégulière; parfois longues pauses (**)
rythme cardiaque régulier, lent irrégulier; accelerations et ralentissements subits
pénis flasque érection (***)

 

* L'absence du tonus est difficile à remarquer sur un sujet couché, mais s'observe bien chez les sujets qui dorment assis, en voyage par exemple. La tête tombe alors sur le coté (ce qui réveille en genéral le sujet au début d'un rêve). Le somnambulisme n'appartient pas au rêve, car il y a conservation du tonus musculaire. Il s'agit d'un éveil partiel survenant au cours du stade III ou IV du sommeil. Par contre, la narcolepsie-cataplexie avec chute appartient à la pathologie du rêve.

** Le ralentissement respiratoire peut parfois être si intense qu'il peut entraîner des troubles graves. Il est possible que de nombreuses morts subites du nourrisson aient lieu par arrêt respiratoire au cours du sommeil paradoxal.

*** L'érection (et son équivalent clitoridien chez la femme) est sans aucun rapport avec le contenu onirique (érotique ou non). On l'observe aussi bien chez le nourrisson que chez le vieillard. Elle se voit aussi chez le rat. Son mécanisme reste inexpliqué.

Figure 2A
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Figure 2B
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Figure 2C
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