Eveil, sommeil, rêve
Michel Jouvet
Le courrier du CNRS
TABLE DES MATIERES

Sommaire

L'éveil et ses degrés

Le sommeil

Le sommeil paradoxal

Mécanismes du sommeil paradoxal

Horloge biologique et cycle éveil-sommeil-rêve

Les fonctions des états de vigilance

FIGURES

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Horloge biologique et cycle éveil-sommeil-rêve

Le cycle éveil-sommeil, chez la plupart des espèces, est sous la dépendance du rythme nycthéméral (le jour et la nuit). Ce rythme agit comme synchroniseur ou donneur de temps (Zeitgeber) sur une horloge biologique interne située dans l'hypothalamus, au niveau des noyaux suprachiasmatiques qui reçoivent l'information lumineuse par des voies venant de la rétine. Cette horloge biologique interne, en l'absence de synchroniseur externe (par exemple un séjour prolongé dans un abri ou une grotte) fonctionne "en libre cours" avec un petit retard ou une avance sur le rythme de 24 h, donc à peu près 24 h (circadies), d'où le terme de rythme circadien. Or, cette horloge interne tient sous sa dépendance de nombreuses autres horloges qui contrôlent la synthèse d'enzymes et d'hormones, la température centrale et indirectement le rythme d'éveil et de sommeil. Cela n'a pas eu d'importance autrefois, mais la civilisation industrielle avec le travail posté (rythme des 3 x 8), les horaires irré guliers (les routiers), et surtout l'apparition des Jets et des voyages intercontinentaux, ont placé le cerveau humain dans des conditions que l'évolution n'avait pas prévues. Ainsi, un voyageur quittant Lyon pour Los Angeles conserve le rythme circadien endogène de son horloge interne, alors qu'il reçoit les informations jour-nuit décalées de 8 ou 9 heures. Il en résulte une inadéquation (désynchronisation) entre son besoin de sommeil ou d'éveil et le temps légal (d'où réveil au milieu de la nuit et endormissement le jour). Cette désynchronisation entre l'horloge circadienne endogène et le temps réel peut entraîner, surtout si elle est répétée souvent, des dérèglements du cycle éveil-sommeil (endormissement invincible) et parfois des troubles psychiatriques (dépression). Si le rythme circadien commande l'alternance veille-sommeil, c'est un rythme ultradien de l'ordre de 90 minutes qui règle la périodicité du sommeil paradoxal. Chez l'homme, il est possible que ce rythme ultradien soit l'expression d'un rythme fondamental (Basic Rest Activity "BRAC"). Ce rythme serait alors prédominant chez le nouveau-né, mais serait ensuite masqué au cours de l'éveil chez l'adulte. Il réapparaîtrait alors au cours de la narcolepsie dont les accès diurnes ont souvent une périodicité de 90 minutes. On conçoit ainsi combien apparaît important, en ergonomie et en clinique, de surveiller les possibles asynchronies entraînées par les horaires alternants ou les répétitions de voyages intercontinentaux.

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