Effets EEG et comportementaux des privations de sommeil paradoxal chez le chat
[EEG and behavioral effects of deprivation of paradoxical sleep in cats]
P. Vimont-Vicary, D. Jouvet-Mounier et F. Delorme
Electroencephalogr. Clin. Neurophysiol. 20 (5) pages : 439-449 (1966)
TABLE DES MATIERES

Sommaire

Matériel et méthodes
Résultats
I. Contrôles: le rythme veille-sommeil normal chez le chat
II. Les privations de sommeil
A. La privation de SP par la méthode de la piscine
B. Privation de SP par les chars électriques
C. La privation totale de sommeil
Discussion
A. Au cours de la privation
B. La récupération
C. Rapport entre SP et SL
Résumé
Summary
FIGURES

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DISCUSSION

A. Au cours de la privation

La technique de privation par la méthode de la piscine apparaît sélective vis-à-vis du SP. En effet, la proportion de SL n'est pas diminuée par rapport au contrôle et l'apparition de plus en plus fréquente des tentatives de SP est comparable à celle que l'on observe avec la méthode des chocs électriques. Après le 8ème jour cependant, la récurrence presque invincible du SP provoque à son tour un état de privation relative du SL. Cette technique a donc permis la mise en évidence d'un "besoin" de SP que traduit nettement l'intervalle de plus en plus court entre les tentatives de SP, ce qui confirme les résultats de Dement chez l'homme (1960). Ces résultats révèlent d'autre part que l'activité de pointes ponto-géniculo-occipItal.es constitue un des meilleurs signes précurseurs du SP qui tend à augmenter (même au cours du SL) au fur et à mesure de la privation. Ces pointes, qui dans des conditions normales accompagnent les phénomènes phasiques du SP (mouvements des yeux, des vibrisses, etc.) apparaissent ainsi comme l'expression de mécanismes différents de ceux qui sont responsables des phénomènes toniques du SP (inhibition du tonus musculaire, activation corticale). Le facteur neuro-humoral hypothétique responsable du besoin en SP parait agir au niveau du tronc cérébral inférieur (et probablement du pont): la récurrence de plus en plus rapide des tentatives de SP au cours de la suppression par chocs électriques chez le chat pontique chronique est en effet identique à celle qui apparaît chez le chat normal; ainsi aucune structure cérébrale située en avant du pont n'est nécessaire à l'apparition du besoin en SP (Jouvet et al. 1963). D'autre part, les pointes ponto-géniculo-occipItal.es dépendent également de la formation réticulée pontique puisqu'elles persistent au niveau du pont (Jouvet 1962) (et disparaissent en avant) après section du tronc cérébral à un niveau prépontique (Hobson 1965). En l'absence de données humorales ou neurohumorales, il est difficile de trouver l'explication des troubles comportementaux et végétatifs communs aux animaux privés pendant plus de 8 jours (et qui pourraient être provoqués par l'accumulation d'un agent neuro-humoral). Ce tableau se caractérise surtout par de la somnolence, de l'hypotonie musculaire, une tachycardie sinusale et un degré important d'éréthisme sexuel. Il est possible que l'hypotonie musculaire et la tachycardie soient dues à la fatigue musculaire entraînée par la position assise ou accroupie des animaux qui ne peuvent se coucher. Cependant, cette hypothèse ne permet pas d'expliquer la lenteur du retour à un rythme cardiaque normal et l'hypothèse d'une tachycardie centrale, liée à l'accumulation d'un facteur neuro-humoral au niveau du tronc cérébral inférieur au cours de la privation, est plus plausible. Elle permettrait d'expliquer alors le retour du rythme cardiaque à la normale en même temps que le taux de SP. L'excitation sexuelle pourrait traduire aussi la réaction des structures hypothalamiques ou limbiques (références dans MacLean 1962) qui commandent le comportement sexuel à l'augmentation d'un possible agent neuro-humoral. Il convient enfin de signaler l'absence de troubles hallucinatoires du type de ceux décrits par Dement (1960) chez l'homme après des privations d'activité onirique de plusieurs jours. Nous n'avons pas non plus observé de tableau pseudohallucinatoire identique à celui décrit par Jouvet (1962) après des lésions de la formation réticulée pontique qui suppriment le SP. Dans ce dernier cas cependant, les mécanismes apparaissent différents puisque les lésions de la formation réticulée pontique qui entraînent ce tableau ne suppriment que l'inhibition du tonus musculaire et entraînent une augmentation considérable d'activité de pointes ponto-géniculo-occipItal.es au cours du sommeil lent, aussi les animaux porteurs de ces lésions présentent au cours des états pseudo-hallucinatoires les phénomènes phasiques et oculaires du SP sans inhibition du tonus musculaire (Jouvet et Delorme 1965). La technique des chocs électriques ou celle de la piscine en réveillant l'animal par un stimulus douloureux ou sa chute dans l'eau ne permet pas à un tel tableau d'apparaître.

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