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Le sommeil du nouveau-né prématuré
C'est l'équipe de Colette Dreyfus-Brisac, à l'Hôpital
de Port-Royal à Paris, qui réalisa les premières
études à partir de 1956. Le sommeil du bébé
prématuré est maintenant bien connu. Tous les centres de
prématurés réalisent de façon systématique
des électroencéphalogrammes. Ils permettent, en effet, non
seulement de dépister d'éventuelles anomalies neurologiques,
mais surtout d'évaluer l'âge de gestation du bébé
prématuré, à une semaine près. Cette évaluation
repose essentiellement sur l'analyse des ondes corticales au cours des
différents états de vigilance.
L'étude des états de vigilance du prématuré
repose sur trois paramètres:
- l'étude du comportement, par observation directe dans la couveuse;
- l'électroencéphalogramme, possible actuellement sur
les plus petits prématurés viables, c'est-à-dire
à 24 semaines (5 mois), bébés qui pèsent
souvent moins de 800 grammes;
- l'enregistrement polygraphique est possible vers 32 semaines, lorsque
le prématuré est moins fragile.
Ce que l'on peut dire d'emblée, c'est que le développement
du sommeil et de l'activité électrique du cerveau ne
dépend ni du poids, ni de l'âge légal de l'enfant
(âge de vie extra-utérine, donc depuis sa naissance). Il
ne dépend que de son âge conceptionnel. Si un petit prématuré
va bien, son sommeil va évoluer de la même façon que
s'il était resté in utero. Par exemple, un nouveau-né
prématuré de 28 semaines (né à 6 mois de gestation)
aura à trois mois d'âge légal un électroencéphalogramme
et une organisation de sommeil pratiquement identiques à ceux d'un
nouveau-né à terme de quelques jours, donc conçu
au même moment que lui. Sa vieille expérience de vie extra-utérine
n'aura presque pas influencé la maturation de ses neurones et l'organisation
de ses états de vigilance.
Nous pouvons succintement décrire les principales étapes
de cette période.
- A 24 semaines, le tout-petit prématuré dort. Il alterne
de brèves périodes d'immobilité avec des phases
d'agitation plus ou moins intenses, faites de mouvements brusques, de
sursauts. Les yeux sont constamment fermés, les mouvements oculaires
épisodiques. La respiration est irrégulière et
souvent insuffisante, ce qui nécessite une ventilation artificielle.
A ce stade, l'EEG est souvent complètement silencieux pendant
plusieurs secondes, parfois même pendant une à deux minutes,
pratiquement plat, avec quelques bouffées intermittentes d'activité.
- Entre 24 et 27 semaines, toutes les caractéristiques comportementales
du sommeil sont présentes, mais elles ne concordent pas. Il est
impossible de décrire un état de sommeil calme, et un
état de sommeil agité. Sur le tracé EEG les bouffées
d'activité deviennent plus longues.
- Vers 28 semaines, apparaissent les premières périodes
de sommeil agité. L'activité électrique cérébrale,
jusque-là discontinue (entrecoupée de tracés plats),
va devenir permanente au cours des périodes de sommeil agité.
- A 30 semaines, des périodes de sommeil calme vont être
très bien individualisées.
- A partir de 32 semaines, le pourcentage de sommeil agité et
de sommeil calme par rapport au sommeil indifférencié
va augmenter rapidement, et l'activité électrique corticale
devient de plus en plus continue, permanente, mais le tracé reste
peu actif pendant les rares moments d'éveil.
- Vers 36 semaines, le bébé proche du terme présente
de toutes petites périodes d'état de veille calme, les
premières ! Il ouvre plus souvent les yeux, devient plus conscient.
Son tracé EEG montre enfin une activité continue au cours
de ces éveils calmes. Pendant ces dernières semaines avant
le terme, la quantité de sommeil agité va être un
peu plus importante que celle du nouveau-né à terme, aux
environs de 65%.
Toute cette évolution, repérable de semaine en semaine,
dépend de la maturation des neurones corticaux, de l'établissement
des connexions qui les relient entre eux, et surtout qui les relient au
cerveau profond. Elle est donc le reflet direct de la construction cérébrale
du bébé.
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