Alain Muzet *
* Médecin, entre d'études de physiologie appliquée au CNRS, Strashourg
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Dans notre monde moderne se pose le problème
du maintien de la vigilance de l'opérateur humain. En effet,
le travail "à feu continu" a tendance à se généraliser
dans le milieu industriel et les demandes se font de plus en plus pressantes
pour que la plupart des services soient accessibles 24 h sur 24. De
plus, la tendance générale est de réduire le nombre
d'opérateurs et de concentrer leur travail sur des tâches
de surveillance de séquences automatisées où les
informations à traiter sont chaque fois plus nombreuses et demandent
une plus grande compétence pour être analysées.
DES
PERFORMANCES HUMAINES FLUCTUANTES
Face à ces besoins croissants, il faut bien reconnaître
que les capacités humaines n'ont guère évolué
en matière de résistance physique à la fatigue. Le
problème du maintien de la vigilance se pose donc de façon
cruciale chaque fois que l'on demande à l'opérateur d'effectuer
des taches difficiles, pendant des temps très longs, ou à
des moments de la journée et de la nuit où ses capacités
sont réduites . En effet, les performances humaines sont fluctuantes
car elles dépendent des modifications de la vigilance et des capacités
attentionnelles de l'individu. Dans certains cas, les conséquences
de l'erreur ou de la non-détection d'informations pertinentes peuvent
être très graves. On cite régulièrement les
diverses catastrophes industrielles qui se sont produites au cours de
la nuit, c'est-a-dire à un moment où la baisse des capacités
humaines a pu jouer un rôle aggravant, si ce n'est déclenchant,
dans la cascade d'erreurs relevées a posteriori. De plus, la réduction
du nombre d'opérateurs dans les équipes au travail (réduction
de l'équipage d'un avion, disparition du tandem classique dans
la conduite des trains, etc..) accentue les risques dans la mesure où
la relève est plus difficilement ou pas du tout assurée
en cas de défaillance de l'opérateur principal.
LA BAISSE DE LA VIGILANCE A L'ÉTUDE
Ces constats préoccupent beaucoup tous ceux qui
ont à assurer la sécurité des hommes et des installations.
Ces derniers savent pertinemment que le maillon humain n'est pas d'une
fiabilité à toute épreuve et qu'une meilleure sécurité
doit savoir mieux prendre en compte les facteurs qui peuvent conduire
à - ou faciliter l'apparition de - la survenue de l'hypovigilance.
Il est une tâche exemplaire en matière de capacités
humaines et de sécurité : la conduite automobile. Dans
ce cas précis, l'opérateur peut être plus ou moins
bien formé, plus ou moins expérimenté, et il se trouve
face à une tâche complexe où les erreurs peuvent
être sanctionnées de manière immédiate et
parfois de façon irrémédiable.
La conduite automobile constitue donc une situation de
choix dans l'étude de la vigilance de l'opérateur humain.
De complexité variable selon les types de trajet, elle a lieu
pendant des durées variant considérablement et dans un
espace de faible volume où les paramètres physiques ambiants
peuvent prendre des valeurs extrêmes. La conduite automobile constitue
donc une tâche exemplaire, propice à l'étude scientifique
et dont les enseignements sont susceptibles d'être appliqués
à d'autres situations de travail. Du fait de sa compacité,
elle est assez facilement simulable. De nombreuses équipes a
travers le monde disposent de moyens de simulation de ce type de tâche
à des fins scientifiques exploratoires. Dans ce type de démarche
de laboratoire, la tendance actuelle est de trouver les moyens de pallier
la baisse de vigilance, en mettant au point des systèmes de détection
automatique de cette dernière et de déclenchement d'alerte
à l'attention du conducteur.
A cette mise en route secondaire d'une procédure
de contrôle, nous préférons une démarche de recherche
située plus en amont. Pour notre laboratoire qui utilise un simulateur
mobile très perfectionné, l'approche scientifique est
centrée sur l'identification et la compréhension des mécanismes
par lesquels se réalisent les baisses de vigilance et de l'attention
et permet de quantifier l'importance des facteurs d'influence se trouvant
à l'origine de ces modifications physiologiques et comportementales
ou venant les renforcer.
C'est ainsi que sont plus particulièrement étudiés
les effets des facteurs de situation (privation de sommeil, moment de
la journée ou de la nuit, type de trajet ... ) ou encore l'importance
des facteurs physiques ambiants (température, bruit , vibrations,
éclairage...) dans la genèse des épisodes
d'hypovigilance, voire de somnolence, que l'on observe de façon
quotidienne tant en situation expérimentale de laboratoire qu'en
situation réelle sur nos routes et autoroutes, malheureusement
endeuillées par des accidents dans lesquels l'opérateur
humain s'est parfois révélé défaillant.
Le sommeil de l'enfant, du nourrisson à l'adolescent
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