Parasomnies de l'enfant
Marie-Josephe Challamel *
* Pédiatre, Inserm U480, Service de consultation-exploration neurologique
Unité de sommeil
Centre Hospitalier Lyon Sud
Table des matières
Editorial : L'Education au sommeil tout au long de la vie
La physiologie du sommeil
La sieste pour tous ?
Troubles du sommeil: insomnies et hypersomnies
Médicaments: de nouvelles molécules pour traiter le sommeil
Maintenir la vigilance: une approche scientifique
Le sommeil de l'enfant, du nourrisson à l'adolescent
Sensibiliser, former et informer sur le sommeil du nourrisson
Le sommeil et les rythmes de l'enfant
L'écolier et son sommeil
Une action éducative sur le sommeil en milieu scolaire
Parasomnies de l'enfant
Une action efficace contre l'insomnie: les stages de sommeil
CREDITS
Ce dossier sommeil a été élaboré par les Docteurs Françoise Delormas (Prosom) et Elisabeth Locard (Ades du Rhône) , avec la contribution de plusieurs spécialistes que nous remercions chaleureusement. Une large diffusion des connaissances dans le public devrait inciter chacun à mieux connaître et donc mieux gérer son patrimoine sommeil en fonction de ses besoins et des contraintes de la vie en société. De plus, à terme, elle devrait conduire à une réduction significative de la prescription et de la consommation de psychotropes à visée sédative et hypnotique.

Les parasomnies forment un ensemble de troubles observés pendant le sommeil. Elles sont actuellement organisées en quatre rubriques (voir encadré). Il s'agit chez l'enfant de manifestations tout à fait bénignes, qui ne deviennent anormales que si elles sont très fréquentes. Nous nous intéresserons surtout aux troubles de l'éveil : terreurs nocturnes, éveils confusionnels et somnambulisme. Ces manifestations surviennent presque toujours au cours de la première partie de la nuit, lors d'une période de sommeil lent profond.

TERREURS NOCTURNES

Fréquentes chez l'enfant lorsqu'elles sont occasionnelles, les terreurs nocturnes sont plus rares lorsqu'elles sont répétitives, leur fréquence se situant entre 1 et 3 % chez l'enfant de moins de 15 ans. Les terreurs nocturnes surviennent au cours du sommeil lent profond, 1 à 3 heures après l'endormissement. Le début est brutal. L'enfant s'assied sur son lit les yeux ouverts; il semble effrayé, il hurle, il est souvent érythrosique *. Il existe une hypersudation, une tachycardie, parfois des difficultés respiratoires. Il peut prononcer des paroles incohérentes. Les essais pour le réveiller sont souvent inopérants et peuvent entraîner des réactions agressives ou provoquer chez les enfants les plus âgés un réflexe d'échappement avec saut hors du lit. Les terreurs nocturnes durent de quelques secondes à parfois plus de 20 minutes.

* Rougeur diffuse de la peau, en particulier au niveau du visage.

ÉVEILS CONFUSIONNELS

Les éveils confusionnels sont très souvent confondus avec les terreurs nocturnes. lls sont très fréquents chez l'enfant de moins de 5 ans, surviennent surtout en début de nuit, mais peuvent se répéter au cours de la nuit. Le début est plus progressif que celui de la terreur nocturne, l'enfant grogne, puis pleure puis s'agite et peut sortir de son lit.Il paraît réveillé alors qu'il est en sommeil lent profond. Il repousse celui qui essaye de le consoler. Les éveils confusionnels peuvent survenir au cours d'une sieste.

SOMNAMBULISME

Le somnambulisme, dans sa forme la plus typique, est une manifestation fréquente puisque 15 % des enfants de 1 à 15 ans ont fait au moins un accès de somnambulisme. En revanche 1 à 6 % des enfants sont réellement somnambules, faisant plusieurs épisodes par mois.

Le somnambulisme peut débuter dès l'âge de la marche. Dans sa forme typique, l'accès de somnambulisme survient 1 à 3 heures après l'endormissement. Le patient se lève, a les yeux grands ouverts, mais ne paraît pas voir, le visage est inexpressif, la déambulation est lente, le somnambule peut réaliser des actes relativement élaborés, éviter des meubles, descendre des escaliers, mais il est maladroit et peut accomplir des actes dangereux. Le somnambule est généralement docile. Il se laissera reconduire dans son lit, si l'on ne tente pas de le réveiller. Ces épisodes durent habituellement moins de 10 minutes.

Le somnambulisme peut comporter certains risques (de chutes ou de blessures), en particulier si les accès sont très fréquents, si leur durée dépasse 10 minutes, si l'enfant réalise des activités dangereuses au cours de sa déambulation.

TROUBLES DE LA TRANSITION VEILLE/SOMMEIL
  • Énurésie
    L'énurésie correspond à la fuite involontaire d'urine survenant au cours du sommeil. L'épisode énurétique n'est pas spécifique d'un type de sommeil.
  • Sursauts du sommeil (ou myoclonies d'endormissement)
    lls surviennent dans la transition de la veille au sommeil, correspondent à une secousse brutale d'une partie du corps ou de tout le corps et peuvent réveiller le sujet ou l'empêcher de s'endormir. Ces secousses peuvent être associées à des hallucinations hypnagogiques visuelles, auditives ou corporelles.
  • Rythmies du sommeil (jactatio capitis nocturna)
    Il s'agit de mouvements rythmiques de la tête et du corps survenant au moment de l'endormissement ou au cours du sommeil lent léger. Ces mouvements peuvent parfois être violents et s'accompagner de vocalisations. Ces rythmies sont très fréquentes dans les premiers mois de vie et 8 % des enfants de 4 ans en ont encore. La grande majorité des enfants et des adolescents atteints de jactatio capitis nocturna sont tout à fait normaux.
  • Paralysies du sommeil
    Elles se produisent quand l'atonie du sommeil paradoxal persiste au moment d'un éveil. Ces paralysies s'accompagnent d'une angoisse importante. Elles peuvent survenir de façon épisodique chez l'enfant.
  • Somniloquie
    La somniloquie est le fait de parler pendant le sommeil. Les épisodes de somniloquie peuvent survenir en sommeil lent et en sommeil paradoxal. Les épisodes survenant en sommeil paradoxal tendent à être plus élaborés.
  • Bruxisme
    Le bruxisme est le fait de grincer des dents pendant le sommeil. il s'agit chez l'enfant d'une manifestation banale.

Classification des parasomnies

Troubles de l'éveil

  • Éveils confusionnels
  • Somnambulisme
  • Terreurs nocturnes

Troubles de la transition veille/sommeil

  • Rythmies du sommeil
  • Myoclonies d'endormissement
  • Somniloquie
  • Crampes nocturnes des membres inférieurs

Parasomnies habituellement associées au sommeil paradoxal

  • Cauchemars
  • Paralysies du sommeil
  • Troubles du comportement du sommeil paradoxal

Autres parasomnies

  • Bruxisme
  • Enurésie

FACTEURS FAVORISANTS

Ces parasomnies partagent les mêmes facteurs favorisants : un stress, une anxiété importante, une fièvre, une activité musculaire trop tardive dans la journée, une distension de la vessie peuvent être des facteurs déclenchants, de même qu'une privation de sommeil, des rythmes de veille/sommeil trop irréguliers, un sommeil de mauvaise qualité. Elles ont souvent un caractère familial : les parents ont souvent eux-mêmes présenté des terreurs nocturnes ou des accès de somnambulisme dans l'enfance.

QUAND FAUT-IL S'INQUIÉTER ?

Il faudra bien sûr s'inquiéter et consulter si ces manifestations surviennent plusieurs fois par semaine, si les déambulations sont longues. Un traitement médicamenteux n'est prescrit que lorsque les parasomnies (somnambulisme, éveils confusionnels ou terreurs nocturnes) entraînent des perturbations familiales très importantes ou lorsqu'il existe une déambulation prolongée et des actes dangereux.

En revanche, il faudra souvent réorganiser les rythmes veille/sommeil chez les plus jeunes , réinstaurer éventuellement une sieste de façon que le sommeil de la première partie de la nuit soit moins profond. Pour tous, si les déambulations sont importantes, il faudra protéger des accidents en évitant les meubles dangereux, en posant des verrous haut places aux portes et aux fenêtres. Si les terreurs nocturnes ou les accès de somnambulisme sont anormalement fréquents ou surviennent à un âge très tardif (après 12 ans), il faudra rechercher l'existence d'un stress anormal, de difficultés psychologiques et parfois envisager une psychothérapie.

Peut-on confondre accès de somnambulisme terreurs nocturnes ou éveils confusionnels avec d'autres manifestations nocturnes ? Les terreurs nocturnes et les éveils confusionnels sont très souvent confondus par les parents, mais aussi par les médecins avec des cauchemars : le cauchemar est un mauvais rêve, il survient presque toujours en seconde partie de nuit, alors que les parasomnies du sommeil lent surviennent en première partie de nuit. Au cours d'une terreur nocturne ou d'un accès de somnambulisme, l'enfant est très difficile à réveiller et ne gardera aucun souvenir de ses déambulations nocturnes. Après un cauchemar, lorsque les parents arrivent auprès de l'enfant, celui-ci peut être très effrayé, mais il est tout à fait réveillée et conscient et peut raconter son mauvais rêve. Certaines hallucinations survenant à l'endormissement peuvent entraîner chez l'enfant, des pleurs importants mais elles sont relativement rares et l'enfant est, là encore, tout a fait réveillé et conscient.

Les accès de somnambulisme et les terreurs nocturnes, lorsqu'elles comportent une déambulation, peuvent être éventuellement confondues avec des troubles du comportement en sommeil paradoxal. Chez l'enfant, ces troubles sont extrêmement rares. Il s'agit d'un passage à l'acte au cours d'un rêve : passage à l'acte rendu possible du fait de la disparition de la paralysie qui accompagne normalement le sommeil paradoxal. Ces comportements sont volontiers violents et apparaissent en seconde partie de nuit. Le problème d'une éventuelle épilepsie peut aussi se poser si les épisodes sont très fréquents et se répètent au cours d'une même nuit, surtout si le comportement est très stéréotypé.

Consommation médicamenteuse

Chaque classe de médicaments "psychotropes" est consommée actuellement par moins de 10% des jeunes. En effet, mis à part les médicaments "pour être en forme" qui sont consommés par environ un jeune sur quatre, les médicaments "pour dormir" ne sont consommés que par 5 à 6 % des jeunes "de temps en temps" et par environ 2 % souvent et 3 % tous les jours (figure 1). Dans la classe des 11 ans, le sexe ne semble pas être lié à la consommation médicamenteuse. Dans les classes plus âgées, les filles sont plutôt consommatrices occasionnelles tandis que les garçons ont davantage tendance à consommer régulièrement. Par ailleurs, lorsque l'on interroge les jeunes sur leur consommation médicamenteuse au cours du dernier mois (tableau 1), il apparaît que celle contre la toux et la fatigue et celle pour dormir ne diffèrent pas selon le sexe dans les trois classes d'âge. Elles concernent respectivement environ 20 %,10 % et 5 % des jeunes.

Figure 1

Tableau 1

Sources Chan Chee C, Arenes I Perception de la qualité de vie, dépressivité et consommation médicamenteuse In Chan Chee C Baudier F Dressen C Arenes I Baromètre Santé Jeures 94 Vanves: CFES 1997: 72-88

Une action efficace contre l'insomnie: les stages de sommeil