Jean-louis Valatx
Directeur de recherche, INSERM U480
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Les troubles du sommeil par atteinte
des deux "pacemakers" semblent assez rares. Ils surviennent au cours
des maladies dégénératives ou traumatiques du système
nerveux central. A l'opposé, l'insomnie est la plainte la plus
fréquente.
L'insomnie
d'endormissement, objectivement constatée et non secondaire à
une affection somatique ou psychiatrique n'est pas un trouble du sommeil
mais un trouble de l'éveil. Si le réseau de l'éveil
est trop actif ou trop stimulé, le sommeil est bloqué.
Le milieu extérieur (lumière-bruit-température
), le milieu intérieur (faim, soif, douleur) et les stimulations affectives
(émotions, anxiété) ou cognitives sont de puissants
facteurs éveillants. Pour la sécurité de l'individu,
l'éveil est prioritaire. Il est nécessaire de se sentir
en sécurité pour s'endormir.
Si les facteurs précédents ne sont pas
impliqués, une perturbation du réseau anti-éveil
est à rechercher, comme une diminution de l'activité (synthèse
et/ou libération) des neurones à sérotonine. Cela
pourrait expliquer l'effet somnifère de certains antidépresseurs
qui augmentent la quantité de molécules de 5-HT. Cette
éventuelle hypoactivité pourrait également être
la conséquence de la dégénérescence neuronale
due au vieillissement ou post-traumatique.
L'insomnie par "perception erronée du sommeil" (hypnagnosie
de Jouvet) s'observe chez les personnes
âgée et dans les suites postopératoires d 'interventions
ayant nécessité une anesthésie prolongée.
Les personnes ont l'impression de ne pas avoir dormi alors que !es enregistrements
montrent le contraire. Cette plainte de sommeil est attribuable, en fait,
à un trouble de la mémoire. Ces personnes ne se souviennent
pas d'avoir dormi. Elles ne se souviennent que des éveils, soit
provoqués par des stimulations externes ou internes, soit spontanés
survenant à la fin d'un cycle de sommeil.
Le retard de phase de l'horloge biologique (envie de dormir très
tardive) est souvent interprété comme une insomnie. Il entraîne,
en effet, une réduction du temps de sommeil, parfois importante,
si la personne doit se lever tôt pour son travail. Ce manque de
sommeil entraîne une somnolence diurne excessive avec son cortège
d'effets indésirables (inattention, baisse de l'efficacité
physique et intellectuelle, accidents)
A partir de ces interprétations, l'approche thérapeutique
proposée pourra être de type comportemental. En effet,
plus de la moitié des insomnies sont améliorée, sinon
guéries, par des informations simples sur le déroulement
d'une nuit de sommeil et par des conseils d'hygiène de vie. Puis,
la recherche des causes de la stimulation excessive du système
de l'éveil), éventuellement associée à la pharmacologie
pour stimuler le système anti-éveil, pourra être
proposée.
Pour réhabituer les insomniaques à dormir,
la prescription de somnifères pendant quelques jours sera parfois
nécessaire. La grande majorité des somnifères agit
en se fixant sur des récepteurs GABA dont l'action résultante
est non seulement l'inhibition du réseau de l'éveil, mais
aussi la perturbation d'autres circuits comme celui de la mémoire
ou de l'humeur. De nombreux somnifères entraînent une dépendance
dont il faut avertir la personne. L'arrêt du médicament
sera très progressive pour éviter le syndrome de sevrage
(anxiété, rebond d'insomnie cauchemars). La connaissance
récente de la répartition hétérogène
des sous-unités (alpha, beta, gamma, etc..) du récepteur
GABA va permettre la mise au point de molécules dont l'action
sera plus spécifique.
Quant à l'hypnagnosie, la rééducation mnésique
peut aider la personne à se souvenir de son sommeil.
LES TROUBLES RESPIRATOIRES LIES AU SOMMEIL
Les troubles respiratoires liés au
sommeil sont liés aux conséquences de l'obstruction
partielle ou totale des voies aériennes supérieures,
responsables de tableaux allant du ronflement "pur" au syndrome
d'apnées obstructives du sommeil, en passant par le syndrome
de résistance des voies aériennes supérieures.
Tous ces tableaux ont en commun un ronflement et une somnolence
diurne. Au-delà du handicap socioprofessionnel et du risque
d'accidents du travail et/ou de la circulation à court terme,
ces manifestations exposent aux complications de l'hypertension
artérielle qui leur est associée et de l'insuffisance
cardiorespiratoire, plus rare. Le diagnostic repose sur l'enregistrement
polygraphique du sommeil. Le traitement de référence
est la ventilation en pression positive continue au cours du sommeil,
à défaut d'une réduction pondérale, trop souvent
impossible à obtenir. Dans quelques cas, un traitement chirurgical
portant sur les structures osseuses de la face peut apporter de
bons résultats.
JEAN KRIEGER
Unité des troubles du sommeil Clinique neurologique, hôpital
civil, Strasbourg
La revue du Praticien, 15 décembre 1996: 2435-41.
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La
narcolepsie, accès invincibles de sommeil pendant la journée,
est vraisemblablement un trouble du contrôle des systèmes
permissifs du sommeil paradoxal. La forme majeure de cette maladie avec
cataplexie (paralysie musculaire) peut-être à l'origine
d'accidents de la route ou du travail. Bien que cette maladie soit liée
à un terrain génétique particulier (groupe HLA
DR2-DQ1), des facteurs déclenchants sont nécessaires à
son expression, comme les émotions ou les horaires irréguliers
de sommeil. En l'absence d'une étiologie précise, le traitement
pharmacologique symptomatique normalise efficacement les accès
narcoleptiques.
Les hypersomnies (durée du sommeil supérieure
à 12 heures), idiopathiques ou post-traumatiques, peuvent être
rapportées soit à une hypoactivité du réseau
de l'éveil, soit à un hyperfonctionnement du système
anti-éveil. Pour ces affections, souvent ignorées et parfois
très invalidantes, seule une approche pharmacologique est actuellement
envisageable. La stimulation des composantes du réseau de l'éveil
est possible par de nombreuses molécules qui ont souvent des
effets secondaires indésirables comme l'amphétamine. Tout
récemment, une molécule éveillante, le modafinil
ou Modiodal@, a été commercialisée pour traiter
les hypersomnies. N'ayant pas d'effets secondaires délétères,
ce médicament a transformé la vie de ces malades qui,
non traités, pouvaient dormir jusqu'à 20 heures par jour.
Pour réduire l'activité du système anti-éveil,
les molécules spécifiques sont encore à définir.
LES RONFLEMENTS
lls concernent 13 à 17 % de la population.
Ils sont deux fois plus fréquents chez l'homme. A 60 ans
et plus, 60%, des hommes et 40%, des femmes ronflent. Chez l'homme
et la femme, la respiration subit certaines modifications sous l'effet
du sommeil. Il y a un changement d'excitabilité du centre
respiratoire (phénomène central) et une diminution
du tonus musculaire intéressant les voies aériennes
supérieures (phénomène périphérique).
La modification respiratoire la plus banale et la plus sonore est
le ronflement. C'est un bruit produit à l'inspiration, soit
par la vibration du voile du palais, soit par celle de la base de
la langue - I'expiration étant quant à elle silencieuse
ou peu bruyante. L'hypotonie musculaire plus accentuée en
vieillissant explique l'augmentation de ce trouble avec l'âge.
Deux cas sont repérés :
- soit il s'agit de ronflements simples,
sans autre retentissement que des problèmes de couple
(!) et une légère somnolence diurne. Ils commencent
alors en stade I et se poursuivent jusqu'à la fin du
cycle, avec plus d'irrégularité en stade V.
- soit il s'agit de ronflements avec retentissements
cliniques (fatigue, céphalées au réveil,
somnolence diurne, hypertension artérielle...). Ces ronflements
peuvent s'accompagner d'anomalies respiratoires modérées
ou accompagner un syndrome d'apnée du sommeil.
Le traitement consiste en différentes
actions: perdre du poids, diminuer alcool et tabac, se méfier
des benzodiazépines qui abaissent le tonus musculaire,
éviter de dormir sur le dos et maintenir la perméabilité
des fosses nasales. On peut également rechercher une cause
éventuelle: déviation de la cloison nasale ou hypertrophie
des amygdales.
Dans certains cas de malformation ou d'anomalie de la sphère
O.R.L. dûment reconnues et de sévérité
du ronflement associé, on peut intervenir chirurgicalement
par l'UPPP (Uvulo-palato-pharyngo-plastie) qui consiste en une
résection de la luette et du bord postérieur du voile du
palais. Ce procédé améliore les nuits de
50 % des patients.
Un niveau traitement, I'UPPP au laser C02, est moins sanglant
mais pas plus efficace. Le traitement de choix est la pression
positive: un appareil auquel le patient est relié par un
masque nasal délivre une pression constante dont la valeur
doit être réglée en laboratoire. Ce système
agit probablement en maintenant ouvertes les voies aériennes
supérieures.
Françoise DELORMAS, d'après
J.M. Gaillard
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Ces hypersomnies sont à distinguer de la somnolence
diurne excessive souvent la conséquence de la réduction
importante du temps de sommeil due aux contraintes sociales ou de la
perturbation du déroulement des cycles du sommeil nocturne par
les parasomnies. Ces dernières sont des troubles associés
au sommeil comme le syndrome des apnées du sommeil ou celui des
jambes sans repos le bruxisme ou le somnambulisme. Leurs mécanismes
physiologiques ne sont pas encore entièrement élucides.
Leur traitement symptomatique permet cependant d'améliorer la
qualité du sommeil de ces patients.
REFERENCE BIBLIOGRAPHIQUE
Gaillard J.M. Le sommeil, ses mécanismes et ses troubles. Paris et Lausanne: Doin-Payot, 1990.
LE SYNDROME D'APNEES
DU SOMMEIL
Frappant essentiellement les hommes entre
45 et 65 ans et particulièrement fréquent chez le
ronfleur, le syndrome d'apnées du sommeil (SAS) se caractérise
par la survenue, apres l'endormissement, d'arrêts respiratoires
d'une durée moyenne de 40 secondes, la reprise du rythme
respiratoire coincidant toujours avec un réveil. La répétition
des apnées (souvent plus de cinq par heure) entraîne
une réduction et une désorganisation du sommeil
de nuit, une somnolence diurne, une hypoventilation alvéolaire,
une hypertension artérielle systémique et pulmonaire,
d'abord transitoires et contemporain des apnées, puis permanentes.
Face aux échecs des traitements médicamenteux et
aux résultats inconstants de la chirurgie des voies aériennes
supérieures, la mise en route d'une ventilation en pression
positive continue, appliquée par voie nasale, assure la
suppression des apnées, réorganise le sommeil, fait
disparaître la somnolence diurne et évite I'évolution
vers une insuffisance cardiaque droite.
Françoise DELORMAS
voir aussi : Syndrome
d'apnée du sommeil de l'adulte par S.H. ONEN
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Médicaments: de nouvelles
molécules pour traiter le sommeil
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