Troubles du sommeil - Insomnies et hypersomnies
Jean-louis Valatx
Directeur de recherche, INSERM U480
Table des matières
Editorial : L'Education au sommeil tout au long de la vie
La physiologie du sommeil
La sieste pour tous ?
Troubles du sommeil: insomnies et hypersomnies
Médicaments: de nouvelles molécules pour traiter le sommeil
Maintenir la vigilance: une approche scientifique
Le sommeil de l'enfant, du nourrisson à l'adolescent
Sensibiliser, former et informer sur le sommeil du nourrisson
Le sommeil et les rythmes de l'enfant
L'écolier et son sommeil
Une action éducative sur le sommeil en milieu scolaire
Parasomnies de l'enfant
Une action efficace contre l'insomnie: les stages de sommeil
CREDITS
Ce dossier sommeil a été élaboré par les Docteurs Françoise Delormas (Prosom) et Elisabeth Locard (Ades du Rhône) , avec la contribution de plusieurs spécialistes que nous remercions chaleureusement. Une large diffusion des connaissances dans le public devrait inciter chacun à mieux connaître et donc mieux gérer son patrimoine sommeil en fonction de ses besoins et des contraintes de la vie en société. De plus, à terme, elle devrait conduire à une réduction significative de la prescription et de la consommation de psychotropes à visée sédative et hypnotique.

Les troubles du sommeil par atteinte des deux "pacemakers" semblent assez rares. Ils surviennent au cours des maladies dégénératives ou traumatiques du système nerveux central. A l'opposé, l'insomnie est la plainte la plus fréquente.

L'insomnie d'endormissement, objectivement constatée et non secondaire à une affection somatique ou psychiatrique n'est pas un trouble du sommeil mais un trouble de l'éveil. Si le réseau de l'éveil est trop actif ou trop stimulé, le sommeil est bloqué. Le milieu extérieur (lumière-bruit-température ), le milieu intérieur (faim, soif, douleur) et les stimulations affectives (émotions, anxiété) ou cognitives sont de puissants facteurs éveillants. Pour la sécurité de l'individu, l'éveil est prioritaire. Il est nécessaire de se sentir en sécurité pour s'endormir.

Si les facteurs précédents ne sont pas impliqués, une perturbation du réseau anti-éveil est à rechercher, comme une diminution de l'activité (synthèse et/ou libération) des neurones à sérotonine. Cela pourrait expliquer l'effet somnifère de certains antidépresseurs qui augmentent la quantité de molécules de 5-HT. Cette éventuelle hypoactivité pourrait également être la conséquence de la dégénérescence neuronale due au vieillissement ou post-traumatique.

L'insomnie par "perception erronée du sommeil" (hypnagnosie de Jouvet) s'observe chez les personnes âgée et dans les suites postopératoires d 'interventions ayant nécessité une anesthésie prolongée. Les personnes ont l'impression de ne pas avoir dormi alors que !es enregistrements montrent le contraire. Cette plainte de sommeil est attribuable, en fait, à un trouble de la mémoire. Ces personnes ne se souviennent pas d'avoir dormi. Elles ne se souviennent que des éveils, soit provoqués par des stimulations externes ou internes, soit spontanés survenant à la fin d'un cycle de sommeil.

Le retard de phase de l'horloge biologique (envie de dormir très tardive) est souvent interprété comme une insomnie. Il entraîne, en effet, une réduction du temps de sommeil, parfois importante, si la personne doit se lever tôt pour son travail. Ce manque de sommeil entraîne une somnolence diurne excessive avec son cortège d'effets indésirables (inattention, baisse de l'efficacité physique et intellectuelle, accidents)

A partir de ces interprétations, l'approche thérapeutique proposée pourra être de type comportemental. En effet, plus de la moitié des insomnies sont améliorée, sinon guéries, par des informations simples sur le déroulement d'une nuit de sommeil et par des conseils d'hygiène de vie. Puis, la recherche des causes de la stimulation excessive du système de l'éveil), éventuellement associée à la pharmacologie pour stimuler le système anti-éveil, pourra être proposée.

Pour réhabituer les insomniaques à dormir, la prescription de somnifères pendant quelques jours sera parfois nécessaire. La grande majorité des somnifères agit en se fixant sur des récepteurs GABA dont l'action résultante est non seulement l'inhibition du réseau de l'éveil, mais aussi la perturbation d'autres circuits comme celui de la mémoire ou de l'humeur. De nombreux somnifères entraînent une dépendance dont il faut avertir la personne. L'arrêt du médicament sera très progressive pour éviter le syndrome de sevrage (anxiété, rebond d'insomnie cauchemars). La connaissance récente de la répartition hétérogène des sous-unités (alpha, beta, gamma, etc..) du récepteur GABA va permettre la mise au point de molécules dont l'action sera plus spécifique.

Quant à l'hypnagnosie, la rééducation mnésique peut aider la personne à se souvenir de son sommeil.

LES TROUBLES RESPIRATOIRES LIES AU SOMMEIL

Les troubles respiratoires liés au sommeil sont liés aux conséquences de l'obstruction partielle ou totale des voies aériennes supérieures, responsables de tableaux allant du ronflement "pur" au syndrome d'apnées obstructives du sommeil, en passant par le syndrome de résistance des voies aériennes supérieures. Tous ces tableaux ont en commun un ronflement et une somnolence diurne. Au-delà du handicap socioprofessionnel et du risque d'accidents du travail et/ou de la circulation à court terme, ces manifestations exposent aux complications de l'hypertension artérielle qui leur est associée et de l'insuffisance cardiorespiratoire, plus rare. Le diagnostic repose sur l'enregistrement polygraphique du sommeil. Le traitement de référence est la ventilation en pression positive continue au cours du sommeil, à défaut d'une réduction pondérale, trop souvent impossible à obtenir. Dans quelques cas, un traitement chirurgical portant sur les structures osseuses de la face peut apporter de bons résultats.

JEAN KRIEGER
Unité des troubles du sommeil Clinique neurologique, hôpital civil, Strasbourg
La revue du Praticien, 15 décembre 1996: 2435-41.

 

La narcolepsie, accès invincibles de sommeil pendant la journée, est vraisemblablement un trouble du contrôle des systèmes permissifs du sommeil paradoxal. La forme majeure de cette maladie avec cataplexie (paralysie musculaire) peut-être à l'origine d'accidents de la route ou du travail. Bien que cette maladie soit liée à un terrain génétique particulier (groupe HLA DR2-DQ1), des facteurs déclenchants sont nécessaires à son expression, comme les émotions ou les horaires irréguliers de sommeil. En l'absence d'une étiologie précise, le traitement pharmacologique symptomatique normalise efficacement les accès narcoleptiques.

Les hypersomnies (durée du sommeil supérieure à 12 heures), idiopathiques ou post-traumatiques, peuvent être rapportées soit à une hypoactivité du réseau de l'éveil, soit à un hyperfonctionnement du système anti-éveil. Pour ces affections, souvent ignorées et parfois très invalidantes, seule une approche pharmacologique est actuellement envisageable. La stimulation des composantes du réseau de l'éveil est possible par de nombreuses molécules qui ont souvent des effets secondaires indésirables comme l'amphétamine. Tout récemment, une molécule éveillante, le modafinil ou Modiodal@, a été commercialisée pour traiter les hypersomnies. N'ayant pas d'effets secondaires délétères, ce médicament a transformé la vie de ces malades qui, non traités, pouvaient dormir jusqu'à 20 heures par jour. Pour réduire l'activité du système anti-éveil, les molécules spécifiques sont encore à définir.

LES RONFLEMENTS

lls concernent 13 à 17 % de la population. Ils sont deux fois plus fréquents chez l'homme. A 60 ans et plus, 60%, des hommes et 40%, des femmes ronflent. Chez l'homme et la femme, la respiration subit certaines modifications sous l'effet du sommeil. Il y a un changement d'excitabilité du centre respiratoire (phénomène central) et une diminution du tonus musculaire intéressant les voies aériennes supérieures (phénomène périphérique). La modification respiratoire la plus banale et la plus sonore est le ronflement. C'est un bruit produit à l'inspiration, soit par la vibration du voile du palais, soit par celle de la base de la langue - I'expiration étant quant à elle silencieuse ou peu bruyante. L'hypotonie musculaire plus accentuée en vieillissant explique l'augmentation de ce trouble avec l'âge. Deux cas sont repérés :
  • soit il s'agit de ronflements simples, sans autre retentissement que des problèmes de couple (!) et une légère somnolence diurne. Ils commencent alors en stade I et se poursuivent jusqu'à la fin du cycle, avec plus d'irrégularité en stade V.
  • soit il s'agit de ronflements avec retentissements cliniques (fatigue, céphalées au réveil, somnolence diurne, hypertension artérielle...). Ces ronflements peuvent s'accompagner d'anomalies respiratoires modérées ou accompagner un syndrome d'apnée du sommeil.

Le traitement consiste en différentes actions: perdre du poids, diminuer alcool et tabac, se méfier des benzodiazépines qui abaissent le tonus musculaire, éviter de dormir sur le dos et maintenir la perméabilité des fosses nasales. On peut également rechercher une cause éventuelle: déviation de la cloison nasale ou hypertrophie des amygdales.
Dans certains cas de malformation ou d'anomalie de la sphère O.R.L. dûment reconnues et de sévérité du ronflement associé, on peut intervenir chirurgicalement par l'UPPP (Uvulo-palato-pharyngo-plastie) qui consiste en une résection de la luette et du bord postérieur du voile du palais. Ce procédé améliore les nuits de 50 % des patients.
Un niveau traitement, I'UPPP au laser C02, est moins sanglant mais pas plus efficace. Le traitement de choix est la pression positive: un appareil auquel le patient est relié par un masque nasal délivre une pression constante dont la valeur doit être réglée en laboratoire. Ce système agit probablement en maintenant ouvertes les voies aériennes supérieures.

Françoise DELORMAS, d'après J.M. Gaillard

Ces hypersomnies sont à distinguer de la somnolence diurne excessive souvent la conséquence de la réduction importante du temps de sommeil due aux contraintes sociales ou de la perturbation du déroulement des cycles du sommeil nocturne par les parasomnies. Ces dernières sont des troubles associés au sommeil comme le syndrome des apnées du sommeil ou celui des jambes sans repos le bruxisme ou le somnambulisme. Leurs mécanismes physiologiques ne sont pas encore entièrement élucides. Leur traitement symptomatique permet cependant d'améliorer la qualité du sommeil de ces patients.

REFERENCE BIBLIOGRAPHIQUE

Gaillard J.M. Le sommeil, ses mécanismes et ses troubles. Paris et Lausanne: Doin-Payot, 1990.

LE SYNDROME D'APNEES DU SOMMEIL

Frappant essentiellement les hommes entre 45 et 65 ans et particulièrement fréquent chez le ronfleur, le syndrome d'apnées du sommeil (SAS) se caractérise par la survenue, apres l'endormissement, d'arrêts respiratoires d'une durée moyenne de 40 secondes, la reprise du rythme respiratoire coincidant toujours avec un réveil. La répétition des apnées (souvent plus de cinq par heure) entraîne une réduction et une désorganisation du sommeil de nuit, une somnolence diurne, une hypoventilation alvéolaire, une hypertension artérielle systémique et pulmonaire, d'abord transitoires et contemporain des apnées, puis permanentes. Face aux échecs des traitements médicamenteux et aux résultats inconstants de la chirurgie des voies aériennes supérieures, la mise en route d'une ventilation en pression positive continue, appliquée par voie nasale, assure la suppression des apnées, réorganise le sommeil, fait disparaître la somnolence diurne et évite I'évolution vers une insuffisance cardiaque droite.

Françoise DELORMAS

voir aussi : Syndrome d'apnée du sommeil de l'adulte par S.H. ONEN

Médicaments: de nouvelles molécules pour traiter le sommeil