SOMMEILS ET INSOMNIES
Jean-Louis Valatx
Pour la Science Janvier 1998
TABLE DES MATIERES

Sommaire

Qu'est-ce que le sommeil?
Les circuits de l'éveil
Schémas des circuits de l'éveil
Schéma 1
Schéma 2
Schéma 3
Schéma 4
Schéma 5
Schéma 6
Les hormones et les peptides de l'éveil
L'endormissement
Le sommeil lent
Le sommeil paradoxal
Schéma du sommeil paradoxal
Les troubles du sommeil
Schéma de l'insomnie
Les hypersomnies
Appendices
Sommeil calme et sommeil paradoxal
1. Phase d'éveil
2. Phase de sommeil calme
3. Phase de sommeil paradoxal
4. Fin du sommeil paradoxal
A quoi rêvent les chats ?

IMPRESSION
Version imprimable
(Tout l'article dans une seule page)

Une publicité pour un somnifère : "Ne soyez plus le seul éveillé quand toute la ville dort, prenez..."

Les troubles du sommeil

Quelles sont les origines des insomnies ? Les troubles dus à des anomalies des réseaux du sommeil lent et du sommeil paradoxal semblent assez rares. Ils surviennent au cours des

maladies dégénératives ou traumatiques du système nerveux central. Les difficultés d'endormissement, qui ne sont pas dues à une maladie somatique ou psychiatrique, ne résultent généralement pas d'un trouble du sommeil, mais d'un trouble de l'éveil.

Deux hypothèses sont envisageables: la persistance de l'activité du réseau de l'éveil et l'hypoactivité du système anti-éveil. Divers facteurs du milieu exterieur - tels la lumière, le bruit, ou la température -, du milieu interieur - telles la faim, la soif, la douleur - et les stimulations affectives (les émotions ou l'anxiété) ou cognitives sont de puissants facteurs éveillants. Pour la sécurité, l'éveil est prioritaire: on doit se sentir en sécurité pour s'endormir.

Quand les facteurs précédents ne sont pas en cause, l'insomnie peut résulter d'une perturbation du réseau antiéveil, notamment d'une diminution de l'activité des neurones à sérotonine. Cela expliquerait l'effet somnifère de certains antidépresseurs qui augmentent la concentration de sérotonine dans la fente synaptique par inhibition de la recapture. L'hypoactivité résulterait de la dégénérescence neuronale due au vieillissement ou à un traumatisme.

Il existe d'autres types d'insomnies : l' hypnagnosie de Jouvet, c'est-à-dire la perception érronée du sommeil. Elle s'observe chez les personnes agées ou ayant subi une intervention chirurgicale avec une anesthésie prolongée. Ces personnes ne se souviennent pas d'avoir dormi, bien que les enregistrements montrent le contraire. Cette plainte résulte d'un trouble de la mémoire. La réeducation mnésique peut les aider à se souvenir de leur sommeil.

Certaines personnes ne s'endorment que très tard, et ce retard de phase de l'horloge biologique est souvent interprété comme une insomnie. Il réduit, effectivement, le temps de sommeil (quand la personne doit se lever pour aller travailler), ce qui entraîne une somnolence diurne excessive, avec son cortège d'effets indésirables: une inattention, une baisse de l'efficacité physique et intellectuelle, voire des accidents.

Quelles conséquences cliniques tire-t-on de ces constatations ? L'approche thérapeutique proposée est souvent comportementale: plus de la moitié des insomnies sont améliorées, sinon guéries, quand le médecin explique simplement aux patients comment se déroule une nuit de sommeil et quand il prodigue quelques conseils d'hygiène de vie (avoir une alimentation équilibrée, pratiquer un exercice physique modéré et régulier, mais pas le soir, ne pas boire de boissons excitantes en fin d'après-midi, se lever tous les jours à heure fixe, etc.).

En cas d'échec, le médecin aidera le patient à rechercher les causes de la stimulation excessive du système de l'éveil, et prescrira éventuellement des médicaments stimulant le système antiéveil: pour réhabituer les insomniaques à dormir, la prescription de somnifères pendant quelques jours est parfois nécessaire. La majorité des somnifères agit en se fixant sur des récepteurs GABA, c'est-à-dire en activant un circuit inhibiteur: le réseau de l'éveil est inhibé, mais ces somnifères ont l'inconveénient de perturber d'autres circuits, comme celui de la mémoire et de l'humeur. De surcroit, de nombreux somnifères entraînent une dépendance dont les personnes traitées doivent être averties. L'arrêt du médicament doit être progressif pour éviter le syndrome de sevrage (anxiété, cauchemars, insomnie). Une meilleure connaissance de la constitution du récepteur GABA permettra aux pharmacologues de mettre au point des molécules qui agiront plus spécifiquement sur le système anti-éveil.

Schéma de l'insomnie

Page suivante>>

Références

J.L. VALATX
Régulation du cycle veille-sommeil, in Le sommeil humain, sous la direction de O. Benoit et J. Forêt, Masson éditeur, pp. 25-37,1995.

J.-S. LIN et M. JOUVET
Potential Brain Neuronal Targets for Amphetamine-, Methylphenidate-, and Modafinil-Induced Wakefulness, Evidenced by c-fos Immunochemistry in the Cat, in Proc. Nat. Acad. Sci. USA, vol. 93, pp. 14128-14133,1996.