" Le Rêve "
du Douanier Rousseau (1910).
huile sur toile, musée d'Art moderne de New York
Une femme nue allongée sur un canapé, au clair
de lune, dans la jungle et parmi les animaux sauvages au milieu
desquels un noir joue de la trompe: un montage d'éléments
aussi insolites ne peut exister que dans les rêves. Mais,
indépendamment de son thème, le caractère onirique
de la toile de Rousseau ne s'arrête pas là. Si les
espèces exotiques qui entourent la rêveuse procèdent
des serres du Jardin des Plantes, où l'artiste passait ses
dimanches, leurs arborescences sont d'abord imaginaires comme le
sont les fleurs démesurées qui parsèment le
tableau. Les oiseaux richement emplumés et les fauves, bien
qu'inspirés au Douanier par les illustrations des magazines
de vulgarisation scientifique, eux aussi, sont très éloignés
de le réalité. Le rêve est une mise en scène
dont les acteurs sont les archétypes. Archétypales,
dans le tableau, sont les feuilles, comme l'est la Plante Primordiale
de Goethe, origine, selon lui, de tout l'univers végétal.
Archétypales ses fleurs, sexes épanouis. Archétypal
est le nu, allusion à Léonie, la cruelle bien-aimée
pour laquelle Rousseau avait une passion malheureuse. Celui-ci,
qui était spirite, pensait que Clémence, son épouse
défunte, guidait sa main depuis l'au-delà, lorsqu'il
peignait. Son rêve est une mise en scène, mais aussi
un délire qui le mettait en relation avec les puissances
du destin.
Jean-Louis Ferrier
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