Images archétypales
Jean-Louis Ferrier , Science et Avenir Hors-Série Le Rêve Dec. 96

Science et Avenir
Hors-Série Le Rêve
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Images archétypales

" Le Rêve "
du Douanier Rousseau (1910).
huile sur toile, musée d'Art moderne de New York

Une femme nue allongée sur un canapé, au clair de lune, dans la jungle et parmi les animaux sauvages au milieu desquels un noir joue de la trompe: un montage d'éléments aussi insolites ne peut exister que dans les rêves. Mais, indépendamment de son thème, le caractère onirique de la toile de Rousseau ne s'arrête pas là. Si les espèces exotiques qui entourent la rêveuse procèdent des serres du Jardin des Plantes, où l'artiste passait ses dimanches, leurs arborescences sont d'abord imaginaires comme le sont les fleurs démesurées qui parsèment le tableau. Les oiseaux richement emplumés et les fauves, bien qu'inspirés au Douanier par les illustrations des magazines de vulgarisation scientifique, eux aussi, sont très éloignés de le réalité. Le rêve est une mise en scène dont les acteurs sont les archétypes. Archétypales, dans le tableau, sont les feuilles, comme l'est la Plante Primordiale de Goethe, origine, selon lui, de tout l'univers végétal. Archétypales ses fleurs, sexes épanouis. Archétypal est le nu, allusion à Léonie, la cruelle bien-aimée pour laquelle Rousseau avait une passion malheureuse. Celui-ci, qui était spirite, pensait que Clémence, son épouse défunte, guidait sa main depuis l'au-delà, lorsqu'il peignait. Son rêve est une mise en scène, mais aussi un délire qui le mettait en relation avec les puissances du destin.

Jean-Louis Ferrier