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Rêves typiques |
Certains
rêves, comme la chute dans le vide ou le vol dans les airs, semblent
relever d'un " patrimoine onirique collectif ". Comment rendre
compte de l'apparente universalité de ces scénarios ?
Par Antonio Fischetti.
Photographies de Marc Le Mené.
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Il y a de ces rêves que nous avons tous éprouvés
au moins une fois dans notre existence : chute dans le vide, vol dans
les airs, perte de dents, poursuite ... Sigmund Freud a appelé
" rêves typiques " ces scénarios relativement communs.
Il attribue une signification sexuelle à chacun d'eux : castration
pour la chute, coït pour le vol, masturbation pour la perte de dents...
Ces interprétations systématiques, qui semblent issues d'un
almanach "rose", sont pour le moins étranges sous la
plume de celui qui montre, par ailleurs, que le rêve s'interprète
en fonction de l'histoire de chaque individu! Faut-il penser, comme l'écrivain
Jean-Louis Baudry, qu'à travers l'analyse des rêves typiques
(ou rêves-types), Freud ait voulu "rendre hommage à
l'ancienne clef des songes en lui reconnaissant un peu de vérité"
? Mais pourquoi ces rêves sont-ils si fréquents? Ayant "les
mêmes sources chez tous les hommes ", ils seraient, toujours
selon Freud, les "résidus archaïques" d'une expérience
ancestrale. Son élève Carl Gustav Jung va encore plus loin
: il existe en chaque être un "inconscient collectif ",
s'exprimant par des archétypes, schèmes mentaux analogues
aux instincts. Pour le psychanalyste Roland Cahen, principal traducteur
de Jung, le rêve-type serait "un mécanisme prémonté,
cousin germain de l'archétype jungien". Certains psychanalystes
relient ces conceptions à celles du neurobiologiste Michel Jouvet,
pour qui le rêve correspond à une reprogrammation génétique
de l'individu. Les pulsions instinctives, relatives à la survie,
au désir de puissance ou à l'angoisse de castration, s'exprimeraient
dans les rêves par des scénarios de poursuite, de vol, de
perte d'un objet...
L´état physiologique pendant le sommeil ne serait pas étranger
au contenu du rêve. Par exemple le scénario de poursuite
serait dû au relâchement musculaire qui accompagne le sommeil,
la sensation de paralysie déclenchant un désir instinctif
de fuite hérité de nos ancêtres des savanes. J'ai
présenté ici quelques interprétations de rêves-types.
Elles ne sont pas à prendre au pied de la lettre. Elles montrent
même, en dévoilant la polysémie des rêves, la
vanité de toute interprétation systématique. C'est
évidemment le contexte individuel et culturel qui donne sens au
rêve. Toutefois, sans appliquer de manière rigide la systématique
freudienne ("lui-même n'y croyait plus guère vers la
fin de sa vie ", rapporte le psychanalyste Gérard Bonnet),
ne succombons pas à son abusif reniement. Le sexe et la mort aimantent
les angoisses humaines. Ils pourraient constituer l'armature d'un patrimoine
onirique collectif, toile de fond aux multiples facettes dont les rêves-types
seraient une des expressions.
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