Rêver de pendre ses dents a toujours été
considéré comme un présage de mort. Il est
vrai que pour nos ancêtres, la perte des dents accompagnait
effectivement la vieillesse; rien d'étonnant à ce
que cette expérience archaïque intègre l'imaginaire
collectif. Mais les dents peuvent aussi exprimer un retour à
l´enfance, période où elles tombent également.
En psychanalyse, l'évocation de cet événement,
un des premiers traumatismes de l'existence, fait parfois resurgir
de nombreux souvenirs. Lorsqu'elles paraissent branlantes, les
dents peuvent renvoyer à "l'onanisme de la puberté",
selon Freud. Le symbolisme, dont il faut bien reconnaître
qu'il ne saute pas aux yeux, illustre un des aspects du travail
du rêve: la mise en image du langage. En effet le terme
" branler " s'applique à une dent prête
à chuter, mais aussi.. à la masturbation! Si cette
pratique "honteuse" surgit en rêve, la censure
agit : il y a déplacement de l'expression verbale en direction
d'un élément étranger à l' "objet
du délit " :une dent par exemple.. L'analogie est
encore plus flagrante dans la langue de Freud, où se masturber
se dit aussi "s'en arracher une ". Ceci montre
en passant la vanité d'un symbolisme rigide qui prétendrait
associer l'appareil dentaire aux organes reproducteurs. Selon
sa dénomination, l'onanisme pourrait être représenté
par divers objets à travers le monde: un fil électrique
en Angleterre ("se tirer le câble"), une paille
au Venezuela ("se faire une paille") ou une scie en
Italie ("se faire une scie")... A propos de scie, la
perte de dent évoque souvent l'angoisse de castration.
Une association expliquée de manière convaincante
par le psychanalyste Gérard Bonnet: "C'est à
l'âge où les garçons prennent conscience de
la différence des sexes et peuvent ressentir l'angoisse
de castration, qu'ils perdent effectivement un élément
de leur corps. Ils se disent inconsciemment: si une dent peut
tomber, pourquoi pas autre chose?"
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