"Le Rêve"
d'Edouard Detaille (1888).
huile Sur toile, musée d'Orsay, Paris
Des soldats bleutés dorment à même le sol.
A l'horizon se lève un soleil couleur pastel. Dans un tableau
immense, le peintre pompier détaille une scène réaliste
- jusqu'au chien couché à la tête de son maître
- et représente une aurore symbole d'espoir. L'espoir serait
la victoire: dans le ciel, mêlée aux nuages, une envolée
de figures, de silhouettes nostalgiques et de drapeaux triomphants
racontent le rêve de ces soldats, qui n'est autre que celui
d'une nation encore blessée par la "débâcle"
de 1870: une bataille victorieuse, rose et bleue comme l'aurore.
Mais alors que traditionnellement, dans la peinture ancienne,
des batailles héroïques se livrent dans la partie inférieure
du tableau (la supérieure étant réservée
à une divinité bienveillante qui préside au
sort des hommes), les hommes sont ici dans le bas du tableau, lourds
dans leur sommeil passif, tandis que dans le ciel, leur désir
se déploie, comme les nuages évanescents. La composition
tirée au cordeau de ce tableau à la perspective nettement
marquée indique, en dépit de l'exaltation martiale
du peintre, que le rêve qui habite le ciel, siège de
la transcendance, représente la bataille qui sur terre n'a
pas lieu. Le rêve n'est pas tant prémonition de la
victoire que compensation de la défaite.
Isabel Violante
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