La privation sélective de rêve pendant plusieurs
jours, en réveillant le sujet dès que le sommeil
paradoxal commence, entraîne des modifications du comportement
(agressivité, troubles de la mémoire, hallucinations,
suggestibilité accrue). A l'issue de cette privation, on
observe une augmentation du sommeil, appelée rebond. Cette
récupération est proportionnelle à la durée
de la privation, mais elle ne représente, en moyenne, que
60 % de la dette. Le rebond est généralement attribué
à l'accumulation de substances hypnogènes au cours
de la privation. Cependant, après certaines lésions
cérébrales ou après une manipulation pharmacologique,
il est possible de supprimer le rebond sans modifier le sommeil
spontané. De cette observation (dissociation rebond-éveil
prolongé), on a déduit que le rebond est produit
par un mécanisme indépendant de celui du sommeil.
Cette boucle de régulation renforce l'effet anti-éveil.
Une partie de ce rebond est due au stress inhérent aux
méthodes de privation. Par ailleurs, la durée du
sommeil paradoxal de l'animal est augmentée à la
suite d'expositions à des situations nouvelles, inhabituelles,
mettant en jeu la survie, comme apprendre à sortir d'un
labyrinthe ou à appuyer sur une pédale pour obtenir
de la nourriture. En rejouant son répertoire génétique
pendant le sommeil paradoxal, l'animal y confronte sa nouvelle
expérience et recherche des éléments de réponse.
Lorsque l'apprentissage est maîtrisé et intégré
dans son répertoire, le sommeil revient aux valeurs de
contrôle. La privation de sommeil perturbe l'acquisition
de la maîtrise de ces situations de survie. Chez l'homme,
la suppression prolongée (plusieurs semaines) du sommeil
paradoxal par certains psychotropes (MAO) ne semble pas perturber
la mémorisation.
Cependant, les batteries de tests utilisées en clinique
pour dépister les troubles mnésiques ne mettent
pas le sujet dans des conditions de survie analogues à
celles de l'animal. Un homme privé de rêve, sur une
île déserte, serait-il capable de survivre en inventant
les outils indispensables à sa survie ?
J.-L.V.
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