Le rêve
Michel Jouvet
La Recherche
TABLE DES MATIERES
Sommaire
Un troisième état de vigilance
Les frontières objectives du rêve
A la recherche d'un "centre" du rêve
La régulation biochimique du cycle veille-sommeil
Trois clés pour le rêve dans la théorie monoaminergique
Un orage cérébral
L'histoire naturelle du rêve
Les fonctions du rêve
Le rêve, programmation génétique des instincts ?
Rêve et plasticité
La privation de rêve
Pour en savoir plus
FIGURES

IMPRESSION
Version imprimable
(Tout l'article dans une seule page)

Le rêve - Les fonctions du rêve

Nous allons nous efforcer de ras sembler des faits exposés ci-dessus pour essayer d'en dégager un dénominateur commun possible qui puisse servir de guide dans la recherche des fonctions du rêve. Un tel essai est difficile, sinon téméraire, car les nombreuses théories qui ont vu le jour depuis l'entrée du rêve dans le domaine de la neurobiologie n'ont pas encore reçu de confirmation expérimentale. Ces théories (2) font jouer au rêve soit un rôle spécifique dans les mécanismes de la vision binoculaire, de la mémoire ou de l'apprentissage, soit un rôle non spécifique d' "homéo stasie corticate" ou de stimulation endogène au cours de l'ontogénèse: l'activation des neurones au cours du sommeil paradoxal entretiendrait alors la valeur fonctionnelle des systèmes qui ne sont pas soumis à la stimulation des récepteurs au cours de la période pré- et post-natale (le système visuel par exemple).

Cette dernière théorie, élaborée par Roffwarg, Muzio et Dement (1966), a le mérite d'insister sur la prédominance du sommeil paradoxal au cours de l'ontogénèse. Elle se heurte cependant à certains résultats expérimentaux. Il est vrai qu'à la naissance le système visuel apparaît fonctionnel (en ce sens qu'une réponse corticale peut être obtenue en court-circuitant l'étape ré tinienne par la stimulation du nerf optique). Il semble cependant prouvé que les stimulations endogènes qui envahissent le système visuel (noyau genouille latéral et cortex occipItal.) au cours du sommeil paradoxal à partir du 15e jour post-natal (et qui sont représentées en partie par l'activité PGO d'origine pontique) ne sont pas sutfisantes pour entretenir un fonctionnement normal de la vision au cours de la période post-natale. Le système visuel nécessite en effet des stimulations lumineuses pour fonctionner: ainsi l'absence de vision à la naissance, obtenue en fermant les paupières des chatons, entraîne secondairement une diminution des épines dendritiques de certaines couches de l'écorce et une altération définitive et irréversible des réponses électriques du cortex occipItal. (3) La réouverture des yeux après un certain âge critique n'empêche pas alors des troubles définitifs de la vision. Il ne semble donc pas que le sommeil paradoxal joue un rôle de stimulation suffisante dans l'entretien fonctionnel de certains systèmes.

(2) E. Hennevin, P. Leconte, annee psychol., 2, 489, 1971.

(3) T. Wisel et D. Hubel, J. Neurophysiol., 28, 1029, 1965.

Page suivante