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Le sommeil
Diminution réversible naturelle et périodique de la perceptivité
du milieu extérieur avec conservation d'une réactivité
et conservation des fonctions végétatives. Cette vieille
définition reste valable car elle permet de distinguer le sommeil
du coma: un bruit violent réveille un dormeur mais pas un comateux.
Depuis vingt ans, grâce à la polygraphie, la neurochimie
et la polarographie, des progrès considérables ont été
accomplis dans la connaissance du sommeil. Nous savons ainsi que le sommeil
n'est pas un processus homogène, mais qu'il s'agit de la juxtaposition
périodique de deux états: le sommeil proprement dit et le
sommeil paradoxal (qui correspond au rêve et que nous étudierons
plus loin).
Chez l'homme, les différents stades du sommeil, selon la "profondeur",
c'est-à-dire l'intensité d'un stimulus capable de réveiller
un dormeur, s'enchaînent dans le temps, depuis le stade I ou sommeil
léger de l'endormissement, jusqu'aux stades II, III et IV caractérisés
par le ralentissement de la fréquence de l'activité électrique
cérébrale d'où le terme de "sommeil lent". Le sommeil
s'accompagne de concommitants végétatifs; par exemple, la
tension artérielle et le rythme cardiaque diminuent ainsi que la
température centrale; la respiration également qui peut
s'accompagner de ronflements. Les modifications respiratoires du sommeil
sont parfois dramatiques chez le nourrisson puisque les commandes végétatives
des centres respiratoires peuvent alors se dérégler (mort
subite du nourrisson). On sait également que les stades III et
IV du sommeil commandent la sécrétion d'hormones de croissance.
Ce phénomène est important chez l'enfant puisqu'on a pu
mettre sur le compte d'un mauvais sommeil dû à des conditions
socio-économiques mauvaises (bruit, promiscuité) certains
retards de croissance qui cèdent si l'enfant peut dormir correctement.
Le sommeil n'est pas la conséquence d'un repos passif du système
d'éveil mais il est provoqué par l'intervention d'un mécanisme
actif. L'activité des neurones corticaux ne s'arrête pas
au cours du sommeil mais subit des modifications particulières
(synchronisation) que l'on a pu interpréter comme la mise en marche
de circuits empêchant l'intégration des signaux du monde
extérieur. Les mécanismes de l'endormissement et du sommeil
ne sont sans doute pas univoques. On s'endort au cours d'une conférence
ennuyeuse, après un bon repas ou si l'on reste trop longtemps éveillé.
Deux théories complémentaires expliquent actuellement de
nombreux faits, mais pas tous. Selon la première, qui remonte à
Piéron, il y aurait accumulation dans le liquide céphalo-rachidien,
au cours de l'éveil, de substances hypnogènes (appelées
au début hypnotoxines). On pense actuellement qu'il pourrait s'agir
de peptides d'origine hypothalamique qui pourraient inhiber les neurones
du système d'éveil (l'injection du liquide céphalo-rachidien
d'un animal donneur, privé de sommeil, dans le système ventriculaire
d'un animal receveur peut augmenter la profondeur et la durée de
son sommeil). Un neuromédiateur libéré au cours de
l'éveil, la sérotonine, synthétisée par des
cellules situées sur la ligne médiane du tronc cérébral
(le système du Raphé) serait responsable du sommeil. La
destruction des cellules qui synthétisent la sérotonine
au niveau du système du Raphé entraîne, en effet,
une insomnie de très longue durée (plusieurs jours). D'autre
part, le blocage de la synthèse de la sérotonine entraîne
aussi une insomnie - qui peut être réversible en sommeil
physiologique si l'on injecte le précurseur immédiat de
la sérotonine. Il est possible que la sérotonine agisse
comme une véritable hormone cérébrale. En pénétrant
dans certains neurones, elle déclencherait la synthèse de
peptide hypnogène. L'action endormante du précurseur de
la sérotonine peut, en effet, être supprimée par blocage
de la synthèse des protéines. L'incertitude concernant les
mécanismes du sommeil empêche la réalisation de véritables
drogues hypnogènes physiologiques. Alors que l'homme a su trouver
dans la nature des produits augmentant l'éveil, il n'a pas encore
trouvé de molécules hypnogènes naturelles. Les opiacés
et leurs dérivés ne sont pas de véritables hypnotiques.
Les barbituriques entraînent le sommeil en déprimant l'activité
du système d'éveil, mais leur excès entraîne
une narcose ou un coma. Les benzodiazépines sont moins dangereuses,
mais ont l'inconvénient de diminuer le rêve.
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