Eveil, sommeil, rêve
Michel Jouvet
Le courrier du CNRS
TABLE DES MATIERES

Sommaire

L'éveil et ses degrés

Le sommeil

Le sommeil paradoxal

Mécanismes du sommeil paradoxal

Horloge biologique et cycle éveil-sommeil-rêve

Les fonctions des états de vigilance

FIGURES

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Les fonctions des états de vigilance

Si les fonctions de l'éveil sont la condition nécessaire de la survie de l'individu et de l'espèce, les fonctions du sommeil et surtout du rêve demeurent l'une des énigmes les plus irritantes de la neurobiologie. Il est possible que le sommeil soit l'aboutissement actuel des mécanismes de conservation de l'énergie, mais les retentissements hormonaux du sommeil lent font supposer que des processus de synthèse protéique peuvent également survenir et jouer sans doute un rôle à la fois au niveau du système nerveux central (phénomènes de mémoire à long terme) et de l'organisation (nanisme par déficit de sommeil). Cependant, l'existence de sujets en très bonne santé n'ayant dormi que 3 à 4 h par nuit pendant des décennies permet de supposer que deux cycles de sommeil (180 minutes) pourraient être suffisants et qu'il existe un quota nécessaire et un quota de luxe dans notre sommeil.

L'autre fonction du sommeil est de préparer et d'ouvrir les portes du rêve: mais les fonctions supposées de l'activité onirique sont aussi nombreuses que les chercheurs qui l'étudient. Il est difficile de supprimer sélectivement le rêve sans provoquer des effets non spécifiques dus au "stress" de la méthode instrumentale ou dus à la multiplicité d'action des diverses drogues qui suppriment le sommeil paradoxal. D'autre part, on sait maintenant que la plupart des méthodes instrumentales ou pharmacologiques supprimant le sommeil paradoxal provoquent une augmentation du ou des "facteurs onirogènes". Les troubles observés ne sont donc pas dus à la suppression du rêve mais au contraire à l'augmentation de ces facteurs. Certains résultats sont en faveur du rôle du sommeil paradoxal sur la mémoire chez le rat, mais cela n'a pas été vérifié chez l'homme. Selon une autre hypothèse, le rêve correspondrait à une programmation périodique génétique du cerveau qui serait responsable de l'entretien de l'hérédité psychologique qui constitue la partie héritable de la typologie d'un individu. Au cours de l'éveil, une grande partie des circuits nerveux de notre cerveau est influencée par l'environnement et l'apprentissage du fait de la plasticité cérébrale. Afin de conserver le programme établi au cours de la maturation cérébrale, et qui rend chaque individu différent des autres, malgré un environnement identique, on a supposé que le générateur qui entre en jeu au cours du rêve viendrait modifier périodique ment certains circuits selon une programmation où les facteurs génétiques joueraient un rôle important. En ce sens, le rêve serait le retour à la nature (un éveil génétique) qui s'opposerait, chez l'homme, à l'éveil lié à l'environnement épigénétique culturel.

Ainsi, le cycle éveil-sommeil-rêve nous fait peut-être, chaque jour, reparcourir sans que nous le devinions l'aventure de l'évolution de notre cerveau.

Les hypnogrammes se pratiquent habituellement pendant une durée de 24 h. Ils permettent de repérer les troubles majeurs du cycle éveil-sommeil-rêve chez certains sujets.

Ordonnées: en haut: état de l'électromyogramme (EMG) et stades du sommeil (1-2-3-4 et SP) E = éveil.

Abscisses: temps réel en heures. L = arrêt de la lumière.

figure 1

Insomnie totale due à une maladie de Morvan. Cette insomnie (appelée égulement agrypnie) a persisté pendant 2 mois.

figure 2

Insomnie grave. Un seul cycle incomplet de sommeil entre minuit et 2 h et quelques minutes de sommeil léger vers la fin de la nuit. Il n'y a pas de sommeil paradoxal (Maladie dégénérative du tronc cérébral).

figure 3

Sommeil normal. Le sommeil à l'heure de la sieste (13 h-14 h) n'est pas pathologique dans les conditions d'enregistrement.

figure 4

Hypersomnie considérable en SP. Le sommeil occupe la durée entière de l'enregistrement de 12 h à 10 h. Remarquer l'apparition périodique du sommeil paradoxal dont la quantité totale dépasse 300 mn (au lieu de 100 mn). Il s'agit d'un "rebond" de SP après arrêt d'un traitement de longue durée par les inhibiteurs des monoamines oxydases (qui suppriment le SP).

figure 5

Narcolepsie (Maladie de Gélineau). Les épisodes de SP surviennent directement au cours de l'éveil. Ils sont invincibles et peuvent être responsables d'accidents du travail ou de la circulation. La nuit de sommeil n'est pas normale (absence de stades III et IV). Des recherches récentes chez l'animal ont permis de mettre au point des drogues de plus en plus efficaces permettant de contrôler les accès cataplectiques de la maladie de Gélineau.

Iguana Iguana

L'iguane (Iguana Iguana) est bien sûr éveillé, peut dormir, mais il n'a pas encore été possible de déceler chez ce reptile des périodes de sommeil paradoxal, malgré des enregistrements prolongés pendant plusieurs mois.

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