Eveil, sommeil, rêve
Michel Jouvet
Le courrier du CNRS
TABLE DES MATIERES

Sommaire

L'éveil et ses degrés

Le sommeil

Le sommeil paradoxal

Mécanismes du sommeil paradoxal

Horloge biologique et cycle éveil-sommeil-rêve

Les fonctions des états de vigilance

FIGURES

IMPRESSION
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L'éveil et ses degrés

L'aventure de l'homme pourrait être celle de la conquête de l'éveil. La tendance naturelle de l'homme est, en effet, de s'endormir spontanément si aucune tâche physique ou intellectuelle ne lui est proposée. C'est pour conquérir un éveil plus durable et plus efficient que l'homme a découvert le thé, le café qui augmentent l'efficacité du système d'éveil. Ce système d'éveil est situé au niveau du tronc cérébral (dans la formation réticulaire du mésencéphale): les cellules réticulaires reçoivent, par l'intermédiaire de collatérales des voies sensorielles, des informations du milieu extérieur. Ces informations peuvent venir converger sur un seul neurone. Elles perdent alors leur signe spécifique d'origine pour acquérir la propriété non spécifique de mettre en jeu le réseau de neurones qui va venir exciter le cortex cérébral et déclencher la réaction d'éveil qui se caractérise par une accélération du rythme de l'activité électrique du cortex cérébral. D'autres cellules réticulaires augmentent le tonus musculaire. Ainsi, les mécanismes de base de l'éveil sont effectués par ce système nécessaire, mais non suffisant, pour l'attention, l'apprentissage ou l'exécution d'un geste. En effet, si on enlève le cortex cérébral d'un animal, il conserve la possibilité d'être éveillé, mais ne peut apprendre. On admet actuellement que la formation réticulaire mésencéphalique accélère l'activité corticale par l'intermédiaire d'un neuro transmetteur, l'acétylcholine. Celle ci est contrôlée au niveau réticulaire et cortical par un autre médiateur, la noradrénaline. La dopamine joue également un rôle dans la facilitation de l'initiation des mouvements au cours de l'éveil. L'expérience suivante illustre le rôle éveillant de ces deux neurotransmetteurs: on sait que les amphétamines provoquent un éveil intense et durable en augmentant la libération de la noradrénaline et de la dopamine. Si l'on empêche la synthèse de ces deux neurotransmetteurs (en inhibant une enzyme de leur chaîne de synthèse), l'injection secondaire d'amphétamine n'a alors plus aucune action éveillante. La caféine possède une action éveillante différente des amphétamines car elle peut agir directement sur le cortex cérébral. Aussi, son action éveillante se double-t-elle d'une action psychoto nique bien connue.

Récemment, un système de neurones histaminergiques a été découvert dans l'hypothalamus ventrolatéral. Il semble également jouer un rôle important dans l'éveil (ce qui explique que des drogues anti-antihistamines aient un pouvoir "anti-éveil" bien connu).

Acétylcholine, catécholamines, sérotonines (voir plus loin), histamine ne sont pas les seuls "médiateurs" de l'éveil. Il faut leur ajouter certains peptides comme le TRH ou le MIF dont les mécanismes intimes d'action sont encore inconnus. En fait, l'éveil est tellement important pour la survie de l'espèce qu'il est fort probable que de nombreux systèmes, plus ou moins redondants, ont été acquis successivement. Ils entrent en jeu pour assurer les mécanismes complémentaires survenant au cours de l'éveil: faim, soif, activité sexuelle, apprentissage, mémoire, etc.

S'il est possible d'augmenter la qualité de l'éveil par des drogues, il est plus difficile d'en augmenter la durée sans se heurter à des phénomènes d'accoutumance (nécessité de doses plus grandes), d'assuétude (dépendance du sujet vis-à-vis de la drogue) ou de toxicité (de fortes doses d'amphétamines provoquent un tableau de psychose aiguë). Enfin, tout éveil prolongé est suivi d'une augmentation secondaire du sommeil, car c'est pendant l'éveil que nous produisons les facteurs responsables du sommeil.

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