L'histoire naturelle du rêve
Conférence de Michel Jouvet
TABLE DES MATIERES

Théorie métaphysique du rêve

Les théories psychologiques
Structure temporelle du rêve
Support neurobiologique
Le rêve dans le cycle veille-sommeil
Phylogénèse du rêve
Ontogénèse du rêve
Mécanismes du rêve
Le comportement onirique
Les systèmes permissifs
Fonctions du rêve

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Les systèmes permissifs

Cette qualification de permissif est apparue récemment dans la littérature anglo-saxonne. Elle est devenue, hélas, d'usage courant. Elle signifie que ces systèmes, lorsqu'ils sont inactivés permettent au rêve d'apparaître. Les termes de systèmes inhibiteurs, système de blocage, système d'arrêt, seraient aussi valides.

Ces systèmes sont constitués par les neurones monoaminergiques du tronc cérébral (qui contiennent la sérotonine et la noradrénaline) et sans doute les neurones à histamine découverts récemment dans l'hypothalamus postérieur. Les neurones sérotoninergiques sont situés dans le système du raphé (fig. 27) et la plupart des neurones noradrénergiques dépendent du locus coeruleus. Ces systèmes sont actifs pendant l'éveil.

Il est probable que la libération de sérotonine au niveau de l'hypothalamus antérieur (région préoptique) au cours de l'éveil (fig. 28, fig. 29) mette en jeu la libération d'un facteur (peptide ?) qui sera à son tour responsable de l'endormissement et de la diminution de la température centrale. Ainsi, c'est l'éveil qui conduira au sommeil selon l'adage de Zarathroustra "No small art is it to sleep, it is necessary for that purpose to keep awake all day". 0n ne connaît pas encore la cause exacte de la diminution et de la disparition d'activité des systèmes aminergiques au début et au cours du sommeil paradoxal. Ce mécanisme est sans doute plurifactoriel. Il semble cependant qu'un groupe de cellules situé dans le bulbe (dans la région du noyau paragigantocellulaire) puisse jouer un rôle capItal. Ce groupe est responsable du contrôle de l'activité sympathique et semble être le principal système qui excite le locus coeruleus. Ainsi, la diminution d'activité des neurones sympathoexcitateurs entraîne une vasodilatation périphérique au cours du sommeil (perte de chaleur et donc abaissement de la température centrale) et il est possible qu'elle entraîne également une absence d'excitation des systèmes dit permissifs. Ainsi, s'objectivent de nouvelles régulations reliant la thermorégulation au sommeil et au rêve. Ces régulations ne sont pas faciles à analyser. Le cycle veille-sommeil commande-t-il le cycle de la température centrale ? ou ne serait-ce pas l'inverse ? L'invention de l'homéothermie par un ancêtre commun aux oiseaux et aux mammifères, ou une invention indépendante au cours de leur longue histoire évolutive aurait-elle eu pour conséquence l'invention du sommeil paradoxal ?

Une autre conquête de l'hypnologie ou de l'onirologie

La mise au point de la voltamétrie impulsionnelle avec électrodes en fibres de carbone. ll devient ainsi possible de recueillir, in vivo, pendant plusieurs semaines, chaque minute, des signaux représentant l'intensité de la libération de la sérotonine (ou de son métabolite, l'acide 5-hydroxyindolacétique) au niveau des systèmes terminaux issus du raphé. Ces renseignements révèlent que la libération de sérotonine au niveau du cortex augmente pendant l'éveil pour diminuer pendant le sommeil et le rêve chez le rat. (D'après R. Cespuglio)

Le système du raphé contient des neurones sérotoninergiques

Le système du raphé contient des neurones sérotoninergiques qui présentent une fluorescence jaune (histofluorescence). On utilise maintenant l'immunohistochimie qui donne des résultats plus précis.

La neuroanatomie du rêve peut réserver des surprises

La neuroanatomie du rêve peut réserver des surprises: cette tête de Diable, représente une coupe d'autohistoradiogiaphie. Les projections du système du raphé au niveau de l'hypothalamus sont marquées en noir par le Cl4 après une injection de Cl4 leucine dans le noyau du raphé dorsalis (un des systèmes permissifs du rêve). Le 3e ventricule représente le nez du Diable.

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BIBLIOGRAPHIE
  • M. Jouvet., Le Rêve, La Recherche, 1974, 46 : 515-527.
  • M. Jouvet., Le comportement onirique, Pour la Science, 1979, 25 : 136-152.
  • M. Jouvet., Programmation génétique itérative et sommeil paradoxal., Confrontations psychiatriques 1986, 27 : 153-181
  • W.C. Dement., Dormir, rêver, Éditions du Seuil, Paris,1981.
  • O. Benoit., Physiologie du sommeil , Masson, Paris, 1984.

GLOSSAIRE
  • Activité ponto-géniculo-occipItale : (PGO) Activité spécifique du sommeil chez l'animal responsable des mouvements oculaires rapides. Elle n'a pu être enregistrée que très indirectement chez l'homme au moyen d'électrodes placées au niveau de la région occipItal.e.
  • Cataplexie : Affection caractérisée par la perte soudaine du tonus sous l'influence d'une émotion. Elle accompagne la narcolepsie.
  • Entoptiques (images) : Sensations lumineuses nées dans la rétine.
  • Homéotherme : Se dit des animaux improprement appelés à sang chaud dont la température est constante et indépendante de celle du milieu ambiant.
  • Hypnagogiques (images) : Images qui surviennent à l'endormissement.
  • Hypnogramme : Représentation en deux dimensions du déroulement d'une nuit de sommeil en mettant en ordonnée les différents stades du sommeil et en abscisse le temps.
  • Hypnopompiques (images) : Images se produisant au réveil.
  • Hypnotoxines : Toxines qui seraient responsables du sommeil.
  • Métapsychologie : Description d'un processus psychique dans ses différentes relations dynamiques, topiques et économiques. Terme créé par Freud.
  • Narcolepsie : Exagération pathologique du besoin de dormir.
  • Poïkilothermes : Se dit des animaux improprement appelés à sang froid et dont la température subit les mêmes variations que celles du milieu ambiant.
  • Sommeil à ondes lentes : Stade du sommeil qui s'accompagne d'ondes corticales de grande amplitude et de la conservation du tonus musculaire.
  • Sommeil paradoxal : État du sommeil qui se caractérise par une activité électrique similaire à l'éveil, des mouvements oculaires rapides et la disparition totale du tonus musculaire.