Structures et mécanismes responsables du cycle veille sommeil
Michel Jouvet
Encyclopedia Universalis
TABLE DES MATIERES
Structures et mécanismes responsables de l'éveil
L'encéphalite épidémique et Von Economo
La théorie réticulaire de l'éveil (1949)
Les systèmes d'éveil.
Système noradrénergique
Système à histamine
Le réseau exécutif de l'éveil
Structures et mécanismes responsables du sommeil orthodoxe
Du sommeil passif au sommeil actif
La théorie sérotoninergique du sommeil
Le système exécutif du sommeil lent
Théorie peptidergique du sommeil
Structures et mécanismes du sommeil paradoxal
Le réseau exécutif du sommeil paradoxal
Etat actuel des connaissances sur la régulation du cycle eveil-sommeil-rêve
Répartition circadienne
Répartition ultradienne du sommeil paradoxal
Les fonctions du sommeil et du rêve
Les fonctions du sommeil paradoxal
Tableau
FIGURES

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Etat actuel des connaissances sur la régulation du cycle éveil-sommeil-rêve

Les structures temporelles du cycle éveil-sommeil-rêve

Les fonctions du sommeil et du rêve

Les régulations homéostasiques prédictives et réactives que nous avons résumées permettent de comprendre que le sommeil des mammifères (celui de l'homme en particulier) dépend de nombreux mécanismes acquis successivement au cours de l'évolution.

L'horloge circadienne endogène semble être apparue au début de la vie, il y a 3 milliards d'années chez des organismes primitifs (Euglena - algues bleues). Il existe une organisation circadienne en libre cours de l'activité et du repos chez les insectes. Il semble également qu'une certaine homéostasie réactive existe chez les scorpions ou les blattes puisque si on empêche leur repos (en les agitant continuellement) la période de repos compensatoire sera plus longue. Il est évident également que les fonctions du sommeil sont adaptées selon la niche écologique des différentes espèces animales. Quatre principales théories, non obligatoirement contradictoires essayent d'expliquer les fonctions du sommeil (en particulier du sommeil orthodoxe ou sommeil à ondes lentes).

1) Théorie éthologique ou instinctive : le sommeil est une réponse innée comportementale adaptative. Lorsqu'un animal a accompli les tâches indispensables à sa survie et à celle de l'espèce, il peut passer son temps dans un endroit caché et perdre conscience de l'environnement.

2) Théorie restauratrice : comme la faim et la soif, la fatigue mentale et physique entraînent une réponse homéostasique destinée à restaurer un équilibre dans le système nerveux central. Alors que l'éveil est ergotrope, le sommeil est trophotrope selon l'expression de Hess. Il reste cependant à démontrer à quel niveau du système nerveux central s'effectue cette restauration. Il est possible que la libération de certains acides aminés excitateurs au cours de l'éveil rend nécessaire le recyclage du glutamate par la GLIE, mais aucune expérience probante n'est venue confirmer cette théorie qui remonte à Aristote et à Shakespeare.

3) Théorie protectrice : elle représente l'autre aspect de la théorie restauratrice. Nous dormons pour protéger l'organisme des inconvénients de l'éveil prolongé (Pieron - Pavlov).

4) Conservation de l'énergie : nous avons vu, dans le chapitre précédent, que le sommeil à ondes lentes s'accompagnait d'une diminution de la consommation de glucose et d'oxygène, aussi bien au niveau cérébral qu'au niveau de l'organisme (métabolisme de base). Ainsi, le sommeil permettrait d'économiser de l'énergie. S'il a existé des animaux perpétuellement éveillés, ils auraient eu besoin de consommer plus de nourriture que ceux qui pouvaient dormir (ou hiberner), et la sélection Darwinienne n'aurait conserver que les dormeurs pour des raisons malthusiennes.
Cette hypothèse se heurte actuellement à des résultats expérimentaux paradoxaux. En effet, les animaux qui hibernent peuvent conserver une température centrale de 1°ree;C ou 2°ree;C pendant plusieurs semaines (au cours desquelles la consommation d'énergie du cerveau et de l'organisme est réduite au minimum).
Périodiquement, l'hibernation est interrompue par des épisodes de "réveil" au cours desquels la température remonte à 38°ree;C : lorsque l'animal a atteint cette température, il s'endort, et l'analyse de fréqence de son sommeil révèle une augmentation importante des ondes lentes (similaire à celle que l'on obtiendrait après une privation de sommeil prolongé dans des conditions de température normale, lors de la régulation homéostasique réactive). Etant donné l'absence totale de dépense d'énergie qui précède l'augmentation du sommeil, on comprend mal comment ce sommeil de récupération aurait une fonction de conservation d'énergie. Il est cependant possible que l'augmentation de la puissance des ondes lentes au cours du sommeil post hibernatoire soit la traduction de phénomènes de régulations au niveau des membranes synaptiques dont les processus de transfert ioniques passent rapidement de 1°C à 37°C.

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