Sur un cas d'agrypnie (4 mois sans sommeil) au cours d'une maladie de Morvan. Effet favorable du 5-hydroxytryptophane
C. Fischer-Perroudon, J. Mouret et M. Jouvet
Electroencephalography and Clinical Neurophysiology, 1974, 36: 1-18

Laboratoire d'Exploration Fonctionnelle du Système Nerveux, HôpItal. Neurologique et Département de Médecine Expérimentale, Université Claude Bernard, 69394 Lyon (France)

(1) Ce travail a été effectué grâce à l'aide de l'I.N.S.E.R.M. (U 52), du C.N.R.S. (LA 162) et de la D.R.M.E. (Contrat 72108).

Les insomniaques sont légion. Cependant, lorsqu'on les soumet à l'épreuve de l'enregistrement polygraphique, ils deviennent alors de mauvais dormeurs (300 min de sommeil environ) (Vitrey 1967; Mouret et al. 1972). Cette performance est également le cas des petits dormeurs étudiés par Jones et Oswald (1968). Il n'existe que peu de cas d'insomnie totale de courte durée, vérifiée par l'électroencéphalographie dans des affections centrales toxiques (Greenberg et Pearlman 1967) ou traumatiques (Bricolo 1967; Adey et al. 1968). D'un autre côté la privation totale volontaire de sommeil vérifiée sous contrôle polygraphique a ses limites et ses records - 264 h (Gulevich et al. 1966). Pourtant dans la littérature neurologique on trouve relatées des observations d'encéphalite avec insomnie de longue durée (Von Economo 1929) et l'insomnie totale constitue le symptôme majeur d'affections rares comme la chorée fibrillaire de Morvan (Morvan 1890; Roger et al. 1953; Garcin et al. 1971) ou l'acrodynie (Dore 1967). Est-il possible que certains malades puissent rester sans dormir pendant des semaines, voire des mois? La réponse à cette question est affirmative. Nous résumons, en effet, ci-dessous l'observation d'un malade de 27 ans, atteint de chorée fibrillaire de Morvan, dont nous pouvons affirmer qu'il ne dormit pas pendant au moins 4 mois. Ce cas est d'autant plus exceptionnel que cette insomnie, qui n'entraîna ni troubles de l'attention, ni troubles de la mémoire, s'accompagna d'hallucinations nocturnes remarquables. Enfin, l'effet curateur malheureusement non définitif du traitement au 5-hydroxytryptophane (5-HTP) permet d'émettre quelques hypothèses sur les mécanismes de cette insomnie qui est la plus longue vérifiée de façon presque permanente par des contrôles polygraphiques.

I. Histoire de la maladie

Monsieur M... est âgé de 27 ans lorsqu'il est hospItal.isé à l'HôpItal. Neurologique au mois de janvier 1970. Les prodromes de sa maladie se manifestèrent au cours de l'été de 1969 par des douleurs intestinales avec diarrhée, une sensation de brûlure aux pieds et aux mains, une hypersudation nocturne, une insomnie sévère et de la fièvre (38°C). Au début de janvier 1970, la symptomatologie alors au complet associait: des fibrillations incessantes, intéressant tous les muscles et ne subissant aucune modification pendant les rares moments de sommeil ou lors d'une anesthésie générale; des algies des extrémités à type de brûlure et de picotements entraînant un prurit généralisé, un acroérythéme avec oedème, des crises sudorales nocturnes d'une durée de 2 à 3 h, une tachycardie permanente à 110-120 (la tension artérielle était à 13/7), une fièvre modérée à 37,5-38 °C. L'examen neurologique était entièrement négatif mise à part une paralysie de l'hémivoile gauche du palais qui a partiellement régressé. Enfin il existait une insomnie rebelle et des hallucinations nocturnes sur lesquelles nous reviendrons.

L'ensemble de ces symptômes fit porter le diagnostic de chorée fibrillaire de Morvan.

Monsieur M... demeura hospItal.isé de janvier à novembre 1970. Les premiers enregistrements polygraphiques, au début du mois de mars, confirmèrent la réalité de l'absence totale de sommeil. Devant l'échec des traitements classiques de l'insomnie: hypnotiques barbituriques (phenobarbItal. 15 cg), tranquillisants (diazepam 15 mg) et neuroleptiques (chlorpromazine 25 mg), on décida d'administrer un traitement faisant intervenir les précurseurs de la sérotonine en vérifiant l'élimination urinaire du 5-HIAA.

Un traitement avec le 5-HTP (DL-5-HTP des Laboratoires Fermé (1)) fut administré à partir du 10 mars. L'administration de doses inférieures à 2 g/24 h (10 mars au 4 mai) entraîna une légère amélioration qui disparut après l'arrêt du traitement. Un essai de traitement par le tryptophane (TRY) augmenta ensuite considérablement les hallucinations sans entraîner d'amélioration de l'insomnie.

A partir du 4 juillet, le 5-HTP fut administré à des doses supérieures à 2 g/24 h. Cette thérapeutique fut suivie d'une importante amélioration clinique et polygraphique si bien qu'entre juillet et septembre, la guérison du malade pouvait être envisagée. Après une suspension de 2 semaines, le traitement fut repris le 28 octobre. Malgré des doses importantes (8 g/24 h environ), une aggravation apparut. L'insomnie se réinstalla et les hallucinations devinrent subintrantes. Cette dernière étape fut accompagnée d'une diminution relative de l'élimination du 5-HIAA urinaire par rapport à la période précédente de traitement au 5-HTP.

La mort survint le 21 novembre 1970. La vérification anatomique mit en évidence un suboedème pulmonaire. Seules furent retenues dans l'examen de l'encéphale et de la moelle épinière des microhémorragies dans les noyaux latéraux du tuber et les noyaux supraoptiques, des altérations neuronales assez accentuées dans l'olive bulbaire, enfin de très légères modifications morphologiques (densification ou chromatolyse) intéressant un grand nombre de noyaux du tronc cérébral et particulièrement le nucleus raphé dorsalis et le nucleus raphé centralis.

Une biopsie musculaire effectuée en février 1970 a fait l'objet d'un examen au microscope électronique. Des lésions circonscrites en petits foyers multiples, évoquant un processus de myolyse focale ont été retenues au niveau du matériel contractile de fibres musculaires apparemment saines.

(1 ) Nous remercions Monsieur Fermé (Laboratoires Fermé) d'avoir bien voulu nous fournir gracieusement une grande quantité de DL-S-HTP.

II. Etude polygraphique du sommeil et vérification métabolique du traitement

Au cours des 108 enregistrements nocturnes d'une durée moyenne de 12 h et des 9 enregistrements de 24 h, le malade fut placé dans une chambre insonorisée dont la température était maintenue constante à 20-22°C.

Les enregistrements polygraphiques ont été faits soit par télémétrie (Televar), soit sur un appareil ALVAR polygraph XIV + III avec un montage bipolaire associant un montage longitudinal inférieur D et G et un montage en triangle (vertex-frontal D et G, vertex-occipItal. D et G). Des électrodes sus- et latéro- orbitaires permettent d'enregistrer les mouvements oculaires verticaux, horizontaux et obliques, tandis que l'activité musculaire est enregistrée par des électrodes situées au niveau de la houppe du menton et des muscles sus-hyoïdiens. Enfin une électrode au niveau de l'aire précordiale permet d'enregistrer l'électrocardiogramme.

Les enregistrements ont été analysés visuellement et transformés en hypnogrammes selon les critères habituels du Laboratoire.

Le dosage du 5-HIAA urinaire a été fait par la méthode de Udenfriend modifiée (extraction sur acétate d'éthyle et non sur éther) (Udenfriend et al. 1958); les urines étant recueillies dans l'obscurité sur 15 ml d'HCL pur et rapidement congelées.

L'ensemble de cette observation est exposé en détail dans la thèse de l'un de nous (Fischer-Perroudon 1973).

III. L'insomnie

Lorsque les premiers enregistrements furent pratiqués, notre patient déclarait être complètement insomniaque depuis 3 mois et les nombreux contrôles du personnel infirmier de nuit confirmaient ses allégations. Mises à part les hallucinations vespérales, cette insomnie était remarquablement tolérée. Au cours de la journée, en effet, le malade était calme et avait un comportement normal. Le soir, il n'avait pas sommeil mais souhaitait avoir envie de dormir. Il ne présenta pas de tremblement fin des extrémités ni de conjonctivite ou de nystagmus. Le contact avec lui était aisé. Attention, jugement et mémoire étaient également normaux. Les capacités intellectuelles étaient bonnes compte tenu du quotient intellectuel (Q.I. global: 89) et du niveau culturel.

Après 4 mois d'évolution et malgré l'absence quasi totale de sommeil, les tests psychotechniques montrèrent que le coefficient de détérioration intellectuelle était nul, la mémoire intacte. La copie de la figure complexe de Rey effectuée dans un temps moyen révèla que la construction et le raisonnement étaient excellents et la mémoire visuelle et spatiale très satisfaisante. L'épreuve du labyrinthe objectiva une bonne adaptabilité. Le malade fit même des progrès au jeu de cartes.

La personnalité de Monsieur M... nous a toujours paru normalement structurée et le test de Rohrschach nous aide à affirmer qu'il n'était pas psychotique. Notons enfin que le sujet nous apparut d'humeur dépressive et que cet état s'aggrava progressivement sans que le traitement ne l'influençât.

La réalité de cette insomnie si bien supportée fut contrôlée par des enregistrements polygraphiques:

A. Les données de base

Les données de base ont été établies à partir de 9 nuits. Les 5 premiers enregistrements successifs effectués en mars 1970 (Tableau 1A) révèlent une insomnie quasi totale puisque le temps de sommeil total (TST) moyen n'est que de 26 min. Cette insomnie nocturne ne résultait pas d'une inversion du rythme nycthéméral puisque pendant les 9 enregistrements de jour effectués avec télémétrie, il ne fut enregistré que 35 min de sommeil en moyenne (stade I uniquement). Cette insomnie totale fut également retrouvée pendant 4 nuits consécutives lors de l'arrêt du traitement et son remplacement par des placebos (Tableau 1B). Ainsi ces 9 enregistrements nocturnes effectués au cours du 3ème et du 5ème mois de la maladie authentifient l'intensité de l'insomnie. Malgré les nombreux artéfacts dus à l'agitation du malade, nous n'avons jamais observé d'anomalies focales ou irritatives sur l'EEG. Le rythme de base à 9 c/sec, fut conservé pendant toute l'évolution. Certaines anomalies discrètes doivent cependant être signalées:

Au cours de l'éveil. La persistance d'un rythme alpha occipItal. à 9-10 c/sec au cours de la lecture et une absence de réaction d'arrêt furent notées de manière inconstante à partir d'avril 1970 (Fig. 1).

Il existait également de très fréquents blépharospasmes qui disparurent après l'instauration du traitement au 5-HTP.

Au cours du sommeil. L'identification du stade I ne fut pas toujours facile du fait des nombreux artéfacts musculaires qui pouvaient le faire assimiler à l'éveil. Mais dans les rares cas où l'on n'était pas sûr du comportement du sujet, constamment sous surveillance visuelle directe ou par l'intermédiaire d'un circuit vidéo, il fut décidé d'opter pour le stade I aux dépends de l'éveil.

L'aspect électrique des autres stades du sommeil, soit spontané soit induit par le 5-HTP (Fig. 2), fut normal. Le sommeil paradoxal (SP), lorsqu'il réapparut pendant le traitement, fut facilement reconnu.

B. Les effets du traitement

Les thérapeutiques habituelles s'étaient montrées inefficaces. Seule la convulsivothérapie pratiquée au mois de juin augmenta le TST de manière significative puisqu'il fut de 338 min en moyenne au cours des nuits qui suivirent les quatre électrochocs tandis que pour les 10 autres nuits de la même période, il ne fut que de 249 min en moyenne (t=2.0286, 0,10 < P < 0,05). Chacun des paramètres du sommeil, et en particulier les stades III, IV ou le SP influencé ne fut pas valablement influencé.

Devant une insomnie aussi résistante on décida d'instaurer une thérapeutique agissant sur les monoamines cérébrales (tryptophane et 5-HTP). Cette thérapeutique fut suivie par l'observation comportementale, les données polygraphiques et surtout par l'élimination urinaire du 5-HIAA. L'imprévisible évolution spontanée de la maladie et la difficulté de se procurer du 5-HTP nécessitèrent l'arrêt du traitement à 3 reprises. Les injections de 5-HTP furent alors remplacées par des placebos (soit en comprimés soit en injections).

1. Le L-tryptophane

Il a été donné per os le soir à 24 h en une seule prise, pendant 5 jours consécutifs, à des doses de 5, 10, 15, et 20 g. Cette drogue n'entraîna aucune modification de l'insomnie qui resta presque totale (Tableau 1C) (Fig. 3).

Malgré l'échec de toute action sur l'insomnie, l'essai de traitement au tryptophane entraîna cependant des effets centraux évidents: les hallucinations nocturnes augmentèrent considérablement, tandis que la température redevint normale pendant 4 jours pour remonter ensuite. Cette action centrale du tryptophane traduit ainsi son assimilation, ce que confirme l'élimination urinaire (14,48 mg de 5-HIAA/24 h. Elévation comparable à celle de sujets normaux - M = 10,6 mg/24 h; n = 3). Précisons que le taux base de 5-HIAA était de 2,5 mg/24 h.

2. Le DL-5-hydroxytryptophane

a. Emploi de faibles doses (inférieures à 2 g/24 h) (du 10 mars au 23 mai). Dans un premier temps (10 mars-4 mai) le 5-HTP fut administré per os, en 6 prises équivalentes, pendant 35 jours à la dose moyenne quotidienne de 1,65 g. Son action fut relativement bien supportée mis à part quelques troubles intestinaux (diarrhées). L'action sédative fut nette sur l'agitation nocturne. Les fibrillations musculaires diminuèrent ainsi que les crises sudorales. Cependant, comme en témoigne le Tableau 1 (D, E) l'action sur le sommeil fut presque nulle.

b. Le 5-HTP fut employé à doses élevées (supérieures à 2 g/24 h) du début du mois de juillet jusqu'au 10 octobre. Son action favorable ' hypnogène" fut alors évidente et s'objectiva par une série convergente d'effets sur le sommeil (Tableau IIA):

Augmentation du TST. Pour une dose quotidienne moyenne de 6,9 g de 5-HTP (juillet) le TST fut en moyenne de 288 min. Comparé aux données de base, il est significativement augmenté (t = 4.612, P < 0,001). De même en août et octobre, pour une dose de 4,98 g/24 h, le TST s'éleva à 228 min en moyenne (t = 6.141, P < 0,001).

L'augmentation du TST est en relation directe avec les doses de 5-HTP comme en témoignent les résultats des tests de Bravais-Pearson: en juillet: r= - 0.4971, 0,1 < P < 0,05 (n=14), en août octobre: r=0.4482, P < 0,001 (n=54).

On doit noter également que c'est seulement avec le traitement au 5-HTP que les stades III et IV réapparurent au cours de nombreuses nuits. Leur durée est également en relation avec la dose de 5-HTP (Fig. 4): juillet: r=0.8421, P < 0,001 (n= 14); août octobre: r=0.6099, P < 0,001 (n = 54)

Réapparition du SP. Ses caractéristiques polygraphiques furent normales (Fig. 2), ses conditions d'apparition aussi car il survint toujours après les stades III et IV et jamais immédiatement après le stade I ou l'éveil. Le retour du SP est également corrélé avec le 5-HTP de manière significative (r=0.6134, P < 0,001. n = 54).

Au cours du traitement au 5-HTP, le rapport SP/III + IV devient hautement significatif (r = 0.3347, P < 0,001 pour n = 126) alors qu'il ne l'est pas en dehors de cette thérapeutique (r = 0.0044 pour n = 86).

Enfin, l'une des preuves les plus nettes de l'action hypnogène du 5-HTP à forte dose est apportée par la relation temporelle entre l'ingestion de 5-HTP et l'apparition du sommeil (Fig.5). Il existe en effet un maximum de sommeil, qui s'objective très nettement sur un "histogramme", 45 min après l'administration du 5-HTP.

Au cours de cette période les taux urinaires de 5-HIAA augmentèrent en fonction des doses de 5-HTP (r=0.9156, P < 0,001, n=44) (Fig. 6), ce qui explique les corrélations significatives que l'on a retrouvées entre le 5-HIAA urinaire et les états de sommeil. 5-HIAA/TST: r = 04801, P < 0,001 (n=44); 5-HIAA/III+IV: r = 0.9114, P < 0,001 (n=44); 5-HIAA/SP: r=0.6355, P < 0,001 (n = 44).

c. La phase terminale est caractérisée par l'échec du 5-HTP et une diminution de l'élimination urinaire de son métabolite le 5-HIAA. En effet, le 5-HTP doit être interrompu au mois d'octobre car la provision était épuisée. Pendant une dizaine de jours l'état du malade demeura satisfaisant et le sommeil resta amélioré comme en témoignent les moyennes de 10 enregistrements pratiqués (TST: 236 min; stade I: 191 min; stade II: 20 min; stade III: 6 min; stade IV: 16 min; SP: 2 min). Cependant, subitement l'état général de Monsieur M... s'aggrava. Les fibrillations augmentèrent, les hallucinations nocturnes devinrent subintrantes et l'état dépressif s'aggrava. Une nouvelle thérapeutique au 5-HTP fut alors instaurée (8,87 g/jour). Après une courte période où une amélioration fut notée, brusquement l'insomnie réapparut (Tableau III). Fait notable, lors de la disparition de l'effet hypnogène du 5-HTP, on observa une très nette dissociation entre les taux urinaires de 5-HIAA et la quantité de 5-HTP administrée (pour une dose quotidienne moyenne de 10 g de 5-HTP, l'élimination urinaire de 5-HIAA ne fut que de 252 mg/24 h pendant les 6 derniers jours, alors que dans les mêmes conditions 15 jours auparavant, ce taux était de 406 mg/24 h).

IV - Les hallucinations

Nous n'envisagerons ici que leur aspect neurophysiologique clinique, leur rapport avec l'insomnie et le traitement. Elles peuvent être classées en 2 types:

1. Le premier est spectaculaire par son aspect clinique inédit et mérite d'être individualisé sous le terme de "syndrome hallucinatoire distalgique". Ce type d'hallucinations a été noté avant toute thérapeutique dès le mois de mars et il a persisté au long de l'évolution de la maladie, parfois exacerbé lors de l'administration de tryptophane, parfois au contraire presque totalement absent lors de la thérapeutique avec les fortes doses de 5-HTP. Ce syndrome survenait à heure fixe (entre 20 et 22 h) sans prodrome. Le malade, jusque là éveillé et calme, ressentait tout à coup une sensation de froid intense au niveau des mains et des pieds. Cette sensation était objectivée par une pâleur livide des extrémités. En un deuxième temps, la vasoconstriction faisait place à une douleur intense suivie de prurit distal, de vasodilatation avec chaleur locale et sueurs profuses. En même temps que ces phénomènes périphériques, survenaient des hallucinations surtout visuelles. Quelques thèmes se répétèrent de façon stéréotypée: voyage en fusée et débarquement sur la lune avec interpellation d'habitants de notre satellite, thème de chasse avec lâcher de faisan. Plus rarement les hallucinations avaient un thème olfactif (mauvaise odeur), auditif (réponse à un appel), somesthésique (impression d'animaux sur son corps). Ces épisodes hallucinatoires duraient 20 min à 1 h. A la fin, le malade ne les critiquait pas spontanément. Parfois il admettait avoir rêvé. Ainsi au point de vue clinique, ces hallucinations ressemblaient à l'association d'un "onirisme" du type observé au cours du délirium tremens avec un syndrome de vasoconstriction subit des extrémités. Les données polygraphiques recueillies à de nombreuses reprises au cours de ces épisodes ont été perturbées par les artéfacts musculaires. Le tracé EEG était identique au stade I ou à une réaction d' arrêt avec accélération et aplatissement du rythme (Fig. 7). Jamais nous n'y avons noté d'ondes "en dents de scie". Il y avait des mouvements oculaires rapides et une importante activité tonique musculaire. A aucun moment ne survint d'épisode d'hypotonie ou d'atonie faisant penser à l'irruption d'un état narcoleptique ou cataplectique.

2. Le deuxième type d'hallucinations était beaucoup plus fréquent, mais de durée plus brève. Nous les appellerons "micro-hallucinations". De brèves périodes de conversation et des appels de membres de sa famille émaillaient ses nuits sans sommeil. La plupart du temps, ces épisodes d'une durée de quelques secondes et d'une fréquence de 10 à 50 par nuit survenaient au cours du stade I. Aucun syndrome périphérique ne les accompagnait. Ces hallucinations survenaient sans aucun doute au cours de brèves phases de relâchement de la vigilance. Elles étaient presque aussitôt oubliées ou bien le malade déclarait avoir rêvé. Leur fréquence fut augmentée par le tryptophane et diminuée par les grosses doses de 5-HTP. Mais il est certain que l'effet bénéfique du 5-HTP s'est effectué grâce au retour du sommeil car lorsque ce malade dormait (Stade II, III ou IV), il ne présentait aucun de ces 2 types d'hallucinations.

IV - Les hallucinations

I - Le problème diagnostique et étiopathogénique

Le diagnostic de chorée fibrillaire ne fait aucun doute car le tableau clinique présenté par notre malade correspond exactement à celui décrit par Morvan (Morvan 1890).80 cas de cette maladie ont été rapportés depuis, en Europe occidentale pour la plupart (Krebs 1922; Roger et al. 1953; Crosato 1960; Garcin et al. 1971). Cette affection doit être rapprochée de l'acrodynie (Pink-Disease des Anglo-Saxons), et pour certains, pourrait même être confondue avec elle (Coirault 1946). Signalons que l'insomnie est l'un des symptômes cardinaux de la chorée fibrillaire et de l'acrodynie mais qu'elle n'avait jamais été encore objectivée par un enregistrement polygraphique. L'évolution se fait favorablement dans 90 % des cas, dans un délai de quelques semaines à 7 mois. Dans les 10 % de cas où l'évolution fut défavorable, la mort n'a été rapportée à aucune cause précise (Roger et al. 1953; Crosato 1960).

L'examen anatomo-pathologique effectué chez notre sujet ne permet pas de retenir de lésion pathognomonique évidente. Il en avait été de même pour le seul examen pratiqué auparavant (Crosato 1960). Le problème étiopathogénique n'est donc pas résolu. L'éclosion de la maladie par foyers suggère une certaine contagiosité et certaines modalités cliniques et évolutives plaident en faveur d'une étiologie infectieuse (Paris 1957). Cependant les partisans d'une théorie toxique mercurielle font état dans certains cas de taux élevés de mercure urinaire sous chélateurs, et de l'extrême raréfaction de l'acrodynie depuis que le Calomel a disparu de l'arsenal thérapeutique (Garcin et al. 1971). Rien dans notre observation ne permet de trancher en faveur de l'une ou l'autre de ces étiologies car la recherche du mercure urinaire s'avéra négative à 3 reprises.

IV - Les hallucinations

II - Les mécanismes de l'insomnie

L'étiologie inconnue de la maladie de Morvan ne nous permet donc pas d'éclairer les mécanismes de l'insomnie. Cependant, les données de la neurophysiologie et la réaction du malade à la thérapeutique nous permettent de suggérer certaines hypothèses. Sur les bases de la neurophysiologie animale, on peut en effet opposer 2 types d'insomnies (voir bibliographie Jouvet 1972 et Jouvet et Pujol 1972). Les unes sont en général de courte durée. Elles font suite à la stimulation de la formation réticulée, à des stimuli nociceptifs, à des méthodes instrumentales ou à l'administration d'amphétamines. Leur dénominateur commun apparaît être une augmentation du turnover des catécholamines et parfois de la 5-HT. Ces insomnies sont suivies de "rebond" intéressant les 2 états de sommeil selon des modalités complexes. L'autre type d'insomnie peut être de longue durée. Il en est ainsi après destruction des noyaux du raphé ou inhibition de la synthèse de la sérotonine par la parachlorophénylalanine (PCPA). Dans ce cas, le dénominateur commun est une diminution du turnover de la sérotonine (avec une possible et secondaire augmentation du turnover des catécholamines). Il n'y a en général pas de "rebond" secondaire de sommeil lent ou de SP.

Ces 2 types d'insomnies sont transformés en sédation (mais pas en véritable sommeil physiologique car il n'y a pas retour du SP) après inhibition de la synthèse des catécholamines par l'alpha-méthyl-para-tyrosine. Seule l'insomnie par atteinte fonctionnelle des neurones 5-HT peut être totalement réversible en sommeil physiologique (sommeil lent et SP) avec de faible doses de 5-HTP à condition que la 5-HTP-décarboxylase ne soit pas inhibée et soit présente dans les neurones sérotoninergiques. Il en est ainsi après injection de PCPA (Mouret et al. 1967; Koella et al. 1968). Par contre, après destruction des péricaryones du raphé, l'administration de 5-HTP à faibles doses (5 mg/kg) est sans effet sur l'insomnie, tandis que l'administration de fortes doses (50 mg/kg) n'entraîne qu'une synchronisation corticale sans réapparition du SP (Pujol et al. 1971).

Les données suivantes nous autorisent à émettre l'hypothèse d'une atteinte (fonctionnelle ou ultrastructurale) du système sérotoninergique du raphé entraînant une diminution du turnover de la 5-HT cérébrale avec une possible augmentation secondaire du turnover des neurones catécholaminergiques.

A. Il ne nous est pas possible d'appuyer notre hypothèse sur l'anatomopathologie. Les lésions des noyaux du raphé (observées avec les techniques classiques) sont en effet trop discrètes pour que l'on puisse les rendre responsables de l'insomnie. Il faut déplorer à ce sujet qu'il ait été impossible de pratiquer des examens en histofluorescence ou des dosages des monoamines cérébrales.

B. Par contre, les enseignements apportés par la thérapeutique avec les précurseurs de la 5-HT sont plus solides. L'inefficacité totale du tryptophane sur l'insomnie doit d'abord être soulignée. Cette absence d'action contraste avec l'effet '`hypnogène" de cet amino-acide, remarqué à de nombreuses reprises, chez des sujets normaux ou hyposomniaques (Oswald et al. 1964; Hartman 1967; Wyatt et al. 1970). Puisque nous avons la preuve biologique (par l'augmentation du 5-HIAA urinaire) de l'absorption intestinale du tryptophane, il faut donc supposer que ce malade présentait quelque altération (d'origine virale ou toxique?) soit au niveau du transport du tryptophane à l'intérieur des neurones sérotoninergiques (au niveau des perméases par exemple ou par compétition avec d'autres acides aminés), soit au niveau de la tryptophane-hydroxylase.

C. Il semble en revanche prouvé que le 5-HTP ait été absorbé au niveau intestinal (comme le prouve la corrélation étroite entre les doses de 5-HTP ingérées et l'excrétion du 5-HIAA urinaire sauf à la période terminale). Il apparaît également hautement probable que le 5-HTP traversait la barrière hémato-encéphalique car l'action restauratrice du sommeil provoquée par le 5-HTP ne peut être mise en doute. Elle fut constatée à plusieurs reprises et les corrélations statistiques ou temporelles très significatives entre les doses de 5-HTP, le retour des stades III et IV et la réapparition du SP sont là pour témoigner que le 5-HTP n'entraînait pas un effet purement pharmacologique (synchronisation corticale) mais bien un effet physiologique. On est donc obligé d'admettre que le 5-HTP était décarboxylé, au moins en partie, au niveau des neurones sérotoninergiques et que les processus de libération ou de recapture de la 5-HT fonctionnaient. Il est peu probable que le 5-HTP ait été décarboxylé au niveau d'autres neurones monoaminergiques. Dans ce cas, en effet, il a été prouvé, chez le chat, que le 5-HTP à forte ou faible dose était incapable de restaurer le SP (Jouvet et Pujol 1972).

L'effet hypnogène du 5-HTP, s'il ne peut être mis en doute pose cependant des problèmes difficiles à résoudre. Pourquoi cet effet n'a-t-il été obtenu qu'avec de fortes doses (6 à 8 g/24 h)? Il faut sans doute d'abord tenir compte du fait que nous avons employé la forme DL car seule la forme L peut être considérée comme le précurseur physiologique de la sérotonine. Nos doses quotidiennes efficaces correspondent donc à des doses de 3 à 4 g de L-5-HTP. Nous aurions pu diminuer de façon importante de telles doses par l'emploi d'un inhibiteur périphérique des décarboxylases comme cela est le cas avec la L-DOPA (Bartholini et al. 1967) car il est probable que le 5-HTP a été décarboxylé également au niveau des capillaires cérébraux. Ainsi, malgré l'emploi de fortes doses, il est fort possible que seulement une faible partie du 5-HTP ait pu être décarboxylée à l'intérieur du cerveau. Nous voudrions enfin insister sur la nocivité des arrêts thérapeutiques qui furent obligatoires une fois dans notre cas par épuisement total du stock de 5-HTP. Il semble en effet qu'après chaque interruption la réaction du sujet au traitement était plus lente et que des processus complexes entrèrent en jeu si bien qu'à la fin le 5-HTP était, ou bien peu absorbé, ou bien non décarboxylé même au niveau rénal (comme en témoigne la diminution terminale du 5-HIAA urinaire).

D. Cette observation apporte donc des arguments solides en faveur de l'hypothèse sérotoninergique du sommeil chez l'homme. Elle est à rapprocher des observations de Wyatt et Zarcone (1971) et de Guilleminault et al. (1973) qui ont également observé un effet hypnogène chez des malades relativement hyposomniaques. On peut se demander enfin si d'autres symptômes présentés par notre malade ne pourraient pas dépendre de mécanismes sérotoninergiques. Cela est peu probable pour l'hyperthermie qui résista au traitement au 5-HTP (mais disparut de façon difficilement explicable sous l'influence du tryptophane). Cela est plus plausible dans le cas des algies distales et des fibrillations qui furent nettement améliorées par le traitement. On sait en effet que des mécanismes sérotoninergiques ont été impliqués expérimentalement dans le contrôle de la douleur (voir références Garattini 1968; Sicuteri 1971; Akil et al. 1972) et dans le contrôle des motoneurones (Engberg et al. 1968; Clineschmidt et Anderson 1970).

E. Il faut enfin supposer que le système d'éveil de ce malade, et les neurones catécholaminergiques qui contribuent à l'éveil étaient fortement sollicités, puisqu'on peut estimer qu'il resta presque toujours éveillé au cours des 3 à 4 premiers mois de sa maladie. Les signes suivants sont en faveur de la mise en jeu de neurones catécholaminergiques: hypersudation, vasoconstriction des extrémités, tachycardie permanente. On peut donc supposer que le turnover des catécholamines était augmenté comme cela a été remarqué après lésions du système du raphé (Jouvet et Pujol 1972).

IV. Les hallucinations

III - Les hallucinations

1. Le syndrome hallucinatoire distalgique

Dans une première hypothèse, un facteur sanguin serait responsable du syndrome hallucinatoire et de l'acroalgoérythème. Mais si leur apparition était toujours simultanée, les deux manifestations ne cédaient pas en même temps. De plus, on a pu voir à certaines périodes l'apparition du syndrome distalgique sans hallucination. Dans une deuxième hypothèse, un mécanisme central tiendrait sous sa dépendance le syndrome hallucinatoire et le syndrome vasomoteur, ce dernier par une action sur le système sympathique, mais les beta-bloquants se sont révélés inefficaces. La recrudescence des troubles perceptifs sous tryptophane fait également penser à la biosynthèse d'un métabolite "anormal". Dans l'hypothèse sérotoninergique avec atteinte au niveau du transport du tryptophane ou de la tryptophane-hydroxylase, le tryptophane serait métabolisé électivement suivant la voie de la tryptamine, ce qui entraînerait une surproduction de ses dérivés méthylés tels que la diméthyltryptamine dont on connaît le haut pouvoir hallucinogène (Garattini 1968; Anden et al. 1971; Brawley et Duffield 1972).

Les arguments en faveur d'une pathogénie autotoxique du syndrome hallucinatoire distalgique l'emportent sans doute sur une autre interprétation qui consisterait à voir dans ce tableau l'expression d'une forme anormale de SP. La destruction de la partie caudale de la région du locus coeruleus entraîne, en effet, chez le chat, l'apparition d'un tableau "pseudo-hallucinatoire" périodique au cours du sommeil (voir bibliographie Jouvet 1972). De nombreux arguments permettent de penser qu'il s'agit alors de l'expression motrice des phénomènes centraux du SP car le blocage du tonus musculaire a été supprimé par la lésion. Ces épisodes qui surviennent périodiquement toujours après une phase de sommeil lent préalable ont une durée similaire à celle du SP (5 à 6 min). Nous pensons qu'il n'est pas possible d'assimiler le syndrome hallucinatoire distalgique avec le tableau pseudo-hallucinatoire présenté par le chat pour les raisons suivantes: les hallucinations de notre malade n'étaient pas périodiques, mais survenaient une seule fois au début de la nuit. Elles n'étaient jamais précédées de sommeil mais survenaient toujours au cours de l'éveil. Leur durée excédait parfois considérablement celle d'une phase de SP. En outre, aucune lésion ne fut constatée au niveau de la région du tegmentum dorsolatéral pontique au niveau du complexe des noyaux du locus coeruleus. Enfin aucun signe polygraphique de SP ne put jamais être objectivé au cours de ces épisodes. Il est vrai que ce dernier argument n'est pas très solide puisque les artéfacts musculaires pouvaient fort bien avoir masqué les ondes en "dents de scie".

2. Les micro-hallucinations

Deux types d'interprétation sont possibles car ces épisodes survenaient au cours de brefs assoupissements (stade I). Il s'agissait donc d'épisodes de "microsleep" accompagné de brèves hallucinations revêtant tous les modes sensoriels.

On peut supposer qu'il s'agissait soit de l'enclenchement très bref de périodes de SP (trop court pour qu'apparaisse la disparition du tonus musculaire), soit de la survenue de pointes pontogéniculo-occipItal.es (PGO) (avec leur cortège de mouvements oculaires) au cours du stade I. On sait, en effet, qu'une des caractéristiques fondamentales de l'insomnie due à la diminution du turnover de la sérotonine est l'augmentation importante des PGO qui peut survenir soit au cours de l'éveil, soit à l'endormissement chez le chat (Delorme et al. 1966). Certains comportements de type hallucinatoire ont été décrits dans ces conditions chez le chat (Dement et al. 1972). Il n'est donc pas téméraire d'émettre l'hypothèse que les micro-hallucinations pourraient être en relation avec l'augmentation des PGO. En résumé, nous insistons à nouveau sur la pathogénie différente des 2 tableaux hallucinatoires présentés par ce malade. Le premier, inédit, ne semble pas devoir être rapporté directement à la suppression du sommeil ou du rêve, tandis que le second se rapproche de certains épisodes décrits lors des privations expérimentales de sommeil

IV - Les hallucinations

IV - A quoi sert le sommeil ?

Les cas d'insomnie au long cours lors de maladie ou de lésions du système nerveux central, vérifiés par la polygraphie, sont rares (Bricolo 1967; Schott et al. 1972). Notre malade représente le premier cas d'une insomnie authentique de très longue durée ainsi vérifiée par la polygraphie. On peut, en effet, affirmer grâce au contrôle polygraphique périodique qu'il subit et grâce au contrôle du personnel infirmier quand il n'était pas enregistré, que ce malade ne dormit pas (ou moins d'une trentaine de minutes de stade I par nuit, fragmentée en très courts épisodes, ce qui est négligeable) entre janvier et avril 1970, soit au moins 120 jours sans sommeil. On peut également estimer que sa dette en SP atteignait alors plus de 200 h.

A l'inverse des nombreux cas d'insomnie alléguée et non vérifiée par l'enregistrement (Vitrey 1967 ; Mouret et al. 1972),on se trouve ainsi devant un véritable cas d'agrypnie. Nous voudrions réserver ce terme déjà employé par Von Economo (1929) à l'insomnie authentifiée par l'examen polygraphique, en laissant au terme d'insomnie sa définition courante: sensation subjective de ne pas dormir.

A l'agrypnie présentée par notre malade, il est intéressant de comparer les cas de privations expérimentales de sommeil (Patrick et Gilbert 1896; Dement 1960; Gulevich et al. 1966; Kollar et al. 1968; Pasnau et al. 1968; Naitoh et al. 1969; Webb 1972).

Dans les 2 cas, en effet, des contrôles polygraphiques ou comportementaux ont été réalisés et des tests psychomoteurs entrepris. Remarquons d'emblée la différence qu'il y avait entre notre malade, couché toute la nuit dans un lit et recevant même des somnifères et les sujets normaux payés pour ne pas dormir, évitant de s'étendre, sans cesse stimulés pour rester éveillés. Le premier désirant dormir et cherchant indéfiniment le sommeil car il n'avait pas sommeil même après 3 mois, les seconds luttant pour ne pas s'endormir et tombant littéralement de sommeil après 120 - 200 et 264 h, s'endormant pour présenter un "rebond" de sommeil de longue durée (Naitoh et al. 1969; Webb 1972) (voir Tableau IV).

Certains signes présentés par les sujets privés de sommeil (ou observés après privation expérimentale chez l'animal) ont permis d'élaborer des hypothèses ou des théories sur les fonctions du sommeil (voir revue Hennevin et Leconte 1971): rôle dans la mémoire à long terme, l'apprentissage, etc.... Or, notre sujet, totalement "agrypnique" depuis 3 mois était capable de performances intellectuelles normales compte tenu du niveau d'intelligence moyen qui était le sien avant sa maladie. En particulier sa mémoire à court, ou long terme et ses capacités d'apprentissage ne furent jamais altérées, et ses capacités d'attention, nécessaires pour la réalisation de la figure complexe de Rey, du test du labyrinthe ne furent jamais diminuées. Trois ordres de manifestations pathologiques sont cependant apparus: un syndrome dépressif, le syndrome hallucinatoire distalgique et les micro-hallucinations.

Les deux premières peuvent difficilement être mises sur le compte de l'absence de sommeil per se. Nous avons déjà discuté les arguments qui sont en faveur d'une viciation métabolique du tryptophane dans la genèse du tableau algohallucinatoire. Il n'y a en outre aucune parenté entre ce tableau et les hallucinations parfois présentées au cours des privations expérimentales. Quant au syndrome dépressif, surtout net après 6 mois d'évolution, il est difficile de 1'attribuer à la seule disparition du sommeil. De nombreux facteurs associés ont joué certainement un rôle: désespoir de ne pouvoir guérir, séparation de sa famille, intensité du prurit, etc... En fait, il ne reste que les micro-hallucinations qui puissent être comparées avec les hallucinations décrites au cours des privations expérimentales de sommeil (Morris 1960; Kollar et al. 1969).

Nous pensons que l'on peut interpréter la différence des évolutions entre les privations instrumentales de sommeil et l'agrypnie présentée par notre malade de la façon suivante: dans le premier cas, l'insomnie est produite par la mise en jeu active du système d'éveil (stimulations sensorielles surtout). Les sujets évitent l'obscurité , de fermer les yeux, de se coucher. Le système sérotoninergique est en effet intact et il a été montré que le turnover de la 5-HT pouvait dans des conditions de stress prolongé augmenter parallèlement à celui des catécholamines (Thierry et al. 1968). La majorité sinon la totalité des signes observés peut alors s'interpréter par la mise en jeu parallèle des neurones 5-HT au cours de l'éveil. Les troubles de l'attention, la persistance de l'alpha occipItal., et même les micro-hallucinations relèveraient alors d'épisodes de microsommeil qui sont bloqués par l'expérimentateur qui surveille le sujet. Dans notre cas par contre, la vigilance de notre patient n'était pas soumise, au moins le jour, à la mise en jeu du système sérotoninergique. Seulement pendant la nuit, sous l'influence d'une possible diminution circadienne du turnover des catécholamines, quelques brefs épisodes de micro-sommeil survenaient. Ils ne dépassaient jamais quelques secondes ou minutes. Ni notre malade, ni les observateurs ne les interrompaient, mais ces épisodes aussi brefs fussent-ils laissaient apparaître quelques bouffées d'hallucinations. Mais il faut encore y insister, les capacités d'attention et de mémorisation étaient intactes le jour et le système d'éveil notre malade a montré ainsi une infatigabilité extraordinaire pendant plusieurs mois, en l'absence de système actif de sommeil venant l'inhiber. Les troubles de l'attention et peut-être de la mémorisation qui surviennent dans les privations expérimentales de sommeil seraient donc provoqués par l'intrusion au cours de l'éveil du système sérotoninergique du sommeil. L'absence de sommeil, et à fortiori de SP, n'entraîne donc pas obligatoirement la série des troubles observés au cours des privations expérimentales de sommeil de longue durée (voir Tableau IV). Sommeil lent et SP ne sont ainsi pas nécessaires à la vie (pendant 3 à 4 mois pour le premier, pendant près de 8 mois pour le second) et nous ne pouvons attribuer à leur suppression aucun déficit majeur. Privé de sommeil et de rêve depuis 3 mois, peut être au prix de quelques minutes d'hallucinations nocturnes, un homme peut lire le journal, faire des projets sur l'avenir, jouer et gagner aux cartes, retrouver sans difficulté des souvenirs récents ou anciens, apprendre un labyrinthe complexe et s'étendre toute la nuit sur un lit, dans l'obscurité, sans avoir sommeil ! Convenons en pour terminer, cette observation rend caduques la plupart des théories sur les fonctions du sommeil et du SP, mais elle n'en propose encore aucune.

Résumé

Nous rapportons l'observation d'un sujet de 27 ans atteint d'une chorée fibrillaire de Morvan. En dehors des fibrillations musculaires, ce sujet présentait une insomnie totale dont l'évolution spontanée et sous traitement au 5-HTP fut suivie presque continuellement par des enregistrements polygraphiques pendant 9 mois.

L'insomnie était remarquablement bien supportée. Au cours de la journée, le sujet était calme et avait un comportement normal. Il n'était pas fatigué. Le soir, il n'avait jamais sommeil. Il n'avait aucun des symptômes (conjonctivite, tremblement fin des extrémités, troubles de l'attention ou de la mémoire....) que l'on rencontre habituellement dans les insomnies provoquées instrumentales. Ses capacités intellectuelles étaient intactes et aucun déficit de la mémoire ne fut constaté. Par contre, ce malade présentait au cours de la nuit 2 types de symptômes pathologiques: (a) Un syndrome hallucinatoire majeur accompagné de vasoconstriction et de douleurs des extrémités (syndrome hallucinatoire distalgique). Ces hallucinations apparaissaient entre 21 et 23 h. Elles duraient 20 min à 1 h et revêtaient tous les modes sensoriels, visuel, auditif, olfactif, somesthésique. Elles étaient accompagnées par un tracé polygraphique similaire au stade I ou à l'éveil. Ces hallucinations furent aggravées par le tryptophane et disparurent lors du retour du sommeil avec les fortes doses de 5-HTP. (b) De brèves hallucinations (quelques secondes) qui apparaissaient pendant les épisodes de stade I ou pendant l'éveil.

Après une amélioration considérable coïncidant avec le traitement au 5-HTP, le malade fit une rechute après interruption du traitement. Cette rechute ne réagit pas à un nouveau traitement au 5-HTP et la mort survint après 11 mois d'évolution. L'examen anatomopathologique ne trouva aucune altération pathognomonique.

Les données de 117 enregistrements polygraphiques n'ont pas permis de mettre en évidence d'anomalies focales ou irritatives. Quelques atypies (blépharospasmes, stade I avec mouvements oculaires rapides, absence de réaction d'arrêt . . . ) ont parfois été notées.

La réalité de l'insomnie a été vérifiée par neuf enregistrements nocturnes; 5 enregistrements consécutifs réalisés avant toute thérapeutique objectivèrent une insomnie presque totale (TST moyen (stade I) de 26 min). Au cours de 4 autres enregistrements effectués lors de l'administration de placebo, le TST moyen était de 40 min (stade I).

Les thérapeutiques usuelles se montrèrent inefficaces. Seule la convulsivothérapie augmenta le TST de manière discrète mais significative sans affecter valablement chacun des paramètres du sommeil.

Le L tryptophane administré per os pendant 5 jours à dose quotidienne moyenne de 12 g n'entraîna aucune amélioration puisque le TST moyen ne dépassa pas 48 min (stade I). Le taux du 5-HIAA urinaire s'éleva cependant dans des proportions normales (14,48 mg/24 h). L'activité hallucinatoire fut très nettement exacerbée.

A faible dose (au dessous de 2 g/24 h) le DL-5-HTP n'influença pas valablement les paramètres du sommeil. Il eut cependant un effet sédatif et sa prescription coïncida avec une amélioration clinique.

A forte dose (plus de 2 g/24 h), le DL-5-HTP eut une action hypnogène certaine. Lorsque le 5-HTP entraîna l'apparition de stades III et IV, cet effet fut constaté 45 min après 1'administration du produit. Le TST augmenta de manière significative et il apparut des taux appréciables de stades III et IV et quelques minutes de sommeil paradoxal (SP) plusieurs nuits de suite (r TST/5-HTP = 0.4482, P < 0,001; r 5-HTP/II I + IV=0.6099, P < 0,001; r 5-HTP/SP=0.6134, P < 0,001; pour n=54). Enfin l'élimination du 5-HIAA urinaire fut directement corrélée avec le 5-HTP (r=0.9156, P < 0,001 pour n=30).

A la phase terminale, après une période d'arrêt thérapeutique, l'organisme du sujet cessa de répondre au DL-5-HTP en même temps que l'état clinique se détériorait inéluctablement et que l'excrétion urinaire de 5-HIAA diminuait.

Les résultats apportés par le 5-HTP permettent de discuter les mécanismes de cette insomnie majeure en fonction de l'hypothèse sérotoninergique du sommeil.

Enfin, la pathogénie des hallucinations et les différences cliniques entre cette insomnie totale (agrypnie) de longue durée et les privations expérimentales de sommeil sont discutées.

Summary

One case of agrypnia (4 months without sleep) in a morvan disease, favourable action of 5-hydroxytryptophane

A 27-year-old man entered the HôpItal. Neurologique with a complaint of muscular fasciculations, insomnia, distal pain and diarrhea. A diagnosis of "chorée fibrillaire de Morvan" was made. This disease, with a proposedly viral aetiology, exhibits some neurological similarities with the Pink-Disease which might be induced by chronic mercury intoxication.

The polygraphic recordings in the initial period confirmed the total insomnia. A 9 month follow-up study was undertaken. The patient was either under placebo or under 5-HTP treatment. Except for the fasciculations and distal paraesthesias, no obvious troubles were observed during day-time. In spite of total lack of sleep, the patient never felt sleepy nor tired. None of the physical signs described during sleep-deprivation experiments were noticed. During the day no agitation or memory and/or intellectual disorders were present; some particular symptoms occurred at night: between 9 and 11 p.m., dramatic hallucinatory episodes, accompanied by aggravation of distal pain and vasoconstriction, were regularly observed (hallucinatory-distalgic syndrorme). During these episodes, lasting from 20 min to 1 h, auditory, visual, olfactory and somaesthetic hallucinations could occur while the polygraphic recordings showed either wakefulness or descending stage I.

These hallucinations were markedly enhanced by tryptophan loading, and disappeared under high doses of 5-HTP (from 2 to 12 g/day) which restored normal sleep stages.

Another type of hallucination, short-lasting with vocalization, occurred during brief episodes of stage I sleep or waking.

5-HTP given at large doses first improved the patient's condition dramatically. After 5-HTP withdrawal there was a gradual worsening of our patient's condition. 5-HTP therapy was again attempted but was then ineffective in reversing the symptoms and the patient died after 11 months of sickness. The neuropathology demonstrated no specific lesions.

No irritative or focal signs were noticed on the EEG data of more than 110 polygraphic recordings (representing 82,854 min). Some special qualitative signs were occasionally observed: blepharospasms and lack of alpha blocking during wakefulness.

During the initial period, an average of 26 min of stage I over 5 nights was recorded, reaching 40 min (stage 1) over 4 other nights during a placebo period. This insomnia was unaffected by the classical hypnotic drugs. A slight, but significant increase in Total Sleep Time (TST) followed electroconvulsive therapy. L-tryptophan given orally (12 g/day) during 5 consecutive days was completely ineffective (48 min stage I per night), in spite of a normal increase in urinary 5-HIAA (14.48 mg/24 h). The hallucinatory episodes were strongly enhanced by this aminoacid.

Low doses of oral DL-5-HTP (below 2 g/day) led to no changes in sleep but sedation and clinical improvement were obvious.

Higher doses of this drug (from 2 to 12 g/day) restored gradually stages III and IV sleep. Most of the time, the sleep periods occurred within 50 min after the drug administration. TST was markedly increased and paradoxical sleep (PS) reappeared during several consecutive nights (r TST/5-HTP=0.4482, P < 0.001; r 5-HTP/III+ IV=0.6099, P < 0.001; r 5-HTP/PS=0.6134, P < 0.001; n = 54). At that time urinary 5-HIAA was directly correlated with 5-HTP doses (r 5-HTP/5-H IAA = 0.9156, P < 0.001; n = 30).

During the terminal phase of the disease, however, when 5-HTP became ineffective, there was a decrease in urinary 5-HIAA.

The mechanisms of this dramatic insomnia and beneficial effects of 5-HTP are discussed in relation with the serotoninergic theory of sleep.

The origin of the hallucinations and the differences between this total-long-lasting absence of sleep (agrypnia) and the sleep-deprivation experiments are also discussed.

Figure1 : Absence of alpha blocking during alertness

Figure 1

Record taken when the patient was reading and speaking. Note the persistence of alpha waves.

V. OCC: derivation between vertex and right occipItal. region.
MO electro-oculogram (horizontalmovements).
EMG of the suprahyoïd muscle.

Calibration: 1 sec, 50 microV

Figure2 : Recovery of sleep after large doses of DL-5-HTP (5 g)

Figure 2

Above: Stage III.
Below: Paradoxical sleep.

1,2: Vertex-frontal right and left.
3, 4:Vertex-occipItal. right and left.
5: EMG of the suprahyoid muscle.
6, 7, 8:Electro-oculogram (vertical, horizontal, oblique).

Calibration: 1 sec, 50 microV

Figure 3 : Sample of characteristic hypnograms

Figure 3

Above: Total insomnia: only 10 min of stage I at 8 a.m. The oblique hatching signals the period during which the patient was walking in the sleep laboratory.

Middle: After 10 g of tryptophan (TRY 10 g per os given at 0,15 a.m.). There is no.significant improvement of sleep.

Below: Recovery of sleep after large dose of DL-5-HTP (1500 mg given per os at 11 p.m and 4.00 a.m.). The occurrence of stages III, IV and PS is especially evident after the second dose of 5-HTP.

Ordinates: E Waking. I,II,III, IV: stages I,II, III and IV. SP: paradoxical sleep.

Abcissae: time in hours

Figure 4 : Correlation between the duration of stages III and IV

Figure 4

Above: Correlation between the duration of stages III and IV (in minutes per night, ordinates) and the concentration of 5-HIAA in the urine excretion during the same day (in mg per 1000 ml) (abcissae); scales in 100 mg. r = 0.9114, n = 44, P < 0.001./p>

Below: Correlation between stage III and IV and the dose of DL-5-HTP given during the same day (abcissae); dose in grams. r = 0.6099, n = 54, P < 0.001

Figure 5 : Cumulative histogram of the duration of sleep (in minutes) every 10 min, for 16 consecutive nights

Figure 5

The arrows represent the time of the ingestion of a large dose of DL-5-HTP (5 g per diem) (at 23 p.m. and 4 a.m.).

Dotted line: Stages II, III and IV.

Continuous line: Paradoxical sleep.

Interrupted line: Sleep (II, III, IV) under placebos given at the same time when 5-HTP is usually given (16 nights).

Figure 6 : Correlation between the urinary excretion of 5-HIAA

Figure 6

(in mg per 24 h) and DL-5-HTP
(total dose per diem)

Figure 7 : Records taken during hallucinatory bebaviour associated with distal pain

Derivations between vertex and left frontal region, right and left occipItal. regions.
Electro-oculogram (horizontal), suprahyoid EMG activity and EKG.
Calibration: 1 sec, 50 microV

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