Sur un cas d'agrypnie (4 mois sans sommeil) au cours d'une maladie de Morvan. Effet favorable du 5-hydroxytryptophane
C. Fischer-Perroudon, J. Mouret et M. Jouvet
Electroencephalography and Clinical Neurophysiology, 1974, 36: 1-18
TABLE DES MATIERES
Sommaire
Histoire de la maladie
Etude polygraphique du sommeil...
L'insomnie
Les hallucinations
I. Le problème diagnostique...
II. Les mécanismes de l'insomnie
III. Les hallucinations
IV. A quoi sert le sommeil?
Résumé
Summary
FIGURES
TABLEAUX
Tableau 1
Tableau 2
Tableau 3
Tableau 4

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I. Histoire de la maladie

Monsieur M... est âgé de 27 ans lorsqu'il est hospItal.isé à l'HôpItal. Neurologique au mois de janvier 1970. Les prodromes de sa maladie se manifestèrent au cours de l'été de 1969 par des douleurs intestinales avec diarrhée, une sensation de brûlure aux pieds et aux mains, une hypersudation nocturne, une insomnie sévère et de la fièvre (38°C). Au début de janvier 1970, la symptomatologie alors au complet associait: des fibrillations incessantes, intéressant tous les muscles et ne subissant aucune modification pendant les rares moments de sommeil ou lors d'une anesthésie générale; des algies des extrémités à type de brûlure et de picotements entraînant un prurit généralisé, un acroérythéme avec oedème, des crises sudorales nocturnes d'une durée de 2 à 3 h, une tachycardie permanente à 110-120 (la tension artérielle était à 13/7), une fièvre modérée à 37,5-38 °C. L'examen neurologique était entièrement négatif mise à part une paralysie de l'hémivoile gauche du palais qui a partiellement régressé. Enfin il existait une insomnie rebelle et des hallucinations nocturnes sur lesquelles nous reviendrons.

L'ensemble de ces symptômes fit porter le diagnostic de chorée fibrillaire de Morvan.

Monsieur M... demeura hospItal.isé de janvier à novembre 1970. Les premiers enregistrements polygraphiques, au début du mois de mars, confirmèrent la réalité de l'absence totale de sommeil. Devant l'échec des traitements classiques de l'insomnie: hypnotiques barbituriques (phenobarbItal. 15 cg), tranquillisants (diazepam 15 mg) et neuroleptiques (chlorpromazine 25 mg), on décida d'administrer un traitement faisant intervenir les précurseurs de la sérotonine en vérifiant l'élimination urinaire du 5-HIAA.

Un traitement avec le 5-HTP (DL-5-HTP des Laboratoires Fermé (1)) fut administré à partir du 10 mars. L'administration de doses inférieures à 2 g/24 h (10 mars au 4 mai) entraîna une légère amélioration qui disparut après l'arrêt du traitement. Un essai de traitement par le tryptophane (TRY) augmenta ensuite considérablement les hallucinations sans entraîner d'amélioration de l'insomnie.

A partir du 4 juillet, le 5-HTP fut administré à des doses supérieures à 2 g/24 h. Cette thérapeutique fut suivie d'une importante amélioration clinique et polygraphique si bien qu'entre juillet et septembre, la guérison du malade pouvait être envisagée. Après une suspension de 2 semaines, le traitement fut repris le 28 octobre. Malgré des doses importantes (8 g/24 h environ), une aggravation apparut. L'insomnie se réinstalla et les hallucinations devinrent subintrantes. Cette dernière étape fut accompagnée d'une diminution relative de l'élimination du 5-HIAA urinaire par rapport à la période précédente de traitement au 5-HTP.

La mort survint le 21 novembre 1970. La vérification anatomique mit en évidence un suboedème pulmonaire. Seules furent retenues dans l'examen de l'encéphale et de la moelle épinière des microhémorragies dans les noyaux latéraux du tuber et les noyaux supraoptiques, des altérations neuronales assez accentuées dans l'olive bulbaire, enfin de très légères modifications morphologiques (densification ou chromatolyse) intéressant un grand nombre de noyaux du tronc cérébral et particulièrement le nucleus raphé dorsalis et le nucleus raphé centralis.

Une biopsie musculaire effectuée en février 1970 a fait l'objet d'un examen au microscope électronique. Des lésions circonscrites en petits foyers multiples, évoquant un processus de myolyse focale ont été retenues au niveau du matériel contractile de fibres musculaires apparemment saines.

(1 ) Nous remercions Monsieur Fermé (Laboratoires Fermé) d'avoir bien voulu nous fournir gracieusement une grande quantité de DL-S-HTP.

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