Les états de vigilance du nouveau-né se construisent et
s'organisent dès la période foetale. La vigilance du nouveau-né
se compose de quatre états:
- Le sommeil calme,
- le sommeil agité,
- l'éveil calme,
- l'éveil agité.
Ces quatre états ont été décrits et définis
de façon précise par A. Parmelee et Ph. Wolff aux Etats-Unis,
C. Dreyfus-Brisac et N. Monod à Paris en 1965 et en 1966,puis par
H.F.R. Prechtl en Hollande en 1974. Ce dernier a proposé une classification
en cinq stades allant du sommeil calme, état minimum d'excitation
(stade I), à l'excitation maximum de l'éveil avec pleurs
(stade V).
Le sommeil calme (stade I): ce sommeil est l'équivalent du sommeil
lent profond, le nouveau-né est immobile, il ne présente
aucun mouvement corporel en dehors de quelques sursauts, mais son tonus
musculaire persiste. Il peut dormir parfois avec les bras ramenés
vers le visage, très légèrement au dessus de celui-ci.
Le visage est peu expressif, souvent pâle, il n'existe aucune mimique
en dehors de quelques petits mouvements de succion, visibles surtout avant
les périodes d'alimentation. Les yeux sont fermés. Il n'existe
pas de mouvements oculaires, la respiration est très régulière,
peu ample, assez lente, aux environs de 30 à 40 mouvements par
minute. Les battements cardiaques sont réguliers, entre 120 et
140 battements par minute. Ce sommeil est très stable. Il n'est
généralement interrompu par aucun éveil, sa durée
est presque toujours la même, de 20 minutes environ.
L'électroencéphalogramme est lent de type alternant (C
Dreyfus Brisac), il n'est pas possible, comme chez l'adulte, de différencier
plusieurs stades.
Le sommeil agité (stade II): Ce sommeil est très
tôt l'équivalent du sommeil paradoxal de l'adulte. Il est
caractérisé par l'apparition de toute une série de
mouvements corporels: mouvements fins au niveau des doigts et des orteils,
mouvements peu amples au niveau des bras ou des jambes, mouvements corporels
plus globaux d'étirement. Ces mouvements sont très fréquents.
Le visage du nouveau-né au cours de ce sommeil est parfois très
expressif, avec de multiples mimiques, parmi lesquelles nous avons reconnu
les expressions des six émotions fondamentales: la peur, la colère,
la surprise, le dégoût, la tristesse et surtout la joie avec
les sourires aux anges. Il existe, comme chez l'adulte au cours du sommeil
paradoxal, des mouvements oculaires rapides. En outre, en dehors des mouvements
corporels, il existe une hypotonie importante: le tonus musculaire est
extrêmement bas. La respiration est rapide, irrégulière,
elle est parfois haletante, entrecoupée par des pauses respiratoires
qui sont normales, et qui peuvent atteindre 10 ou même 15 secondes
sans être inquiétantes. Le rythme cardiaque est aussi un
peu plus rapide qu'au sommeil calme, moins régulier. Ce sommeil
est beaucoup moins stable que le sommeil calme. Sa durée est très
variable, de 10 à 45 minutes. La durée moyenne est d'environ
25 minutes.
L'électroencéphalogramme est plus rapide qu'au cours du
sommeil calme. Il ressemble à celui de l'éveil calme, mais
il est plus lent que celui de l'adulte.
Il existe chez le nouveau-né un troisième état
de sommeil, le sommeil indéterminé ou transitionnel qui
se situe généralement entre les périodes de sommeil
agité et de sommeil calme. Ces périodes de sommeil intermédiaires
correspondent à des périodes où peuvent être
relevés des critères comportementaux et électroencéphalographiques
à la fois de sommeil calme et de sommeil agité.
L'état de veille calme (stade III): il s'agit d'un moment d'éveil
attentif. Le nouveau-né a les yeux grand ouverts, brillants. Il
peut dès les premiers jours regarder le visage qui lui sourit ou
qui lui parle. Il peut aussi suivre dès les premiers jours un objet
coloré. L'enfant est conscient de son environnement, il bouge peu.
Cet état de veille, dans les premiers jours de vie, est limité
à quelques minutes, deux ou trois fois dans la journée,
puis le nouveau-né va passer généralement en état
de veille agité, avec ou sans pleurs.
Les états de veille agités sans pleurs (stades IV) ou
avec pleurs (stade V): ils sont chez le nouveau-né beaucoup plus
fréquents que les éveils calmes, le nouveau-né est
au cours de ces périodes peu attentif à son environnement.
Le sommeil du foetus
On sait depuis longtemps que le foetus présente des périodes
d'immobilité et des périodes d'agitation. Des études
plus modernes, essentiellement hollandaises, basées sur l'enregistrement
du rythme cardiaque foetal et sur l'échographie qui permet de visualiser
le foetus, d'observer ses mouvements respiratoires (il respire de façon
intermittente à partir de la onzième semaine de gestation)
qui permet aussi d'observer ses mouvements oculaires et corporels. Ces
études simultanées de trois paramètres du sommeil
(mouvements oculaires, mouvements corporels, rythme cardiaque) montrent
que dès la vingtième semaine il existe déjà
une alternance d'activité et d'immobilité dont la périodicité
est pratiquement identique à celle du futur cycle de sommeil du
nouveau-né, de 50-60 minutes. Elles ont permis de constater que
le sommeil in utero avait un développement presque identique à
celui qu'ont les prématurés sains de même âge
gestationnel, sommeil des prématurés que l'on connaît
parfaitement bien, grâce aux études de C. Dreyfus-Brisac
et de N. Monod. Le sommeil agité et le sommeil calme commencent
à se différencier vers 27 semaines de gestation. A partir
de 35-36 semaines de gestation, ces deux sommeils alternent régulièrement;
la quantité de sommeil agité est très abondante,
elle représente environ 65% du temps de sommeil. Les états
de veille sont très peu importants, l'état de veille calme
pratiquement inexistant.
Le sommeil du foetus est indépendant de celui de sa mère,
mais il existe déjà une certaine organisation circadienne
de la vigilance. Les foetus ont, par exemple, plus de mouvements corporels
entre 21 heures et 24 heures, il existe une accélération
des fréquences cardiaques en début de nuit. Ce rythme circadien
foetal est probablement induit par les variations de la cortisolémie
maternelle et probablement aussi, par l'intermédiare de la mère,
par le rythme jour/nuit. Ce rythme circadien foetal disparaît à
la naissance. Chez le rat des études ont montré que la maturation
des structures nerveuses responsables de l'installation des rythmes circadiens
dépendait des donneurs de temps maternels. Le prématuré
serait sensible aux donneurs de temps à partir de 35 semaines,
pourtant parvenu au terme, l'organisation de ses états de vigilance
est peu différente de celle du nouveau-né, né à
terme, néanmoins l'absence de rythme jour/nuit des services de
réanimation, l'absence de donneurs de temps maternels, pourraient
aussi chez le nouveau-né humain prématuré retarder
l'installation des differents rythmes circadiens.
Les états de vigilance pendant l'accouchement
Des études du rythme cardiaque foetal, plusieurs études
de l'électroencéphalogramme pendant l'accouchement ont été
réalisées entre 1970 et 1980. Ces enregistrements ont permis
d'affirmer, qu'au cours d'un accouchement normal, le futur nouvau-né
dort et ne se réveille qu'au moment des contractions utérines
les plus fortes et de l'expulsion.
Le sommeil du nouveau-né et du premier mois de vie
Un nouveau-né dort en moyenne 16 heures par jour, mais il peut
exister d'emblée des différences importantes: certains bébés
gros dormeurs dorment près de 20 heures, d'autres probablement
plus petits dormeurs ne dorment que 14 heures, sans que cela soit anormal.
Le nouveau-né n'a pas de rythme jour/nuit, il est peu sensible
à l'environnement lumineux, ses éveils se produisent indifféremment
à n'importe quel moment. Le sommeil est morcelé par des
éveils en périodes de 3-4 heures, survenant aussi bien le
jour que la nuit. On parle de rythme ultradien de 3-4 heures.
Le nouveau-né s'endort presque toujours en sommeil agité.
L'une des caractéristiques fondamentales de cette période
est que le sommeil agité suit généralement une phase
d'éveil calme et souvent une tétée, mais les périodes
d'éveil ne sont pas dépendantes de l'alimentation. Les enfants
nourris de façon continue (perfusions ou sondes gastriques), se
réveillent aussi toutes les 3-4 heures.
Les cycles de sommeil sont courts et constitués d'une période
de sommeil agité et d'une période de sommeil calme. Un cycle
dure en moyenne de 50 à 60 minutes.
Le sommeil agité représente environ 50% du sommeil total,
soit 8 heures, en moyenne, chez le nouveau-né à terme, alors
que son équivalent, le sommeil paradoxal, est de 2 heures environ
chez l'adulte. Les périodes de sommeil calme et de sommeil indéterminé
représentent respectivement environ 40 % et 10 % du temps de sommeil
total.
Le sommeil de l'enfant de moins de 3 mois
C'est le moment où le sommeil va se transformer de la façon
la plus importante, le moment où vont apparaître toutes les
composantes qui caractérisent le sommeil de l'adulte:
- l'apparition d'une périodicité jour/nuit;
- l'apparition des rythmes circadiens, de la température, des
rythmes cardio-respiratoires et des sécrétions hormonales;
- la maturation électroencéphalographique du sommeil avec
apparition des différents stades qui caractérisent le
sommeil de l'adulte;
Le début d'une périodicité jour/nuit apparaît
vers l'âge d'un mois avec la présence d'une longue phase
quotidienne d'éveil, qui se situe très souvent entre 17
et 22 heures. Le plus souvent, c'est un moment d'éveil agité
avec pleurs incoercibles, pouvant durer plusieurs heures. La connaissance
de ce dernier point est capitale, car ces pleurs sont souvent interprétés
à tort comme des signes de faim ou de douleur abdominale.
Parallèlement, les périodes de sommeil nocturne vont s'allonger.
Un nouveau-né d'un mois pourra dormir pendant 6 heures consécutives.
Ces rythmes qui s'installent sont encore indépendants de l'environnement
et peu influencés par le rythme libre ou non de l'alimentation
et par l'alternance du jour et de la nuit. Entre 1 et 3 mois le petit
nourrisson a tendance à vivre en "libre cours"; hors du temps,
il vit à l'heure de son horloge interne de 25 heures: ses plus
longues périodes de veille et ses plus longues périodes
de sommeil auront tendance à se décaler régulièrement
tous les jours sur l'horaire extérieur et ce n'est souvent qu'à
partir de 3 mois qu'il va peu à peu synchroniser ses rythmes endogènes
avec les rythmes extérieurs et vivre une journée de 24 heures.
Les apparitions progressives des rythmes circadiens de la température,
des fréquences cardiaques et respiratoires, de la sécrétion
du cortisol, sont aussi des éléments importants de l'évolution
du sommeil entre 1 et 3 mois. L'amplitude de ces fonctions augmentera
ensuite lentement entre le troisième mois et le douzième
mois.
L'alternance du jour et de la nuit, donc le respect de la luminosité
dans la journée, la régularité des repas, des promenades,
des échanges avec l'entourage, du coucher surtout, vont aider le
nourrisson à installer et à synchroniser tous ces rythmes,
à faire disparaître les éveils de nuit prolongés.
Dans le même temps, la qualité du sommeil se modifie. Le
sommeil agité des premiers jours, très instable, léger,
entrecoupé par de fréquents éveils et de nombreux
mouvements corporels, va progressivement faire place, à partir
de 2 mois, à un sommeil plus stable. Il va surtout beaucoup diminuer
en quantité. Le sommeil agité, qui représentait 50
% du temps de sommeil total à la naissance, et même plus
avant le terme, ne représente plus à 3 mois que 30 %, donc
un chiffre assez proche de celui de l'adulte. La diminution du sommeil
agité est très liée à l'apparition de l'éveil
calme dans la journée.
Vers 2-3 mois, le sommeil calme est profond. Il s'allégera à
partir de 4 mois et il sera possible sur le tracé électroencéphalographique
d'individualiser, à partir de 2 mois, plusieurs stades équivalents
du sommeil lent léger et du sommeil profond de l'adulte.
Sommeil néonatal et fonction
Le sommeil agité du nouveau-né peut, dès la période
foetale, être assimilé au sommeil paradoxal (SP); il est
très abondant chez les mammifères qui, comme l'homme, ont
un cerveau immature à la naissance. Pour Roffwarg cette grande
quantité de SP jouerait un rôle dans le développement
et la maturation du cerveau, il permettrait la mise en place et le développement
des circuits nerveux, la maturation du cerveau au cours de la vie foetale
et post natale précoce. Le SP serait au cours de la période
foetale et des tout premiers mois de la vie le "Substitut de l'éveil".
Pour Jouvet la grande quantité de SP permettrait la mise en place,
puis l'exercice de nos comportement innés; "il permettrait (aussi)
la conservation de cet ensemble de traits de caractères qui constitue
la personnalité d'un individu". Ces hypothèses sont étayées
par des études expérimentales chez le raton et le chat.
Une étude personnelle des mimiques du sommeil, et en particulier
du "sourire aux anges" chez des nouveau-nés normaux et présentant
une malformation cérébrale majeure permet de penser que:
si les chats de Jouvet répètent "à blanc" au cours
de leur SP, les comportements caractéristiques de l'espèce
chat, le nouveau né humain, lui répéterait les mimiques
qui plus tard, à l'éveil lui permettront de communiquer
avec son entourage.
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