Rêves, mimiques et apprentissages
Marie Josèphe Challamel

Sommaire

Mémoire et apprentissage

La maturation du cerveau

La programmation génétique...

Les mimiques émotionelles...

Que dire de ces études ?

Rêvent-ils ?


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Les mimiques émotionnelles du nouveau-né

Nous avons essayé (9) de vérifier au travers du lien entre mimiques faciales et sommeil chez le nouveau-né, les théories de Roffwarg et de Jouvet. Le sourire néonatal et surtout les mimiques faciales observées au cours du sommeil n'ont pas beaucoup intéressé les scientifiques puisque six publications seulement leur sont consacrées. La conclusion de ces études est que le sourire spontané fait partie des activités phasiques du sommeil paradoxal. Il est, selon Wolff (10), fugace, réflexe, morphologiquement différent du sourire social de l'adulte et l'équivalent des mouvements de succion et des sursauts de sommeil. Pour un autre chercheur il serait d'origine sous-corticale. Douze nouveau-nés normaux ont été observés par enregistrement vidéo et enregistrement polygraphique de sommeil, en maternité, entre le quatrième et le neuvième jour de vie, et trois nourrissons porteurs d'une malformation cérébrale majeure ont été également enregistrés: deux hydranencéphales qui n'avaient pas de cortex cérébral, et un nourrisson ayant eu une exérèse de l'hémisphère cérébral gauche pour une atrophie cérébrale, malformation congénitale qui entraînait des convulsions presque permanentes, résistant à tout traitement.

Les résultats révèlent qu'il existe une relation très étroite entre sommeil agité, équivalent du sommeil paradoxal, et sourire: sur 388 sourires analysés, tous sauf quatre sont survenus au sommeil agité. Les sourires sont plus fréquents pendant les périodes de sommeil agité les plus stables et les plus riches en mouvements oculaires mais le nombre de sourires est un peu variable d'un individu à l'autre. Le sourire néonatal est identique au futur sourire social: sa durée est la même (il dure de une à cinq secondes), sa forme est identique: il met en jeu les mêmes muscles; il existe enfin, comme chez l'adulte, une prédominance significative à gauche pour les sourires unilatéraux. L'analyse visuelle des tracés de sommeil n'a pas révélé de modifications électro-encéphalographique, cardiaque ou respiratoire particulières associées aux sourires. Aucune corrélation n'a été trouvée entre mouvements corporels et sourires, entre stimulations maternelles, horaires d'alimentation et sourires.

L'analyse de 1469 autres mimiques faciales observées chez un seul nouveau-né normal a permis de retrouver toutes les expressions faciales de l'adulte, mais cette analyse révèle que ces mimiques n'ont à l'éveil, au cours des tout premiers jours de la vie, aucune signification émotionnelle, alors que les six mimiques émotionnelles dites universelles: joie, tristesse, peur, dégoût, surprise et colère, sont toutes retrouvées au cours du sommeil agité.

L'étude des enfants présentant une malformation cérébrale révèle que si les deux nourrissons hydranencéphales ont un comportement de sommeil normal et une motricité faciale conservée à l'éveil, ils n'ont, au cours du sommeil agité, aucune mimique en dehors de quelques secousses musculaires péribuccales. L'analyse des sourires de l'enfant ayant une hémisphérectomie gauche montre en revanche l'existence de sourires bilatéraux et symétriques, mais surtout la présence de sourires unilatéraux droits presque aussi fréquents que les sourires unilatéraux gauches.

REFERENCES
  • 1 - Howard Roffwarg, J.N. Muzio, W.C. Dement 1966
    "Ontogenetic Development of Human Sleep-Dream Cycle" Science: 152: p. 604-619.
  • 2 - Michel Jouvet, J.F. Delorme 1965
    "Locus Coeruleus et sommeil paradoxal" C.R. Séanc. Soc. Biol. 159: p. 895-899.
  • 3 - G. Moruzzi, H.W Magoun 1949
    "Brain Stem Reticular Formation and Activation of the EEG." Electroencephalography and Clinical Neurophyslology, 1, p. 455-473.
  • 4 - V.H Denenberg, E.B. Thoman 1981
    "Evidence for a Function Role for Active (REM) Sleep in Infancy" in Sleep 4: p. 185-191.
  • 5 - M. Mirmiran, N.E. Van de Poll, M.A. Corner, H.G. Van Oyen, H.L. Bour 1981
    "Suppression of Active Sleep by Chronic Treatment with Chlorimipramine During Early Post Natal Development: Effects Upon Adult Brain and Behavior In the Rat" Brain Res. 204: p. 129-146.
  • 6 - M. Mirmiran, J. Sholtens, N.E. Van de Poll, H.B.M Uylings, J. Van der Gugten, J. Boer< 1983
    "Effects of Experimental Suppression of Active (REM) Sleep During Early Development Upon Adult Braln And Behavior in the Rat" Develop Brain Res. 7: p. 277-286.
  • 7 - M. Jouvet 1986
    "Programmation génétique itérative et sommeil paradoxal" In Genotype and phenotype. Confrontations psychiatriques Specia 27: p. 153-181.
  • 8 - C. Debru 1990
    Neurophilosophie du rêve Hermann, coll. Savoir/Sciences: p. 1-397. PRESENTATION
  • 9 - M.J. Challamel, S. Lalhou, M. Revol, M. Jouvet 1985
    "Sleep and Smiling In Neonate: a New Approach" Sleep 84,Koella WP, Ruther E Schulz H, Gustav Fisher Verlag: p. 290-292.
  • 10 - PH. Wolff 1987
    "The Development of Behavioral States and the Expression of Emotions in Early Infancy" The University of Chicago
  • 11 - A. Grenier 1987
    Compte rendu: colloque sur la stimulation intellectuelle au tout début de la vie Ostrowski ZL. p. 85-87.
  • 12 - M. Nystrom 1974, 1975, 1977
    "Neonatal Faclal postural Patterning During Sleep" Psychological Bulletin, university of Lund, I, II, III,IV, P. 1-72
  • 13 - D. Foulkes 1977
    "Children's Dreams: Age Changes and Sex Differences" Waking and Sleeping 1: p. 171-174.