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La maturation du cerveau
Pour Howard Roffwarg (1966),
le sommeil paradoxal jouerait un rôle dans le développement
et la maturation du cerveau: la très grande quantité de
sommeil paradoxal chez les êtres immatures à la naissance
"permettrait la mise en place et le développement des circuits
nerveux, la maturation du cerveau au cours de la vie foetale et des tout
premiers mois de la vie". Cette hypothèse est corroborée
par plusieurs faits: c'est au moment où se développe le
cortex cérébral qu'existe chez le foetus et le nouveau-né
la plus grande quantité de sommeil paradoxal; les expériences
de privations sensorielles, en particulier visuelles chez le chaton, ont
prouvé que la mise en place des connexions neuronales est réglée
par l'activité des circuits au cours de la période sensible
pour une fonction donnée: le foetus et le tout nouveau-né
sont d'une certaine façon privés sensoriellement, ils reçoivent
peu de stimulations in utero, alors que la plupart des fonctions
sensorielles ont déjà une certaine maturité à
la naissance. Il existe au cours du sommeil paradoxal une intense activation
corticale, cette activation emprunterait surtout des voies sensorielles.
L'hypothèse de Roffwarg nous semble aussi étayée
par les données de Denenberg et Thoman (4) qui montrent qu'il existe une corrélation très
étroite entre la diminution très rapide de la quantité
de sommeil paradoxal au cours des premiers mois de la vie chez le nouveau-né
humain et l'apparition de l'éveil calme, seul éveil au cours
duquel le petit nourrisson est capable d'appréhender son environnement
et de recevoir ainsi des stimulations extérieures.
Les expériences de privations de sommeil paradoxal au cours
de l'ontogenèse fournissent également des arguments
en faveur de cette théorie: les privations de sommeil paradoxal
faites précocement au cours du développement ont été
impossibles chez le nouveau-né humain, chez le bébé
singe, chez des rats de moins d'une semaine ou chez des foetus de rat.
Il n'est en effet pas possible de priver de sommeil paradoxal des nouveau-nés
humains et des bébés singes sans les priver totalement de
sommeil; et celui des ratons sans affecter aussi certains comportements
indispensables à leur survie, comme la prise alimentaire par exemple.
Ces échecs démontrent peut-être l'importance de ce
sommeil chez le foetus et le nouveau né. En revanche, Mirmiran
(5,6) a montré
que des privations pharmacologiques du sommeil paradoxal chez des rats
âgés entre une et trois semaines entraînaient à
l'âge adulte une augmentation du sommeil paradoxal, une anxiété
anormale, une déficience sexuelle et qu'elles provoquaient, dans
certains cas, une modification de l'architecture de certaines structures
nerveuses. Il a également démontré chez des rats
élevés en milieu enrichi, dont le cortex est plus important
que celui de rats élevés en milieu normal, que la suppression
du sommeil paradoxal empêche l'augmentation de l'épaisseur
du cortex. Les résultats de cette étude pourraient signifier
que le sommeil paradoxal joue également un rôle dans l'élaboration
de la trace laissée dans le cerveau par les acquisitions nouvelles,
dans l'engrammation des stimulations épigénétiques.
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